GRAND ROBERT 1985

2. AIR [R] n.m. -— 1580 ; de l’emploi fig. « atmosphère, ambiance », de 1. air.

Manière d’être extérieure (d’une personne).

 1. Façon, manière de se comporter, de se conduire. => Allure, comportement, façon, genre, manière. Avoir, prendre un air, un certain air.

‘1 (...) Mais de l’air qu’on s’y prend,
On fait connaître assez que notre cœur se rend (...)
MOLIÈRE, Tartuffe, IV, 5.’ ‘ rem. On dirait aujourd’hui : dont on s’y prend. ’ ‘2 (Lucile) m’a parlé d’un air à m’ôter tout soupçon.
MOLIÈREle Dépit amoureux, III, 8.’

Dire, faire qqch. d’un air...

‘3 Il faut voir de quel air il dit cela : gagner honorablement sa vie !
Alphonse Daudet, lePetit Chose, I, IV.’

Avoir un (certain) air, un air de... => Allure, apparence, aspect, attitude, caractère, contenance, dehors, démarche, maintien, port, visage ; fam. gueule. Avoir un air absent, pensif, étourdi, indifférent  ; attentif, interrogateur. Un air affecté, hypocrite ; simple, franc. Air agréable, aimable, gracieux ; désagréable, froid, moqueur. Air bête, ridicule ; intelligent, vif. Air bon, honnête ; mauvais, méchant ; brusque, dur, provocant . Air calme, doux, tendre. Air gai, joyeux, heureux ; triste, grave, fâché, maladif. Un air fier, prétentieux ; honteux, modeste. Un petit air innocent. Un air jeune, un air de jeunesse (—> infra. 2.). Air naïf ; soupçonneux. Air noble ; grossier. Air résolu ; timide. (Voir ces mots, auxquels sont rattachés synonymes et analogues).

‘4 Il y a une élévation qui ne dépend point de la fortune : c’est un certain air qui nous distingue et qui semble nous destiner aux grandes choses.
La Rochefoucauld, Maximes, 399.’ ‘5 (Vous)considérerez, en regardant votre air,
Que l’on n’est pas aveugle et qu’un homme est de chair.
MOLIÈRE, Tartuffe, III, 3.’ ‘6 Cet air pincé de la bouche lui donne un petit air sucré.
Diderot, Salon de 1765.’ ‘7 (...) il avait l’air indifférent du sauvage.
Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, t. II, I, L, VIII.’ ‘8 (...) avec son air bourru, c’était le meilleur homme du monde.
Alphonse daudet, lePetit Chose, I, 2.’ ‘9 Et tout le temps que je parlais, c’étaient entre eux des hochements de tête, de petits rires fins, des clignements d’yeux, des airs entendus (...)
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, XII, p. 120.’ ‘10 Sa figure est bonne et franche ; ses yeux regardent bien en face ; rien de ce qu’on est convenu d’appeler l’air jésuite.
Loti, Figures et choses..., À Loyola, p. 71.’ ‘11 Mise sans beaucoup de soins (...) l’air un peu souillonnette (...)
R. Rolland, jean-christophe, t. III, 2.’ ‘11.1 Sa robe noire, étroite, la faisait très mince, lui donnait l’air tout jeune, un air grave pourtant que démentait sa tête souriante, toute éclairée par ses cheveux blonds.
Maupassant, Fort comme la mort, I, I, éd. 1889, p. 20.’

2. Apparence expressive plus ou moins durable, manifestée par le visage, la voix, les gestes, etc. => Expression, mine, physionomie.

a. Un air de... Un air d’audace, de componction, de doute, d’extravagance, de fête, de grandeur, de jeunesse, de lassitude, de résolution, de sérénité, de sévérité, de surprise, de vérité...

‘12 Vous puis-je offrir mes vers et leurs grâces légères ?
S’ils osent quelquefois prendre un air de grandeur (...)
la Fontaine, Fables,viii, 4. ’ ‘ 13 Un certain air d’audace et de gaieté dans le regard contrastait avec cette apparence maladive.
MÉRIMÉE, Arsène Guillo, I.’ ‘14 Un petit air de doute et de mélancolie,
Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie (...)
A. de Musset, Poésies nouvelles, « À Ninon ».’ ‘14.1 L’air tiède et le soleil donnaient aux hommes des airs de fête, aux femmes des airs d’amour, faisaient cabrioler les gamins et les marmitons blancs (...)
Maupassant, Fort comme la mort, I, III, éd. 1889, p. 90.’ ‘14.2 Elle dépose son ouvrage sur la table, à côté de la grosse pelote noire, et demeure immobile, à le dévisager en silence, avec un air d’attente, ou d’anxiété, ou de peur.
a. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 194.’

b. (Qualifié par un adj.). Un air honnête, fermé, etc. (—> ci-dessus, 1.). Un air bizarre. Un air tout pensif (cit. 3).

Loc. Avoir (un) grand air, un air de distinction, de majesté, de noblesse. — Vx. Une personne de (du) grand air.

‘15 La duchesse de Bourgogne avait un grand air, une taille noble (...)
Voltaire, Louis XIV, 27, in LITTRÉ. ’ ‘16 Madame de Coislin était une femme du plus grand air.
Chateaubriand, mémoires d’outre-tombe, t. II, II, L, IV.’ ‘Vx. (langue class.). Bel air : bon ton, manière du beau* monde. Le bel air des choses. Les gens du bel air.’ ‘17 Souvenez-vous bien, vous, de venir (...) là, avec cet air qu’on nomme le bel air, peignant votre perruque, et grondant une petite chanson entre vos dents.
MOLIÈRE, L’Impromptu de Versailles, III.’ ‘18 Cela me fait honte de vous ouïr parler de la sorte, et vous devriez un peu vous faire apprendre le bel air des choses.
MOLIÈRE, les Précieuses ridicules, 4.’ ‘19 Le bel air ne messied pas toujours, et un certain goût de bien dire ne gâte pas une femme.
France, le Jardin d’Épicure, p. 194.’

Vieilli. Bon air  : allure élégante et distinguée. Avoir bon air, très bon air, le meilleur air (du monde, qui soit, etc.).

‘20 Qu’il est bien fait ! qu’il a bon air !
MOLIÈRE, Monsieur de Pourceaugnac, II, 6.’ ‘21 (Ne trouves-tu pas) qu’il a le meilleur air du monde ?
MOLIÈRE, le Malade imaginaire, I, 4.’

Fam. Il a l’ai r comme il faut, convenable, correct, honnête.

‘22 (...) cortèges interminables de messieurs et de dames sur leur trente et un, l’air très comme il faut.
Zola, l’Assommoir, t. I, p. 83.’ ‘ Un air inquiétant, étrange. =>fam. Genre ; dégaine. — Fam. Un drôle d’air.’ ‘Loc. verb. Prendre l’air... : affecter la forme (de...).’ ‘23 Quelques moments après, leur corps et leur visage
Prennent l’air et les traits d’animaux différents.
La Fontaine, Fables,XII, 1.

3. (Au plur.). Apparence. Prendre, se donner des airs, de grands airs, des airs d’importance, de supériorité... => Affecter, affectation, embarras (faire des). Il se donne des airs d’aristocrate, de martyr.

‘24 Avec cela, on fait le fier, on se donne des airs.
Voltaire, l’Homme aux 40 écus.’ ‘24.1 (...) je voulais dominer en toutes choses. C’est pourquoi je prenais des airs, je mettais mes coquetteries à montrer mon habileté physique plutôt que mes dons intellectuels.
Camus, la Chute, p. 65.’

Fam. Avoir, prendre des airs penchés : affecter certaines attitudes pour se rendre intéressant.

Fam. (jeu sur le sing. et le plur.). Il a un air d’en avoir deux, un air sur deux airs : un drôle d’air.

4. Avoir l’air... présenter tel aspect. Il avait l’air content. Après le spectacle, elle avait l’air heureux.

Loc. verb. (entraînant l’accord de l’attribut). => Paraître. Vous avez l’air très réservée. Cette boutique a l’air fermée.

‘24.2 (...) la place était vacante, et la petite l’a prise sans difficulté, elle se forme, elle commence (...) à avoir l’air plus fine et moins ahurie, dans le monde.
Stendhal, Journal, 4 avr. 1813, Pl., p. 1253.’ ‘24.3 (...) Pilou a l’air furieuse. Ce que je dis ne fait pas bonne impression. Peut-être ferais-je mieux de me taire (...)
Claude Mauriac, le Dîner en ville, p. 42.’ ‘24.4 On n’entend pas non plus le moindre son : ni pas, ni murmures étouffés, ni chocs d’ustensiles. Toute la maison a l’air inhabitée.
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 58.’ ‘25 Cette locution verbale était encore en voie de composition quand l’âge de l’analyse a commencé. D’où deux tendances, l’une tout instinctive, à considérer avoir l’air comme l’équivalent des verbes sembler, paraître, l’autre où l’on décompose, et où par suite on accorde avec air. Les uns disent : Cette femme a l’air bonne, les autres : a l’air bon. Dans cet exemple, rien qui choque. Mais, qu’on considère des phrases où il ne peut plus être question d’un air, impossible de conserver le masculin. C’est un contresens que de dire : cette doctoresse a réellement l’air savant, ou cette poire a l’air bon.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 624.’

N’avoir l’air de rien : avoir l’air insignifiant, sans valeur, facile (mais être réellement tout autre chose).

‘26 Du dehors, la maison n’avait l’air de rien.
Alphonse Daudet, Tartarin de Tarascon, p. 5.’ ‘(Personnes). L’air de rien : sans rien manifester (de ses intentions). => Mine (de rien). Un air de rien qui ne trompe personne : un air indifférent, sans intentions précises.’ ‘26.1 Maman, qui se vante d’avoir des antennes, s’arrête pour observer, d’un air de rien gros comme une maison, espérant passer inaperçue avec son manteau bleu ciel, son canotier rouge et ses diamants.
Benoîte et Flora Groult, journal à quatre mains, p. 27.’

(Avec de et l’inf.). Avoir l’air de s’intéresser à qqch., de travailler... Donner l’air : faire paraître ; donner l’impression que... :

‘27 (...) les innombrables minarets qui ont l’air de pointer vers les étoiles.
Loti, Suprêmes visions d’Orient, p. 137.’ ‘28 Elle avait une façon de se tenir un peu penchée en avant qui lui donnait toujours l’air d’accourir vers un ami, d’offrir à tout venant la vivacité animale de son sourire.
Martin du Gard, Les Thibault, II, XI.’

Se donner, prendre l’air, un air sévère, l’air de... (et inf.) : affecter, faire semblant d’être sévère.

‘29 (...) pour parer mon discours et me donner l’air d’habile homme.
MOLIÈRE, le Médecin malgré lui, III, 1.’

Ressemblance. Avoir des airs de quelqu’un. Avoir un faux air de quelqu’un.

‘30 Vous avez un peu l’air de Mme de Sottenville.
M me de SÉVIGNÉ, in LITTRÉ.’ ‘31 Je le maintiens prodige, et tel que d’une fable
Il a l’air et les traits, encor que véritable.
La Fontaine, Fables, XI, 9.’

Ils ont un air de famille : ils se ressemblent ; ils semblent être des proches parents.

5. Peint.Air de tête : attitude, maintien de la tête, dans une représentation picturale.

‘32 Les nobles airs de tête amplement variés.
MOLIÈRE, la Gloire du Val de Grâce.’

6. Manège. Allures du cheval. Airs bas, airs relevés.

HOM. V. 1. Air.