1.2 - L'endettement et la croissance des exportations.

A la définition extensive de la solvabilité, a été substitué une autre plus stricte qui permet de prendre directement en charge le problème de remboursement. J.C BERTHELEMY en donne la formulation suivante : ‘« ... L'insolvabilité repose sur une comparaison du niveau de la dette et le flux actualisé des paiements réalisables, autrement dit la richesse réelle que le pays endetté peut mobiliser pour satisfaire à ses obligations financière »’ 6. Dans le même ordre d'idée, H.F. HENNER écrit : ‘"Le pays ne peut assurer le service de la dette que si la valeur actualisée du surplus des transactions est au moins égale à la dette actuelle"’.7

La restriction qu'impose la nouvelle définition de la solvabilité ou de l'insolvabilité met en évidence le problème d'affectation des ressources entre secteurs des biens échangeables et non échangeables sur lequel nous reviendrons plus loin. La condition de l'efficacité de l'investissement est donc nécessaire mais non suffisante. Les fonds empruntés doivent être utilisés dans les secteurs qui engendrent des devises.

Pour surveiller le taux de croissance du ratio service de la dette/exportation, on substitue dans le modèle, le taux de croissance des exportations à celui du produit.

En posant,
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= le taux de croissance du ratio dette/exportation, il vient que :
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où d est égal au taux de croissance de la dette et x à celui des exportations.

Selon l'expression (7), un débiteur est réputé solvable tant que ses exportations croissent à un taux supérieur à celui de son endettement. C'est le rapport de la dette aux exportations ou plus exactement le rapport de leurs taux de croissance qui est important et non le stock de la dette. Quand x est plus grand que d, le ratio de solvabilité s'améliore et inversement. Dans le premier cas, la réputation de bon débiteur permet au pays concerné l'accès au marché financier sans qu'il soit obligé de subir des marges augmentées de primes de risque ; ce qui serait le cas dans la deuxième cas.

La formule précédente peut être décomposée pour faire apparaître le rapport entre la balance commerciale et les évolutions de d et x. D'après l'expression (4), on sait que:

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en remplaçant dans l'expression (7), on obtient :

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L'expression (8) met en évidence les situations suivantes :

Au terme de cette section, certaines remarques peuvent être formulées. Elles se rattachent toutes à la capacité réelle que les pays en voie de développement ont à maîtriser les conditions de leur endettement extérieur. Autrement dit, quelle est la possibilité dont ils disposent pour influencer les trois variables maîtresses, mises en évidence, notamment les taux de croissance du produit et des exportations d'une part et celui de l'intérêt d'autre part.

Les taux d'intérêt sont fixés sur le marché financier international. Il est impossible pour les pays en voie de développement de les influencer. Une variation autonome des taux influence positivement ou négativement leurs ratios de solvabilité. Quand se produit une baisse du taux nominal ou une augmentation de l'inflation, le débiteur, toutes choses égales par ailleurs, bénéficie d'un allégement du poids de sa dette et inversement.

La croissance des exportations des pays en voie de développement dépend de la demande d'importation des pays industrialisés (donc des créanciers)qui elle dépend de leur PIB dont le taux de croissance s'impose comme une variable maîtresse. Cela est particulièrement vrai quand il s'agit de matières premières lesquelles constituent encore l'essentiel des exportations des pays en voie de développement. Les recettes d'exportations de ces derniers souffrent d'instabilité, elle-même due à celle de la demande des pays industrialisés. Les progrès technologiques tendent à économiser la quantité d'intrant par unité d'output et de substituer des produits de synthèse à certaines matières premières. Le résultat en est une faible élasticité-revenu de la demande des matières premières. En période de baisse de la demande étrangère, la dégradation des termes de l'échange a pour effet de hausser la charge réelle de la dette, si on prend le soin de la mesurer par le nombre d'unités qu'il faut exporter pour régler le service de la dette, et une baisse des recettes d'exportation si les efforts sur les quantités sont insuffisants pour compenser l'effet des termes de l'échange. Signalons, enfin, qu'une nouvelle dégradation de ces derniers peut se produire suite à une offre supplémentaire d'exportation si la demande n'augmente pas d'autant.

Concernant la croissance du PIB des débiteurs, on sait qu'elle dépend en partie du niveau des importations de matières premières, de semi-produits et de biens d'équipement. La sensibilité du PIB aux importations est d'autant plus grande que les possibilités de leur remplacement sont réduites. Il s'agit pour le débiteur de maintenir une capacité d'importation compatible avec la croissance du PIB tout en surveillant sa balance commerciale. La baisse des exportations est un facteur de déficit, donc d'endettement nouveau, et celle des importations un facteur de baisse du PIB et éventuellement des exportations si elles requièrent un coefficient important d'importation.

Au total, la croissance avec endettement suppose un volume d'importation et un échéancier du service de la dette donnés. Toutes les autres variables prix , qu'il s'agisse du taux d'intérêt, du taux de change, des prix des exportations et des importations ne peuvent être connues à l'avance et sont aléatoires par conséquent.

Il est pour le moins paradoxal de soutenir que la rentabilité des investissements est plus élevée dans les pays en voie de développement quand les critères d'appréciation de cette même rentabilité sont fixés ailleurs que dans ces pays. Les prix des biens et services échangés et les taux d'intérêt se fixent sur des marchés sur lesquels les pays en développement n’ont en général pas d'influence. Les prix des matières premières qui constituent encore l'essentiel des exportations dans la majorité de ces pays dépendent de la demande qu'en font les pays industriels laquelle dépend à son tour de leur niveau de croissance, mesuré par le PIB. La fixation des taux d'intérêt leur échappe complètement compte tenu des volumes échangés et qu'ils ne peuvent influencer ni par leur demande ni par leur offre . Les aléas exogènes mis en évidence, plus haut, sont considérés comme conjoncturels. Alors, quelles sont les variables structurelles et endogènes qui expliqueraient la montée de l'endettement des pays en voie de développement ?

Notes
6.

BERTHELEMY.J.C : L’endettement du Tiers-Monde, PUF 1990, p. 256

7.

HENNER H.F, op. cité, p. 483.