Le mot air, dénotant la manière d’être expressive, peut être transposé dans le domaine des choses matérielles et des choses abstraites.
Le corpus n’est pas abondant :
‘1. Jamais il n’y eut un accouchement si heureux. Vous saurez que ma fille et moi nous allâmes, samedi dernier, nous promener à l’Arsenal ; elle sentit de petites douleurs. Je voulus au retour envoyer quérir Mme Robinet ; elle ne le voulut jamais. On soupa, elle mangea très bien. Monsieur le Coadjuteur et moi nous voulûmes donner à cette chambre un air d’accouchement ; elle s’y opposa encore avec unairqui nous persuadait qu’elle n’avait qu’une colique de fille. (t. 1, l. 115, p. 133)’ ‘2. Vous avez donc eu peur de ces pauvres petites diablesses de chouettes noires1 ; je m’en doutai, et j’en ris en moi-même. Vous trouvez qu’elles ont l’ air triste, mais au moins, elles ne sont point rechignées, elles n’ont point une voix de Mégère, et quand vous verrez ce qu’elles savent faire, vous trouverez qu’au lieu d’être de mauvais augure, elles font la beauté au moins de la coiffure. (t. 3, l. 1064, p. 492)En 1, c’est une pièce d’habitation qui est concernée, en 2, une coiffure, dont Littré ne sait rien de plus que ce que nous dit Mme de Sévigné, et en 3, une réalité physique (un seul trait). Dans le premier cas, Mme de Sévigné et le Coadjuteur veulent donner à la chambre l’apparence d’une pièce prête à recevoir une parturiente (un air d’accouchement, le mot accouchement exprimant métonymiquement l’action à la place du lieu où elle se passe). Dans la seconde citation, la coiffure a un air triste – on comprend qu’elle a un aspect peu plaisant, peu attrayant – en référence aux vers de La Fontaine déjà cités à propos des deux petites filles de Lavardin 798 . En 3, les traits du visage n’ont plus l’apparence de la jeunesse. Cette apparence des choses, qui traduit leur disposition matérielle (1), morale (2) ou leur état physique (3) est en filiation avec la manière d’être expressive de la personne. Si l’on veut affiner cette relation, c’est, plutôt que « comportement, conduite », la signification moins dynamique et moins agentive « contenance, maintien » qu’on retiendra. En 3, c’est la signification « apparence physique » qui convient. Le passage à une partie du corps ou à une pièce d’habitation, réalité proche de l’homme, laisse à penser qu’on a à faire ici à des métaphores d’usage, sans qu’il soit possible d’apprécier leur degré de figement. En 2, la référence à La Fontaine et le contexte personnifiant (ces pauvres petites diablesses, rechignées , une voix de mégère , ce qu’elles savent faire) pourraient constituer autant d’indices d’une figure vivante et d’une véritable personnification d’auteur.
La citation 1 présente une variante de la construction avec avoir :
‘donner à cette chambre un air d’accouchement (1)’du type donner (« faire avoir »),qui se justifie d’autant plus ici qu’une action humaine s’exerce sur quelque chose.
En 2, on trouve la construction avec attribut du complément d’objet direct :
‘elles ont l’air triste (2)’qui avait précisément trouvé place parmi les structures relatives à la signification « contenance, maintien ».
En 3, on a la construction locative :
‘un seul trait du visage [...] où il soit resté le moindre air de jeunesse (3) ’qui est une variante de il y a un air dans.
. T. 1, l. 168, p. 259 (citation 1 du corpus relatif à la signification « manière d’être-attitude », p. 871).