AUTRES AUTEURS
DU XVIIe SIÈCLE

PRÉAMBULE

Voilà l’étude de la correspondance de Mme de Sévigné menée à bien. En raison de son importance et de ses caractéristiques propres, ce matériau peut être considéré comme un corpus témoin de la seconde moitié du XVIIe siècle. Mais, afin que le mot air n’apparaisse pas comme la propriété trop exclusive de Mme de Sévigné et de ses proches, encore faut-il valider les résultats obtenus en ouvrant plus largement la perspective sur ce demi-siècle, et en recherchant le témoignage et la caution de ses contemporains. En ce qui concerne air-élément, il est certain que la correspondance de Mme de Sévigné fournit, de manière inespérée, une mine d’emplois courants dont il semble difficile de trouver ailleurs l’équivalent. Mais il n’en est pas de même de la signification « air-manière d’être », pour laquelle il existe évidemment, dans cette seconde moitié du XVIIe siècle, une documentation écrasante par son abondance, sa richesse et sa diversité. Si on ne peut laisser dans l’ombre une telle mine d’emplois, on ne peut envisager d’en faire une exploitation exhaustive, et encore moins de soumettre indéfiniment des textes du XVIIe siècle au type d’analyse qui a prévalu jusqu’à présent...

Il me faut donc à la fois procéder à une sélection d’œuvres et d’auteurs, et proposer des procédures plus économiques d’étude de corpus.

Voyons le premier point. On se tournera d’abord du côté des grands auteurs que nous avons mentionnés dans notre présentation. Je présente les textes qui entrent dans la synchronie concernée, à partir de la sélection proposée par la base de données FRANTEXT 817  :

  •  Boileau :

Satires (1664-1701), Épîtres (1670-1698), Art poétique (1674), Lutrin (1674-1683), Ode sur la prise de Namur (1693), Satire X, Contre les femmes (1694), Satire XII Sur l’Équivoque (1711, édition posthume).

  • Bossuet :

Sermon du mauvais riche (1662), Sermon sur La Providence (1662), Sermon sur l’ambition (1662), Sermon sur la mort (1662), Sermon sur la Passion de Notre-Seigneur (1662), Oraison funèbre d’Anne d’Autriche (1667), Oraison funèbre de Henriette de France (1669), Oraison funèbre de Henriette d’Angleterre (1670), Discours sur l’Histoire universelle (1681), Oraison funèbre de Marie-Thérèse d’Autriche (1683), Oraison funèbre d’Anne de Gonzague (1685), Oraison funèbre du Prince de Condé (1687), Traité de la concupiscence (1694), De la connaissance de Dieu et de soi-même (1704), Élévations à Dieu sur tous les Mystères de la Religion chrétienne (1704), Méditations sur l’Évangile (1704) 818 .

  •  Corneille :

Andromède (1650), Don Sanche d’Aragon (1650), Nicomède (1651), Pertharite (1653), L’Imitation de Jésus-Christ (1656), Œdipe (1659), Les trois discours sur le poème dramatique (1660), La Toison d’or (1661), Sertorius (1662), Sophonisbe (1663), Othon (1665), Agésilas (1666), Attila (1667), Tite et Bérénice (1671), Psyché (1671), Pulchérie (1673), Suréna (1675).

  •  Fénelon :

Traité de l’Éducation des filles (1687), Lettre à Louis XIV (1693), Explication s des maximes des saints sur la vie intérieure (1697), Aventures de Télémaque (1699).

  • La Bruyère :

Les Caractères (1688).

  • La Fayette (Madame de) :

La Princesse de Clèves (1678) 819 .

  •  La Fontaine :

Adonis (1658), Fables (1668, 1678, 1679, 1694), À Monseigneur l’Évêque de Soissons (1671), Fables nouvelles (1671), Le songe de Vaux (1671), Recueil de poésies diverses et chrétiennes (1671), Poème de la captivité de Saint Malc (1673), Poème du quinquina (1682), Les Filles de Minée (1685), Philémon et Baucis (1685).

  •  La Rochefoucauld :

Réflexions ou Sentences et Maximes Morales, 1665 (1ère édition).

  • Molière :

L’Étourdi (1655), Le Dépit amoureux (1656), Le Médecin volant (1659), Les Précieuses ridicules (1659), Sganarelle (1660), La Jalousie du Barbouillé (1660), Dom Garcie de Navarre (1661), L’École des maris (1661), Les Fâcheux (1661), L’École des Femmes (1662), Remerciement au roi (1663), La Critique de l’École des Femmes (1663), L’Impromptu de Versailles (1663), Le Mariage forcé (1664), La Princesse d’Élide (1664), Dom Juan (1665), L’Amour médecin (1665), Le Misanthrope (1666), Le Médecin malgré lui (1666), Mélicerte (1666), La Pastorale comique (1667), Le Sicilien ou l’Amour peintre (1667), Amphitryon (1668), Georges Dandin, (1668), L’Avare (1668), Le Tartuffe (1669) 820 , Monsieur de Pourceaugnac (1669), Les Amants magnifiques (1670), La Gloire du Val-de-Grâce (1669), Le Bourgeois gentilhomme (1670), Psyché (1671), Les Fourberies de Scapin (1671), La Comtesse d’Escarbagnas (1671), Les Femmes savantes (1672, Le Malade imaginaire (1673).

  • Pascal :

Les Provinciales (1656-1657), Pensées (1670).

  • Racine :

Andromaque (1667), Bérénice (1670), Iphigénie (1674), Phèdre (1677), Esther (1689), Athalie (1691), Abrégé de l’histoire de Port-Royal 821 .

  • Retz (Cardinal de) :

La Conjuration du comte Jean-Louis de Fiesque (1665), Mémoires (1717, 1ère édition, mais il est désormais établi que la rédaction a eu lieu de 1675 à 1677 822 ).

On retrouve les auteurs que j’avais introduits dans la présentation et l’éventail des genres qu’ils illustrent : roman, théâtre, poésie, fables, mémoires, œuvres d’éloquence, traité, essai, pamphlet... Je m’en tiendrai à cette « visualisation sommaire », dans la mesure où la typologie des discours ne sera pas prise en compte dans cette recherche.

À ces grands auteurs, on a cru bon d’ajouter les représentants du libertinage mondain 823  :

  •  Bussy-Rabutin, qui mérite, par courtoisie, qu’on pousse plus avant la connaissance que nous en a fait faire la correspondance de Mme de Sévigné :

Lettres (1697) 824 , Mémoires (1696) 825 .

  • le chevalier de Méré :

Conversations (1668-1669), Discours de la justesse (1671), Les discours : Des Agréments (1676), De l’Esprit (1677), De la Conversation (1677), Les Aventures de Renaud et d’Armide (1677) 826 , Oeuvres posthumes (1700 827 ).

  • Saint-Évremond :

Œuvres en prose (1638-1664 828 ), Jugement sur les sciences où peut s’appliquer un honnête homme (1666), Œuvres mêlés (1668), Seconde partie des œuvres mêlées (1668), Œuvres mêlées (Réflexions sur les divers Génies du Peuple Romain dans les divers temps de la République, 1684), Conversation du Maréchal d’Hocquincourt avec le P. Canaye (1687), Œuvres mêlées (1689), Œuvres mêlées. Seconde partie (1692), Œuvres mêlées (1694), Nouvelles œuvres mêlées (1700), Œuvres posthumes (1704) 829 .

Plus ponctuellement, je retiendrai certains écrits, qui ont pour thème la bienséance, l’art de plaire, ou le mot air lui-même 830  :

  • Callières :

Des mots à la mode et des nouvelles façons de parler (1692, 2ème édition).

  • Ortigue de Vaumorière :

L’Art de plaire dans la conversation (1688).

  • Jean Pic 

Discours sur la bienséance (1688).

Enfin, chemin faisant, nous avons glané des occurrences chez l’abbé de Pure, assidu dans les cercles littéraires et connaisseur des milieux précieux, dont le roman La Prétieuse ou les mystères de la ruelle (1656-1658) fournit une observation lucide et mesurée, du côté de Bouhours, de Ménage, et d’autres, tombés dans un quasi anonymat, comme Pierre de La Touche ou Fleury de Bellingen 831 ... réservant quelques échos de Mlle de Scudéry pour la conclusion. Certes, le domaine d’exploration s’étend bien au-delà de ces quelques pistes, mais il fallait bien mettre des limites à cette ultime partie 832 .

Quelles procédures adopter pour traiter ce corpus ? Précisons d’abord que cette étude n’a pour but que de vérifier la pertinence de l’étude sémantique du mot air menée à partir de la correspondance de Mme de Sévigné, et n’ouvre pas une nouvelle recherche sur la mise en relation de ce mot avec les genres littéraires ou les types d’écriture de l’époque. Si le mot air peut évidemment intéresser l’analyse du discours et la stylistique, c’est dans un tout autre cadre de recherche, et avec des outils élaborés à cette fin, qu’il conviendrait de mener l’enquête. Les décomptes statistiques n’ont pas non plus leur place dans ce travail, non seulement parce que la statistique est une discipline à part entière à laquelle nous ne sommes pas formée, mais aussi parce que ce type d’approche prendrait son sens précisément dans le cadre d’une étude de genres ou d’écriture.

Bien sûr, il n’était pas question, comme nous l’avons dit dans notre préambule, de refaire une étude du même type que celle menée sur la correspondance de Mme de Sévigné. La manière d’exploiter ce nouveau corpus s’est en quelque sorte révélée à la lecture des occurrences et / ou des œuvres. Il est vite apparu, en effet, que les textes soumis à l’étude ne constituaient pas, pour le mot air, des structures d’accueil d’un intérêt égal. Dans certains cas – je pense en particulier aux Provinciales et aux Pensées de Pascal – les occurrences de ce mot étaient quasiment introuvables. Dans d’autres cas, elles étaient là, en plus ou moins grand nombre, mais elles ne présentaient pas d’homogénéité d’emploi particulière ni de configuration facilement saisissable. Enfin, les œuvres les plus coopératives étaient celles qui, à partir d’un nombre d’occurrences consistant, parfois même assez élevé, permettaient de dégager des dominantes d’emploi, que ce soit au niveau de la macro-structuration, c’est-à-dire de la distinction établie entre la manière d’être sociale et la manière d’être expressive, ou de la micro-structuration de chacune de ces deux significations.

Devant cette diversité, nous avons opté pour deux types de traitement de notre corpus. Dans une première partie, nous offrons une sélection d’œuvres, qui nous ont paru les plus représentatives de l’emploi du mot air-manière d’être, et qui favorisent une mise en profil particulièrement intéressante de la polysémie du mot air. Parmi celles-ci, on trouve de grands auteurs, tels que La Bruyère, La Rochefoucauld, Mme de La Fayette et le cardinal de Retz, ainsi que, dans une moindre mesure et au second plan, notre incontournable Bussy-Rabutin. D’autre part, les écrits des théoriciens de la vie mondaine et de l’honnêteté, comme le Chevalier de Méré, constituent, comme on pouvait s’y attendre, des mines d’occurrences, de même que les traités relatifs à la politesse et à la bienséance (Ortigue de Vaumorière, Jean Pic). À ces occurrences, nous avons ajouté des extraits ne contenant pas directement le mot air, mais permettant d’en éclairer le contenu, au plan de la signification ou des représentations qui s’y attachent.

La seconde partie part des occurrences, non des œuvres. Nous avons en effet choisi de mettre en évidence un certain nombre de significations du mot air-manière d’être, qui nous semblaient particulièrement instructives, en les illustrant par les textes d’auteurs différents. La sélection de ces significations obéit à plusieurs critères. D’abord, on a retenu les significations métaphoriques, qui témoignent de la contamination sémantique d’« air-élément » et d’« air-manière d’être », et qui constituent en quelque sorte la clef de voûte de notre argumentation. Pour d’autres raisons, la signification subduite « manière » a également retenu notre attention. Elle présente l’avantage d’entrer dans des constructions qui nous sont souvent tout à fait étrangères, et de faire ainsi sonner à notre oreille, avec une particulière insistance, ce trait sémantique fondamental au XVIIe siècle. Nous avons aussi accordé une place au syntagme l’air du visage, dans la mesure où, comme nous l’avons suggéré dans la partie consacrée à air-manière d’être, cette association tend à montrer que la signification « expression du visage » n’est pas fixée en tant que telle dans le mot air. Enfin, certaines occurrences ont été relevées, qui nous ont paru remarquables à plusieurs titres. Les unes illustrent ou éclairent d’un jour nouveau telle ou telle signification du mot air, enrichissent les représentations qui s’y attachent, ou présentent une construction rare, les autres permettent d’étendre encore la polysémie d’air-manière d’être, en nous introduisant dans un domaine d’emploi spécifique, ou même en suggérant une nouvelle interprétation de ce mot. Quelques emplois du verbe respirer, en association ou non avec le mot air, ont été introduits dans ce corpus. Parmi les auteurs qui dans cette seconde partie, on trouvera Bossuet, Boileau, Fénelon, La Fontaine, ainsi que les auteurs de théâtre. Corneille est évidemment moins présent dans cette seconde moitié du XVIIe siècle, tandis que Racine est singulièrement pauvre en occurrences. Le corpus que nous offre Molière est abondant, mais il est difficile de fonder sur une si grande diversité d’œuvres une étude visant à dégager des régularités. De plus, pour ces trois auteurs, se pose la question des variantes, qu’il conviendrait d’étudier finement, afin de voir dans quelles conditions peut éventuellement apparaître ou disparaître le mot air, d’un texte à l’autre. Enfin, Callières sera également retenu dans cette partie, en particulier pour ses considérations sur l’usage du mot air.

Pour tout dire, il me restait sur les bras l’abbé de Pure et Saint-Évremond. Ils auraient pu figurer dans la première partie, mais un grand nombre des occurrences qu’ils offrent auraient redoublé inutilement celles que les œuvres sélectionnées mettaient déjà largement à notre disposition. Nous les avons donc reversés, sans galanterie aucune, il faut le reconnaître, dans cette seconde partie, en nous conformant aux critères de sélection des occurrences que nous avons donnés ci-dessus.

Dans tous les cas, nous proposons un classement des occurrences, sans faire d’analyse des contextes. Nous nous servons implicitement des critères qui ont présidé à l’étude de la correspondance de Mme de Sévigné – les caractérisations du mot air jouant toujours un rôle important dans l’identification des significations. Nous n’entrons pas dans les procédures d’affinement de certaines d’entre elles, en particulier en ce qui touche à la manière de parler ou aux emplois relatifs aux choses – nous contentant d’ouvrir une rubrique sémantique générale. Enfin, certains des éléments de réflexion qui se dégagent de cette étude de corpus seront repris dans la conclusion 833 .

Notes
817.

. Les dates retenues par FRANTEXT ont été vérifiées, et, dans quelques rares cas, corrigées. La Bruyère ne figure pas dans FRANTEXT.

818.

. Les textes datées de 1704 ont été écrits antérieurement, Bossuet étant mort en 1704. Les Méditations sur l’Évangile ont été écrites en 1695, et les Élévations sur les mystères, vers 1695 également.

819.

On trouve également dans FRANTEXT la Vie de la Princesse d’Angleterre.

820.

. G. Couton, dans Œuvres complètes de Molière, 1971, t. 1, situe Le Tartuffe en 1664, date de la première représentation (qui eut lieu le 12 mai 1664, quatre jours après La Princesse d’Élide).

821.

. Racine, mort en 1699, aurait écrit ce texte à la fin de sa vie.

822.

. Voir la notice de M. Pernot, dans Œuvres du cardinal de Retz, 1984, p. 1204 et suiv.

823.

. Saint-Évremond ne figure pas dans FRANTEXT. Parmi les œuvres du chevalier de Méré, on trouve seulement les Conversations.

824.

. Je m’attacherai évidemment aux occurrences qui ne figurent pas dans la correspondan­ce de Mme de Sévigné.

825.

. Ces écrits ont été rédigés antérieurement, Bussy-Rabutin étant mort en 1693 (les lettres vont de 1666 à 1693).

826.

. D’après Ch.-H. Boudhors, ce petit roman aurait été composé avant les Conversations (Œuvres complètes du Chevalier de Méré, 1930, t. 3, p. 179 (notice)).

827.

. Écrites antérieurement, le Chevalier de Méré étant mort en 1684.

828.

. À l’exception de la préface (Aux auteurs de l’Académie) d’une comédie en vers que Saint-Évremond aurait écrite dans sa jeunesse, les autres écrits sont postérieurs à 1650 (le premier Caractère de Madame la comtesse d’Olonne étant de 1659).

829.

. J’ai essayé de dégager l’essentiel du maquis des éditions proposées par R. Ternois, Œuvres en prose de Saint-Évremond, 1969.

830.

. Aucun des auteurs qui suit ne figure dans FRANTEXT.

831.

. Parmi ces derniers auteurs, Bouhours et l’abbé de Pure figurent dans FRANTEXT.

832.

. Au cours de cette enquête, en ce qui concerne les auteurs se trouvant dans FRANTEXT, nous nous sommes reportée, dans la majorité des cas, aux ouvrages eux-mêmes, dans des éditions le plus souvent différentes de celles citées dans FRANTEXT (sauf pour l’abbé de Pure, La Fontaine, le Traité de la concupiscence de Bossuet et les Conversations du chevalier de Méré). Ces références sont données dans la bibliographie. Nous nous sommes contentée de la lecture des occurrences de FRANTEXT pour le Père Bouhours, Bussy-Rabutin, ainsi que pour les Élévations sur les mystères et les Méditations sur l’Évangile de Bossuet. Les références bibliographiques données pour ces auteurs sont donc celles de FRANTEXT.

833.

. Précisons qu’en ce qui concerne le relevé des occurrences, nous avons rétabli une graphie moderne dans les textes qui ne la présentaient pas. D’autre part, les occurren­ces du mot air apparaissent toujours en caractère gras. Enfin, les auteurs sont présentés (sauf exception) dans l’ordre alphabétique.