Section 3 : Le problème de transfert.

Au sens strict, la littérature économique lie le problème du transfert aux réparations de guerre ou à tout versement sans contrepartie au profit de l'étranger. Dans un sens plus large, elle englobe l'analyse des problèmes que pose le paiement d'importantes sommes par un pays ou un groupe de pays au reste du monde. "Largement comprise, la notion de transfert, s'applique aussi aux déplacements d'avoirs et aux emplois extérieurs de capitaux à court terme, puisque ces mouvements n'ont pas de contrepartie dans la période"26.

Un cycle d'endettement induit des flux contraires, entrants et sortants. La notion de transfert apprécie la grandeur du solde de ces flux. On appelle transferts nets de ressources le solde entre les apports nets de capitaux, soit la différence entre les mobilisations et le remboursement au titre du principal augmentée du montant des intérêts27. Le transfert net, quand il est positif, mesure le poids net de l'endettement dans les ressources disponibles pour le développement. On peut apprécier cette contribution en rapportant les montants au PIB ou à l'investissement. Le poids des transferts nets apparaît alors dans l'effort d'accumulation par rapport à celui de l'épargne intérieure.

A l'opposé, quand leur signe devient négatif, les transferts imposent au pays débiteur de faire un prélèvement sur son PIB au profit de l'étranger. Pour passer, sans difficultés, de la première à la seconde situation, le débiteur est supposé avoir fait un bon emploi des capitaux empruntés. Dans le cas contraire, il est soumis à un ajustement qui contraint son économie à dégager les ressources nécessaires au transfert. La contrainte sera plus ou moins grande. Elle dépendra du montant des transferts relativement au PIB, aux recettes et dépenses des exportations et des importations, de l'état des finances publiques et de la confiance des créanciers.

Le changement brutal du signe des transferts nets à partir de 1983 pour les pays en voie de développement, pris globalement, était "imprévisible"28. L'alourdissement de la charge de la dette faisant suite à la hausse des taux d'intérêt à partir de 1979, la baisse des apports bruts nouveaux et la désinflation, devenue un objet majeur pour les pays créanciers, ont soumis les pays en voie de développement à un rude ajustement pour que soient mobilisées les ressources nécessaires au transfert. Alors quel est le « seuil supportable »29.

En comparant le traité de Versailles, qui imposait à l'Allemagne de lourdes réparations à la paix carthaginoise, J.M. KEYNES écrivait que celle-ci « n'était ni bonne ni possible ».30 Elle n'était pas possible car elle imposait à l'Allemagne de transférer au profit de ses vainqueurs l'équivalent de quatre années de son revenu d'avant-guerre auquel il fallait ajouter à peu près des charges de même grandeur .31 Elle n'était pas bonne eu égard aux incidences qu'elle aurait eu sur l'équilibre de l'économie européenne tout entière.

Selon la macro-économie keynésienne, ne peut être transféré que le surplus exportable qui correspond rigoureusement à l'excédent de l'épargne sur les besoins de l'investissement. Cette simple équivalence met en évidence l'ampleur des ajustements intérieurs et extérieurs dont doit s'accommoder le débiteur. La crise de l'endettement a permis de reprendre et d'enrichir le débat sur la question du transfert.

On ne se préoccupera pas dans cette section de reprendre la controverse sur la question des transferts. Le premier point mettra en évidence la notion de "capacité de transfert élargie" qui est le résultat d'une relecture de KEYNES par J.F POULON. Le second point mettra l'accent sur les effets du transfert sur le débiteur. L'apport théorique et empirique de M. REISEN et A.V. TROTSENBURG en constituera l'essentiel.

Notes
26.

BYE M. : Relations économiques internationales, Dalloz 1971, p. 49

27.

FMI : Document INIT/92 XII C.2, extrait de l'étude spéciale n° 53.

28.

J.C. BERTHELEMY , op. cité, p. 66.

29.

P.W. DEMBINSKY : L'endettement international, PUF 1990, p. 43.

30.

J.M. KEYNES : The economic consequence of the peace, the collected writting of J.M. KEYNES Vol. II, MACMILLAN 1971 (1ère édition) cité par J.F. POULON in Les écrits de KEYNES, Dunod 1985, p. 25

31.

Idem, p. 33.