A. Responsabilité:

Selon Salkovskis, Rachman, Ladouceur et Freeston (Ladouceur et coll., 1995), la responsabilité exagérée chez les TOC est définie comme une croyance de la personne qu’elle possède le pouvoir « pivotal » de provoquer ou de prévenir des conséquences négatives cruciales.

Depuis que la responsabilité perçue par les obsessionnels a été suggérée comme un noyau central du TOC (Salkovskis, 1985), plusieurs études ont confirmé qu’il y a un lien entre le sentiment de responsabilité et les phénomènes obsessionnels compulsifs chez les patients atteints de TOC (Lopatka et Rachman, 1995; Shafran, 1995; Yao, 1995; Bouvard et coll., 1997, Yao et coll., 1997b) et chez les sujets non-cliniques (Rhéaume et coll., 1994, 1995a, Ladouceur et coll., 1997, Wilson et Chambless, 1999). Lopatka et Rachman (1995) et Shafran (1995) ont rapporté que la réduction de la responsabilité perçue est suivie temporairement par la diminution de l’anxiété et des vérifications chez les vérificateurs. Yao (1995) a également constaté que la responsabilité vis-à-vis des pensées intrusives fréquentes est liée avec les symptômes de TOC chez les obsessionnels. Bouvard et coll. (1997) ont comparé un groupe de TOC à un groupe de sujets normaux au niveau des manifestations obsessionnelles de la responsabilité et des processus de responsabilité. Ils ont montré que les sujets obsessionnels reconnaissent avoir plus de croyances ou de pensées ayant trait à la responsabilité que les sujets contrôles; la différence résiderait dans le traitement de l’information en termes de gravité, de probabilité et de pouvoir du sujet. Van Oppen et coll. (1994) ont réussi à améliorer les patients atteints de TOC en utilisant des techniques de modification de la surestimation de catastrophe et de responsabilité basée sur ce modèle. Rhéaume et coll. (1994, 1995a) ont trouvé que, chez les sujets non cliniques, la responsabilité est significativement corrélée avec les phénomènes obsessionnels-compulsifs et les pensées obsédantes. Wilson et Chambless (1999) ont examiné la relation entre la responsabilité exagérée et les symptômes obsessionnels-compulsifs dans un échantillon d’étudiants (n= 167). Ils ont trouvé que la responsabilité perçue est significativement liée aux phénomènes obsessionnels-compulsifs et que la responsabilité correspond également aux vérifications et aux lavages.

Cependant, certaines études n’ont pas confirmé complètement l’hypothèse de la responsabilité dans les troubles obsessionnels compulsifs. Sauteraud et coll. (1995) n’ont pas trouvé de différence entre les patients atteints de TOC et les sujets normaux sur le traitement des mots neutres et des mots de responsabilité dans une épreuve de décision lexicale. Ladouceur et coll. (1995) ont fait une étude contrôlée chez les sujets non-cliniques; le résultat n’a pas complètement soutenu l’hypothèse d’un lien entre la responsabilité et le comportement vérificateur. Ils ont suggéré que la surestimation de la sévérité des conséquences perçues pourrait jouer un rôle dans les vérifications. L’étude de Jones et Menzies (1997) n’a pas confirmé le rôle de la responsabilité dans un sous-groupe de TOC ayant uniquement des rituels de lavage des mains (n= 27). Yao et coll. (1996) ont trouvé que, chez les patients atteints de TOC, la responsabilité n’est pas liée uniquement avec la pathologie obsessionnelle-compulsive, mais aussi avec la dépression et l’anxiété. De plus la responsabilité n’a pas de corrélation significative avec les pensées intrusives. Ces résultat pourraient suggérer que la responsabilité ne serait pas la seule structure cognitive dans le TOC.

L’étude de Freeston et coll. (1992) montre une corrélation très importante entre les obsessions-compulsions et le facteur d’évaluation comprenant la responsabilité, la culpabilité et la désapprobation chez les sujets non-cliniques. Ce résultat révèle que dans l’évaluation des pensées intrusives, il y a non seulement la responsabilité, mais aussi la culpabilité et la désapprobation qui sont toutes liées avec les obsessions-compulsions. En fait, comme il y a plusieurs thèmes de pensées intrusives, on pourrait se poser la question de savoir si la responsabilité ne serait pas impliquée dans un ou plusieurs thèmes de pensées intrusives mais pas dans tous. L’étude récente (Yao et coll., 1999) a trouvé que la responsabilité n’était corrélée qu’aux pensées intrusives à thème d’agressivité chez les patients atteints de TOC.

Fusion pensée-action (responsabilité spécifique):

Rachman et al (1995) ont proposé un rôle central pour une responsabilité exagérée mais spécifique qui pourrait être liée avec les obsessions compulsions. Ils ont passé leur questionnaire à 291 étudiants pour mesurer la responsabilité (RAQ, Responsibility Appraisal Questionnaire). Ils ont trouvé que parmi quatre facteurs correspondant à la responsabilité, seul le facteur de TAF (Thought action fusion, la fusion de pensée-action) correspond significativement aux obsessions. En d’autres termes, la responsabilité perçue qui pourrait provoquer les obsessions compulsions serait plutôt une responsabilité avec la croyance de la fusion de pensée-action. Les patients de TOC pourraient croire irrationnellement que « penser » égale « faire ». Ainsi, ils se sentiraient terriblement responsables et coupables de leurs pensées intrusives (Rachman, 1993). Purdon et Clark (1994) ont aussi trouvé que la croyance de la réalisation des pensées intrusives et l’anticipation de l’incontrôlabilité des pensées représentent deux prédicteurs dans la fréquence et la persistance des pensées intrusives. On peut considérer ces deux prédicteurs comme une fusion de la pensée et de l’action. Un peu plus tard, Shafran, Thordarson et Rachman (1996b) ont développé un questionnaire de la fusion de pensées et d’actions (TAF scale) pour évaluer le rôle du phénomène de penser=action dans le TOC. Ils ont trouvé que la croyance en la fusion de la pensée avec l’action est plus élevée chez les sujets obsessionnels (n = 118) que chez les sujets non-obsessionnels (n = 122). Mais cette croyance est plutôt liée aux comportements de vérification chez les obsessionnels.