3.1 - "La capacité de transfert élargie" selon F. POULON.

L'auteur limite son raisonnement à la capacité du débiteur d'opérer des transferts sur ressources réelles. La distinction entre transfert financier et transfert réel tient au fait que le premier peut s'effectuer sur la base de fonds empruntés alors que le second doit se réaliser par prélèvement sur le produit intérieur brut.

En faisant la distinction entre revenu global et revenu des ménages, l'auteur introduit la notion de capacité de transfert élargie 32. Le premier agrégat est donné par l'équivalence :

R = C + I + X - M où

  • R = revenu global

  • C = la consommation

  • I = l'investissement

  • X = les exportations et

  • M = les importations.

Le second, noté Y est donné par l'équivalence :

Y = C + S où S représente l'épargne des ménages.

Selon l'approche du revenu global, l'excédent sur la consommation est égal à R - C = I + X - M, soit le surplus total. En admettant que le débiteur puisse transférer l'équivalent en ressources réelles, il s'engagerait vers un état stationnaire puisque le transfert absorbe le surplus exportable (X - M) et ce qui est nécessaire pour l'investissement.

L'auteur présente une alternative qui, défendue par KEYNES selon lui, permet d'effectuer des transferts plus importants que le seul surplus exportable sans handicaper la poursuite de l'accumulation 33. En faisant, en effet, la distinction entre revenu global et revenu des ménages, il vient que :

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La capacité de transfert se trouve élargie à la quantité I - S qui correspond à l'épargne des entreprises. Autrement dit, il s'agit de leur capacité d'autofinancement, soit leur profit. Cette quantité a la forme de capital physique et ne peut donc être exportée en l'état. Elle peut, cependant, l'être indirectement. Il suffit pour cela que le débiteur cède des actifs jusqu'à concurrence de la différence positive entre l'investissement et l'épargne, à des étrangers34. A l'objection concernant le statut du profit dans l'entreprise, qui consisterait à penser que l'incitation à investir s'en ressentirait, l'auteur répond que les entreprises sont intéressées davantage par "l'élargissement de leur puissance" que par "les plus-values financières" 35.

L'exposé de l'auteur a le mérite de fixer le seuil théorique du supportable pour le transféreur. Le transfert ne peut s'élargir que si la différence I - S est positive. Il est douteux que les entreprises puissent maintenir cette différence sachant que l'investissement dans les pays en voie de développement est importé. En effet, l'importation d'une partie du capital physique ne manquera pas de réduire la différence X - M 36 à moins de considérer une hausse plus importante des exportations.

Dans la réalité, les pays en voie de développement ont eu à subir un effet appauvrissant du développement de leur offre d'exportation. Le fardeau dit secondaire du transfert est le fait de la concurrence que se livrent les débiteurs pour augmenter leurs recettes d'exportation dans un contexte de stagnation de la demande étrangère. Selon une étude de l'OCDE 37, la variation annuelle de l'indice du volume des exportations a été de 9 %, 3 % et 4 % pour 1981, 1982 et 1983 respectivement alors que celle de l'indice de leur valeur affichait les taux négatifs de -4 %, -7 % et -3 % pour les mêmes années. Parallèlement, les indices de volume et de valeur des importations baissent aussi mais en marquant moins de divergence. Ils sont respectivement de 6 %, 0 % et -5 % pour les premiers et de 5 %, -1 % et -3 % pour les seconds, au cours de la même période.

L'augmentation de la charge de la dette et du transfert a pour effet une détérioration de leur solvabilité et pourrait donner lieu à un phénomène auto-entretenu38.

Les pays en voie de développement n'ont pas eu d’autre choix que celui d'un ajustement forcé à la baisse de leurs importations. Connaissant la sensibilité de leur PIB à ces dernières, c'est à une véritable régression ou du moins stagnation de leurs économies qu'ils ont été contraints.

Dégager des fonds en devises nécessaires au transfert suppose au préalable leur mobilisation interne, donc l'équivalent en monnaie nationale. La contrainte qu'exerce le transfert sur les finances publiques est réelle du fait que la dette est garantie par l'Etat. La tentation de ce dernier à substituer la dette interne à la dette extérieure ne manquera pas d'avoir des influences sur l'inflation, l'épargne et d'aggraver ainsi le problème du transfert.

Notes
32.

J.F. POULON, op. cité, p. 41.

33.

Idem, pp. 42 et suivantes.

34.

J.F. POULON, op. cité, p. 43.

35.

Idem, p. 44.

36.

DE BERNIS G. : Endettement et développement in GRREC : Crise et régulation, recueil de

textes (1983-1989), Grenoble, p. 352.

37.

OCDE : Rapport sur l'endettement des pays en voie de développement, Paris, 1983, p.

38.

J.C. BERTHELEMY , op. cité, p. 68.