PREMIERE PARTIE : DEBAT AUTOUR DE LA CRISE DE L'ENDETTEMENT.

Introduction.

La crise de l'endettement extérieur des pays en voie de développement a permis de reprendre et d'enrichir le débat sur la croissance transmise par les capitaux étrangers. Pour les uns, ces pays se sont endettés au mépris des règles de l'utilisation rationnelle des capitaux empruntés. Aussi, recherchent-ils les causes du surendettement dans le contexte endogène à ces mêmes pays sans ignorer, cependant, les contraintes exogènes auxquelles ces derniers n'ont pu résister du fait de la mauvaise affectation qu'ils ont faite des ressources empruntées. Les transferts nets négatifs qui ont fait leur apparition, dès le début des années quatre-vingts, dans les statistiques officielles de la dette, marquent le terme du cycle d'endettement sans que les débiteurs ne soient préparés à cette échéance. Aussi parle-t-on de crise de l'endettement pour suggérer les possibilités d’en sortir. Les rééchelonnements successifs et assortis de politiques d'ajustement structurel sont directement inspirés de ce type d'analyse qui prône un retour à l'orthodoxie et ce, grâce à l'action des pouvoirs publics sur un certain nombre de variables instrumentales telles que le taux d'intérêt, le taux de change et la discipline budgétaire. Leur manipulation devrait se faire de telle sorte qu'apparaîtront les avantages comparatifs compatibles avec l'excédent des ressources en devises qu'aurait du "normalement" générer l'emprunt international pour faire face aux problèmes de transfert.

D'autres préfèrent inscrire leurs apports dans une démarche régulationniste. L'économie mondiale constitue le champ de leur analyse. La crise de l'endettement est un aboutissement de l'économie d'endettement laquelle s'est étendue à l'échelon mondial après avoir connu ses limites sur le plan national. A ce titre, la crise de l'endettement est un moment particulier du mode de régulation. Dans ce type d'analyse, l'économie internationale d'endettement apparaît comme un instrument de régulation et donc de reproduction de l'économie mondiale au profit de son pôle dominant. Elle est un mode de régulation alternatif aux autres modes antérieurs, fondés sur la recherche de nouveaux gisements de productivité. L'épuisement physique de ces derniers est à la base du développement de l'économie internationale d'endettement. Celle-ci tend à son tour à réguler et reproduire une économie mondiale appréhendée comme une structuration hiérarchisée d’économies nationales. L'analyse souligne le caractère inégal de la régulation mondiale par l'endettement. Le capitalisme mondial en est venu à s'installer progressivement dans un "mode usurier" d'extraction de la plus-value après avoir épuisé les autres formes d'extraction.

La démarche que nous poursuivrons tout au long de cette première partie peut paraître éclectique sur le plan méthodologique. Il est difficile de démêler le "dedans" du "dehors" quand il s'agit de discuter les problèmes de développement en général. Nous préférons puiser dans chaque conception ce qui nous semble être à même d'expliquer au mieux la montée de l'endettement des pays en voie de développement. Nous veillerons, cependant, pour la clarté du travail, à marquer les grandes lignes qui différencient un ensemble de conceptions d'un autre.

Deux chapitres structurent cette première partie. Le premier sera axé principalement sur les conditions endogènes de la montée de l'endettement des pays en voie de développement et la nécessité de l'ajustement structurel comme préalable pour régler les problèmes de transfert. Le second exposera le concept de l'économie internationale d'endettement grâce auquel on pourra comprendre le passage de l'économie de crédit à celle de l'endettement et comment cette dernière a pu réguler l'économie mondiale avant d'entrer, elle-même, en crise.