GRAND ROBERT 1985

1. AIR [R] n.m. -— 1119 ; lat. aer. —> Aéro-.

I. 1. Phys., chim. et cour. Mélange gazeux de composition constante à l’état pur (en volume et à la surface terrestre, 21 % d’oxygène, 78 % d’azote, et gaz rares en très petite quantité : 1 % d’argon, hélium, krypton, néon, xénon), souvent chargé d’impuretés (acide carbonique, vapeur d’eau, traces d’hydrogène et d’ozone), et dont la masse forme l’atmosphère. => Atmosphère. L’air était pour les Anciens l’un des quatre éléments avec la terre, l’eau et le feu. Les hautes régions de l’air. => Éther. Pesanteur de l’air et pression atmosphérique. => Baromètre. Température de l’air. => Thermomètre. État hygrométrique de l’air. => Psychromètre, hygromètre. Analyse volumétrique de l’air. => Eudiomètre. Air comprimé*. Air liquide*. — Air chaud, séchoir à air chaud.— Techn. Coussin d’air : couche d’air insufflée à la base d’un véhicule terrestre (=> Aérotrain) ou marin (=> Aéroglisseur), et qui lui permet de se maintenir au-dessus du sol ou de l’eau.— Poids, masse de l’air.— Loc. Les plus lourds que l’air : les engins aériens mécaniques (opposé à : plus légers que l’air, les ballons). => Aérodyne, aérostat.

...D’air. Appel* d’air. Bulle* d’air. Colonne* d’air. Couche d’air. Les couches d’air respirable. — Courant d’air. —> ci-dessous, 5.

‘0.1 Le vent de la course n’était plus, comme au début, l’obstacle auquel je m’appuyais de tout mon poids, il était devenu un couloir vertigineux, un vide entre deux colonnes d’air brassées à une vitesse foudroyante. Je les sentais rouler à ma droite et à ma gauche, pareilles à deux murailles liquides, et lorsque j’essayais d’écarter le bras, il était plaqué à mon flanc par une force irrésistible.
Bernanos, Journal d’un curé de campagne, in Œ. roman., Pl., p. 1213.’

2. Cour. Fluide gazeux constituant l’atmosphère et que respirent les êtres vivants. L’air est froid, glacé, vif ; doux, tiède, chaud, brûlant, ... humide, sec. «  L’air tiède et le soleil » (—> 2. Air, cit. 14.1). L’air est bon, sain, salubre, pur, léger, limpide, transparent. Le bon air : l’air pur.— Air mauvais, confiné, étouffé, irrespirable, raréfié, renfermé, impur, malsain, corrompu, empoisonné, infecté, vicié, fétide. Mauvais air. Air des montagnes, de la mer. L’air marin. L’air du large. L’air, le bon air de la campagne. L’air du pays natal, l’air natal : l’air du pays où l’on est né. Aspirer, humer, respirer l’air, le bon air.

‘1 Je sais trop que je dois au bien de votre empire
Et le sang qui m’anime, et l’air que je respire.
Corneille, le Cid, IV, 3.’ ‘2 Votre voix, je l’entends ; votre air je le respire (...)
A. de Musset, à Ninon.’ ‘3 (...) l’air était tiède et embaumé.
A. de Musset, la Confession d’un enfant du siècle (—> Agiter, cit. 2)’ ‘4 Ils aspiraient à pleins poumons la fraîcheur de l’air.
Flaubert, Salammbô, VII.’ ‘5 L’air est pur, la route est large.
Le clairon sonne la charge (...)
PAUL DÉROULÈDE, les Chants du soldat, « Le clairon »’ ‘6 La neige qui couvrait la terre sous la lumière rousse du ciel, rendait l’air muet et sourd.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, p. 51.’ ‘7 (...) respirant à pleine poitrine le bon air vif et piquant des beaux jours d’hiver
Loti, Aziyadé, IV, XXXI.’ ‘8 L’air avait pris une limpidité absolue, comme s’il était raréfié, raréfié jusqu’au vide.
Loti, Ramuntcho, IV.’ ‘9 Tel qui veut se griser d’air pur, s’enivrer sur les hauteurs, n’arrive qu’à s’enrhumer.
J. Renard, Journal, 26 sept. 1908.’ ‘10 Le souffle frais qui faisait bruire les feuillages de l’avenue sembla venir attaquer l’air vicié de la chambre.
Martin du Gard, les Thibault, I, 5.’

Plein air  : espace ouvert, air du dehors. — Le plein-air : endroit où l’on pratique un sport en plein air. — Sports, activités pratiqués en plein-air. Une séance de plein-air.

L’air libre : milieu non clos. — À l’air libre. => Dehors.

Loc. Le fond* de l’air. — D’air. Un bol* d’air.

3. (Dans un espace clos). L’air d’une pièce, d’une chambre. On respire ici un air confiné. Régler la température, l’humidité de l’air. Conditionnement* d’air.

air conditionnÉ, n. m. (d’après l’angl.) : air qui est amené à une température et à un degré hygrométrique déterminé.

‘10.1 Sur les plateaux, on prévoit des installations pour l’air conditionné, des aspirateurs, et des souffleurs (...)
Lo Duca, Technique du cinéma, p. 11’

Installation par laquelle on amène l’air conditionné à un local. Avoir l’air conditionné.

‘10.2 On devrait se cotiser (...) pour lui installer l’air conditionné dans la cabine.
J. Cau, la Pitié de Dieu, p. 23.’

4. Loc. verbales (où air a la valeur de « milieu extérieur, non protégé »). a. Prendre l’air . Aller prendre l’air : aller se promener, respirer le grand air.

‘11 Il doit mener à Auteuil sa fille (...) pour lui faire prendre l’air.
Racine, Lettres.’

changer d’air  : se transporter dans un lieu où l’on respire un autre air. J’ai besoin de changer d’air : je pars en voyage.

Donner de l’air, aérer, et, absolt. De l’air. => Éventer, ventiler.

Fam. Pomper l’air à qqn => Pomper. — Il ne manque pas d’air : il a du culot.

b. À l’air : exposé au dehors, non recouvert. Se promener les fesses à l’air, le cul à l’air —> le derrière au vent*. Mettre tout à l’air.

‘11.1 Il ne peut plus se contenir, l’état le plus indécent manifeste sa flamme : il ne craint pas de mettre tout à l’air (...)
Sade, Justine..., t. I, p. 109. ’

5. (1275, « vent »]. a. Ce fluide en mouvement. Mouvement, agitation, circulation de l’air. => Agiter (cit. 2 et 3). Il y a de l’air, il fait de l’air. => Brise, vent.

‘12 Les parfums chargent l’air d’un odorant nuage (...)
Hugo, Odes et Ballades, IV, 11.’ ‘13 Une bouffée d’air brûlant s’échappa de l’ouverture sombre (...)
Th. Gautier, le Roman de la momie, Prologue.’ ‘14 Des souffles frais du dehors, des caresses d’air qui passaient sur les visages (...)
Maupassant, Clair de Lune, « L’Enfant ».’

b. Ce fluide, en tant que milieu acoustique. remplir, faire résonner, retentir, trembler, vibrer l’air, en parlant des sons, des bruits, des cris.

‘15 (Les chiens) Remplirent l’air de cris (...)
La Fontaine, Fables, XII, 23’

c. ... d’air. Courant d’air : air en mouvement entre deux ouvertures opposées. => Courant (cit. 7 à 9 et supra). — Loc. fig. => Courant.

‘16 Un courant d’air traversa la salle, éparpilla les détritus.
Martin du Gard, les Thibault,III, 14.’

Bouffée d’air, souffle d’air. — Coup d’air : fluxion ou douleur causée par l’air, un courant d’air.

Trou d’air. => Trou.

d. Loc. fam.

Fam. Allez, de l’air ! : va-t-en, fiche le camp (fais de l’air, un courant d’air, en filant).

Fam. Brasser*; remuer de l’air. —> Faire du vent*.

6. Espace rempli par ce fluide au-dessus de la terre ; milieu aérien. Battre l’air. Les oiseaux battent l’air de leurs ailes. Fendre l’air. S’élever en l’air. =>  Ciel (entre ciel et terre). Planer dans l’air. Descendre du haut des airs.

‘17 Vive la gent qui fend les airs!
La Fontaine, Fables, II, 5. ’ ‘ 18 Une sorte de bras dont il s’élève en l’air
Comme pour prendre sa volée (...)
La Fontaine, Fables, VI, 5. ’ ‘ 19 Nous vous voiturerons par l’air en Amérique
La Fontaine, Fables, X, 2.

en l’air : vers le haut. Tirer un coup de fusil en l’air, tirer en l’air, sans diriger son coup, de manière à ne pas atteindre. — Regarder en l’air. — Sauter en l’air : —> aussi ci-dessus, II., 6. — (Avec jeu de mots sur le sens 7) :

‘19.1 Dès onze heures du matin, tout Paris fut en l’air (...) tous les véhicules aériens de la ville et des faubourgs (...) volèrent dans tous les sens.
A. Robida, le Vingtième Siècle, p. 234 (roman d’anticipation, 1883).’

7. Le milieu aérien (où se déplacent aérostats et avions). La conquête de l’air. Routes de l’air. Armée de l’air : ensemble des forces aériennes. Baptême* de l’air. — prendre l’air. L’avion a pris l’air, a décollé. => Envoler (s’).

Missile air-air, air-sol, tiré d’un engin aérien sur une cible aérienne, terrestre.

Par ext. L’air : l’aviation, les transports aériens. Le Ministère de l’air. Un héros de l’air. — Les métiers de l’air. Hôtesse* de l’air. Mal de l’air : malaises qui apparaissent chez certains passagers. — Par air : par les transports aériens (—> Par avion). Envoyer un colis par air.

Médecine de l’air, qui étudie les problèmes biologiques posés par le vol, notamment à haute altitude.

Air, dans les noms de compagnies aériennes. Air Afrique, Air Canada, Air France, Air Inter...

8. de l’air, des airs, loc. poét. Les habitants de l’air : les oiseaux. La Reine (ou le roi) des airs : l’aigle. La fille de l’air : l’abeille, et, par dérision, la mouche. Esprits, génies de l’air : elfe, sylphe. Puissances de l’air : démons.

‘20 Je vais faire la guerre aux habitants de l’air.
Boileau, épîtres, 6.’ ‘ 21 L’Aigle, reine des airs (...)
La Fontaine, Fables, XII, 11.’ ‘ 22 Qu’un vil et rampant animal
A la fille de l’air ose se dire égal.
La Fontaine, Fables, IV, 3.’ ‘23 Je suis l’enfant de l’air, un sylphe (...)
Hugo, Ballades, II.’

II. Fig. 1. Souffle, haleine, émanation. Prendre l’air du feu, un air de feu : s’approcher du feu, en goûter la chaleur comme en passant.

2. Espace, distance (dans des loc.). Se donner de l’air : se libérer de certaines contraintes. — Fam. Prendre l’air, se donner ou se pousser de l’air (vieilli), se déguiser en courant d’air : prendre la fuite. — Donner de l’air à qqn, le libérer.

‘23.1 Gare aux particuliers qu’ont de la braise ! si on a donné de l’air à Lesorne (s’il est en liberté).
Louise Michel, la Misère, III, p. 511.’

Il faudrait mettre un peu d’air dans cette composition, dans ce tableau, un peu d’espace entre les objets, les dégager. => Dégager, détacher, distinguer (les plans) ; aérer ; blanchir (en t. d’imprim.).

3. Loc. Vivre de l’air du temps : n’avoir aucune ressource.

4. Ce qui entoure ; atmosphère, ambiance. — Vx. L’air de la cour, de la ville, des salons. — Loc. Prendre l’air du bureau : s’informer de ce qui s’y passe, de l’esprit qui y règne, des dispositions des uns et des autres. => influence, milieu (—> Prendre la température*). — Vx. Porter le mauvais air quelque part : y porter la contagion.

‘24 L’air de la cour a donné à son ridicule de nouveaux agréments.
MOLIÈRE, la Comtesse d’Escarbagnas, 1. ’ ‘25 L’air précieux (...) s’est aussi répandu dans les provinces, et nos donzelles ridicules en ont humé leur bonne part.
MOLIÈRE, les Précieuses ridicules, 1.’ ‘26 L’air de cour est contagieux (...)
LA BRUYÈRE, les Caractères, VIII, 14.’

5. dans l’air , se dit des idées qui se répandent, des mouvements, des actions qui se préparent.

‘27 Ces idées ne s’enseignaient à aucune école ; mais elles étaient dans l’air, et l’âme du jeune réformateur en fut de bonne heure pénétrée.
Renan, Vie de Jésus,IV, p. 120.’

Loc. Il y a de l’orage dans l’air : l’atmosphère est menaçante, les esprits sont excités. Il y a qqch. dans l’air, qqch. qui se prépare.

‘28 Il y avait de la bagarre dans l’air cette nuit.
Martin du Gard, les Thibault, VII, 43. ’ ‘ 29 — Mais comment l’aurait-on su ? demanda Michel Strogoff, que ces nouvelles, plus ou moins véridiques, intéressaient directement.
— Eh ! comment on sait toutes ces choses, répondit Alcide Jolivet. C’est dans l’air.
J. Verne, Michel Strogoff, p. 155-156.’

6. Loc. adv. (—> une autre valeur, ci-dessus, I., 6.). ...en l’air. En parlant des personnes. Tête en l’air : étourdi. —> Dans les nuages.

Loc. Mettre en l’air : déranger, mettre en désordre. Cette nouvelle mit toutes les têtes, tout le monde en l’air. — En désordre, sens dessus dessous). Il a mis toute la pièce en l’air en cherchant ce papier. Mettre tout en l’air. (=> Bouleversement).— En parlant des choses sans réalité, sans fondement : Contes en l’air. Offres, menaces, paroles, projets, promesses en l’air, peu sérieux. Parler en l’air, sans fondement. => Faux, fictif, imaginaire, inutile.

‘29 Et si d’une offre en l’air votre âme encor frappée
Veut bien s’embarrasser du refus de Pompée (...)
Corneille, Sertorius, IV, 2.’ ‘30 Que sert de pousser des soupirs superflus
Qui se perdent en l’air, et que tu n’entends plus ?
Racine, Alexandre, IV, 1.’ ‘31 Tous les personnages qu’il (Molière) représente sont des personnages en l’air.
MOLIÈRE, l’Impromptu de Versailles, IV.’ ‘32 Sur des soupçons en l’air je m’irais alarmer !
MOLIÈRE, le Dépit amoureux, I, 1.’ ‘33 Prétendront-ils m’amuser par des contes en l’air ?
MOLIÈRE, les Fourberies de Scapin, I, 4.’ ‘34 « Voyons ! voyons ! Serrons la question de près ! Ne restons pas en l’air ».
Bernanos, l’Imposture, in Œ. roman, Pl., p. 450.’ ‘35 Afin d’éviter de traiter de l’esprit d’observation trop en l’air, disons, en suivant cette idée si naturelle des trois principaux métiers, qu’il y a bien trois méthodes d’observer.
Alain, De l’observation, in les Passions et la Sagesse, Pl., p. 1118.’

Loin de soi. Fam. Je vais envoyer, flanquer tout ça en l’air, jeter tout ça, m’en débarrasser. — Fam. Flanquer, ficher, foutre qqch. en l’air. => Rejeter, renverser. Il a tout foutu en l’air. Il voulait tout foutre en l’air —> Envoyer promener*. —Ellipt.Le ministère est en l’air, renversé.

‘35.1 Tais-toi, ou je fous la table en l’air.
J. Renard, Journal, 16 mars 1903.’

Sans abri, sans appui, sans soutien. L’aile droite de l’armée est en l’air.

Loc. verb. (argot). S’envoyer en l’air : avoir des relations érotiques et éprouver du plaisir. => Jouir. Loc. Une partie de jambes* en l’air.

‘36 Je ne m’apercevais pas que Jean-Louis venait de faire l’amour avec la malheureuse Anne d’Autriche tourmentée par le vilain cardinal, tandis que Denise s’envoyait en l’air avec le zouave du général Dourakine.
J.-L. Bory, Ma moitié d’orange, p. 25.’

Fam. et régional (personnes). En l’air : dans un état d’agitation. Elle est toujours en l’air. — Subst. (nom masculin) :

‘37 Elle avait été habituée par son père à ce perpétuel « en l’air » de la vie de commerce (...)
Alphonse Daudet, Fromont jeune et Risler aîné, p. 98.’

contr. Vide.

dér. Airage.

comp. Air bus.

hom. r (lettre) ; 2. air, 3. air ; aire ; ère ; erre, errent (du v. errer) ; ers (plante) ; haire ; 1. hère, 2. hère.