011Modèles de Carr (1974) et de McFall et Wollersheim (1979):

La première tentative de conceptualiser le TOC selon un modèle cognitif a été fait par Carr (1974). Ce dernier souligne une surestimation de dangers irréalistes chez les obsessionnels. Ce concept de « surestimation de dangers », est une évaluation individuelle résultant d’une implication négative du contexte où vit le sujet.

Il est supposé que les obsessionnels souffriraient d’une menace extrêmement forte car ils surestimeraient non seulement la possibilité de la conséquence indésirable mais aussi le « prix » qu’ils payeraient si cela leur arrivait. Cette hypothèse de surestimation du risque chez les TOC a été soutenue par le constat que les obsessionnels étaient plus prudents à s’engager dans les activités risquées que les autres groupes de patients atteints d’autres maladies mentales (Steiner, 1972, in McFall et Wollersheim, 1979). Cette surestimation subjective du danger ou du risque provoquera une très forte angoisse quand le sujet se trouve dans des situations jugées « dangereuses ». Il en résulte que se développent des rituels pour diminuer le risque subjectivement surestimé et pour calmer l’angoisse.

L’intérêt de ce modèle est de montrer pour la première fois l’importance du processus cognitif dans le lien entre le stimulus environnemental et l’angoisse/rituels. Mais dans ce modèle, il n’est pas expliqué, pour quelles raisons, les patients de TOC ont cette haute estimation subjective du danger et du risque.

Nous résumons ce modèle dans le schéma suivant:

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Schéma : Modèle de Carr (in Yao, 1995)

McFall et Wollersheim (1979) ont tenté d’élaborer et de développer la notion de Carr (1974) en prenant pour base ses travaux. Ils ont proposé une hypothèse de la croyance irrationnelle chez les TOC, qui est considérée comme source de la surestimation de danger.

D’après eux, la menace ressentie par le sujet obsessionnel est immédiatement généralisée dans une «première évaluation» irréaliste, c’est à dire la première partie du processus cognitif. Ensuite, une fois la première évaluation de danger établie, va apparaître chez le sujet une distorsion dans le deuxième processus d’évaluation par lequel il sous-estime sa capacité à gérer le danger d’une manière adaptative ou réaliste. Ainsi, la surestimation du danger et la sous-estimation de la capacité à gérer le danger amèneront à des sentiments d’incertitude, d’incapacité, de perte de contrôle et d’anxiété. Le sujet considère les rituels magiques comme le moyen le plus efficace pour réduire le danger anticipé et diminuer l’anxiété ainsi que pour lui fournir une arme de contrôle. Il peut croire que les rituels peuvent prévenir les dangers, et que, si les rituels ne sont pas accomplis, des catastrophes risquent de survenir. Suivant le principe de la théorie de conditionnement d’évitement, McFall et Wollersheim (1979) supposent que cette évaluation erronée pourrait renforcer et maintenir les symptômes. Pour les patients, les rituels sont considérés comme moins gênants que les pensées dangereuses et/ou catastrophiques, bien que ces rituels eux-mêmes soient douloureux. Alors, les patients préfèrent les rituels et subir leurs conséquences gênantes et souvent handicapantes, plutôt que de supporter l’angoisse associée aux surestimations catastrophiques.

McFall et Wollersheim (1979) supposent que les « déficits cognitifs » dans le premier et deuxième processus d’évaluation sont probablement liés aux croyances irrationnelles. Mais celles-ci ne sont pas identiques dans les deux parties différentes du processus cognitif.

  • Les croyances irrationnelles, qui peuvent influencer le premier processus d’estimation, sont listés comme suit:
    1. on doit être parfaitement compétent, convenable, respecté le plus possible par les autres, pour être considéré et pour éviter la critique ou la désapprobation des autres;

    2. faire des erreurs entraînera la punition ou la condamnation,

    3. on est tout puissant pour prévenir la pire conséquence par les rituels magiques;

    4. certaines pensées et sentiments sont inacceptables et pourraient provoquer une catastrophe (ex : de la colère va résulter l’homicide et on doit être puni en ayant ces pensées).

  • Certaines croyances irrationnelles qui influencent négativement le deuxième processus cognitif sont listées comme suit:
    1. si quelque chose est ou pourrait être dangereux, on doit être terriblement troublé par cette chose;

    2. les rituels magiques pourraient prévenir la catastrophe;

    3. il est plus facile et plus efficace de faire des rituels magiques que de se confronter directement avec l’angoisse et/ou les pensées;

    4. le sentiment d’incertitude et la perte de contrôle sont intolérables, et très angoissants; ainsi faut-il faire quelque chose pour les corriger.

McFall et Wollersheim (1979) soulignent que les croyances irrationnelles dans les deux processus d’évaluation sont souvent restées dans l’inconscient et fonctionnent souvent d’une façon automatique, immédiate et intuitive, comme tous les autres troubles anxieux et dépressifs.

Nous proposons de résumer ce modèle dans le schéma suivant:

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Schéma : Modèle de McFall et Wollersheim (résumé par Yao)

A travers ce modèle cognitif, on voit que le stimulus auquel le sujet réagit avec la réponse cognitive, émotionnelle et comportementale, correspond toujours aux situations environnementales. En d’autres termes, il reste toujours à l’extérieur, en dehors de l’individu. Il est difficile d’expliquer pourquoi un ruminateur passe des heures à ressasser ses obsessions sans qu’il y ait un véritable stimulus dans son entourage, ou qu’un laveur se lave les mains pendant des heures sans aucun contact avec d’autres objets, ou enfin qu’un vérificateur retourne plusieurs fois à la cuisine pour vérifier le gaz même s’il est déjà au lit. Il existe certainement d’autres stimuli qui poussent les patients à accomplir leurs rituels interminables.