Manière-d’être en société

CALLIÈRES 883

Certaines façons d’être sont décrites par cet auteur, parfois très concrètement :

‘Vous voyez quantité de jeunes gens de qualité, reprit la Marquise, qui viennent chez nous avec une tabatière à la main, le visage et les doigts tous sales de tabac, dont ils prennent sans cesse à notre nez, et en font prendre aux autres ; s’il y a de grandes chaises de commodité, ils s’en saisissent d’abord et ils auront l’incivilité de ne les pas offrir à une Dame ; ils s’y étendent, ils s’y renversent à demi couchés, ils s’y bercent, ils mettent leurs jambes sur d’autres sièges ou sur l’un des bras du fauteuil où ils sont assis, ils les croisent et se mettent quelquefois en des postures encore plus indécentes, croyant que cela a l’air de qualité d’en user ainsi, et au lieu de nous dire quelque chose d’obligeant ou d’agréable, ils nous rompent la tête tout le jour à nous chanter mal quelques airs de l’Opéra ; je vous avoue que cela m’ennuie à la mort et me donne des vapeurs terribles. (p. 63-64).’ ‘Et moi, reprit la Marquise, j’en connais qui ne sont pas si circonspects, et qui au lieu de les [leurs débauches] cacher sont les premiers à les publier, et sont assez effrontés pour en parler même en notre présence comme de quelque chose de plaisant et d’agréable, et ils sortent souvent de chez nous sans nous avoir dit la moindre honnêteté ; pour moi je ne m’accommode point de ces airs-là. (p. 65-66)’ ‘[...] je consens encore [...] que ceux d’entr’eux qui passent pour les plus intelligents et les plus profonds sur ces importantes matières, jugent en dernier ressort [...] du choix important de leurs tabatières à ressort, et de la manière ingénieuse de les ouvrir, et de les refermer d’une main ainsi que de celle d’y prendre du tabac de bon air, pour me servir de leurs termes, de le tenir quelque temps entre leurs doigts avant que de le porter à leur nez, et de renifler avec justesse en l’y recevant ; enfin de tout ce qui compose ce noble exercice que nous voyons aujourd’hui si florissant en France et qu’on a appelé plaisamment l’exercice de la tabatière [...] (p. 186-188)’ ‘Cette dernière citation contient un emploi subduit du mot air, dans prendre du tabac de bon air. On trouve dans F. Brunot le syntagme du tabac de bon air, ce qui est très probablement une erreur de découpage et d’interprétation (1966, Tome IV, Première partie, p. 597).’
Notes
883.

. Les citations de Callières sont extraites de Des Mots à la mode et des nouvelles façons de parler, 1692 (seconde édition). Je reproduis pour cet auteur les caractères d’origine, sans ajouter de caractère gras.