1.1 - L'endettement et la croissance du produit.

A un niveau général, on considère que l'endettement d'un pays est viable tant qu'il sert à produire une richesse qui croît à un taux supérieur à celui de ce même endettement. Dans les statistiques courantes, on surveille le poids de la dette dans le produit intérieur brut, ou ce que l'on appelle ratio de solvabilité. Cela n'est pas exact. La viabilité, telle que définie, ne peut apparaître qu'avec le temps. Il s'agit d'une anticipation qui consiste à croire que, durant le cycle, le taux de croissance du PIB finirait par rattraper et dépasser celui de l'endettement.

Appréhendé comme cela, tout processus d'endettement s'accompagne d'une marge de risque dont l'importance dépend des changements pouvant affecter les variables qui déterminent les taux de croissance du produit et de la dette. Les modèles , avec endettement, de type HARROD-DOMAR1 fixent les conditions de viabilité de l’endettement. Soient Sn l'épargne nationale, I l'investissement, X les exportations de biens et services, M les importations de biens et de services, i le taux d’intérêt et D le stock de la dette ; l'équilibre en économie ouverte est obtenu si :

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On peut réécrire cette équation sous la forme :

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B = le solde de la balance courante, compte non tenu des paiements d'intérêts. Un signe négatif indiquera un excédent et inversement ;

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L'accroissement de la dette (d) est donné par la somme du solde de la balance courante (B) et les paiements au titre des intérêts sur la dette :

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Il devient possible d'isoler les facteurs qui affectent le taux de croissance de la dette. En effet :

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L'équation (4) permet de faire apparaître les propensions moyennes à investir et à épargner d'une part, et le poids de la dette dans le produit intérieur d'autre part. En effet,

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où Y est égal au produit intérieur brut.

Le taux de croissance de la dette est égal au taux d'intérêt réel (i) augmenté de la différence, rapportée au poids de la dette dans le produit, des propensions moyennes à investir I/Y et à épargner S/Y.

La capacité d'épargne intérieure des débiteurs apparaît comme la condition sine qua non à la baisse du taux de croissance de la dette si l'on tient pour constants les taux d'investissement et d'intérêt réel. Son augmentation permettra de couvrir les besoins d'investissement croissants, les paiements d'intérêt et éventuellement de faire baisser le stock de la dette totale. Durant tout le cycle de l'endettement, le taux de croissance de la consommation doit rester inférieur à celui du produit intérieur brut. Le pays débiteur doit pratiquer une politique d'austérité relative si le taux de croissance démographique est inférieur ou égal à celui du produit et absolue dans le cas inverse2. Dans ce dernier cas, la consommation par tête devrait diminuer, seule manière pour accroître la part de l'épargne dans le produit.

Il est possible, à partir de l'équation (5), d'exprimer les choses autrement, afin de comparer directement les taux de croissance du produit et de l'intérêt.

En posant :

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le coefficient marginal du capital -output ratio

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le taux de croissance du produit, il vient que :

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En supposant que k constant3, le taux de croissance de la dette dépendrait de (g) et de (i) pour différents niveaux de S/Y. Le cycle endettement/désendettement se réalise selon plusieurs phases4.

Première phase .

Le taux d'épargne étant inférieur à celui de l'investissement, le pays débiteur doit s'endetter pour financer le déficit de la balance commerciale et les intérêts sur la dette. Le stock de celle-ci augmentera à un taux (i) supérieur à celui du produit et fera augmenter la part de la dette dans le produit. En effet si

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En augmentant, au cours de cette première phase, le taux d'épargne finira par égaliser celui de l'investissement. Le pays débiteur n'aura plus à s'endetter qu'à hauteur des intérêts dus. Le taux de croissance du produit, restant inférieur encore à celui de la dette, la part de celle-ci augmentera dans le produit. En effet si :

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Deuxième phase.

Le déficit commercial laisse place à un excédent car le taux de croissance de croisière du produit est atteint. La courbe du poids de la dette dans le produit marque un point d'inflexion et atteint son maximum. En effet si :

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Troisième phase.

La balance courante est équilibrée. Le surplus commercial permet de faire face aux paiements d'intérêt. La part de la dette dans le produit diminue car la dette ne croît plus qu'à un taux inférieur à celui de l'intérêt, lui-même inférieur à celui du produit. En effet si :

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Quatrième phase .

Un surplus courant fait son apparition. Le pays débiteur pourra effectuer des remboursements nets de sa dette. L'amélioration du coefficient de solvabilité pourrait s'accompagner d'une baisse de stock de la dette. Les mesures d'austérité devraient être relâchées sans toutefois que la croissance de la consommation interne ne puisse dépasser celle du PIB.

Une telle présentation s'appuie davantage sur l'analyse "d'une économie fermée que sur celle d'une économie ouverte".5 Les exportations et les importations n'apparaissent pas clairement dans les conditions du modèle. Aussi, sont évacuées les contraintes externes de leur détermination. L'excédent d'épargne sur l'investissement est une condition, certes, nécessaire mais non suffisante. En effet viabilité et désendettement supposent que cet excédent ait la forme d'un surplus exportable. Or, exception faite des Etats Unis qui peuvent régler leur dette dans leur monnaie, les remboursements doivent s'effectuer en devises étrangères, ce qui nécessite l’exportation d’une quantité de biens et services en vue de les obtenir.

Notes
1.

Les différentes équations utilisées dans les quelques pages qui suivent ont été directement prises dans le document INST/92/XII/I.C.4 du FMI intitulé : Gestion de la dette.

2.

HENNER F.H : La dette et l'ajustement, Revue d'économie politique N° 3 mai/juin 1989, p. 48.

3.

Les modèles de type HARROD-DOMAR se caractérisent par la constance du coefficient k.

4.

SELOWSKY et VAN DERTAK in HENNER H.F, op. cité, p. 489 et suivantes.

5.

HENNER H.F , op. cité, 493.