Dans les pays en voie de développement, il existe une forte relation entre les systèmes budgétaire et monétaire du fait que la Banque Centrale se trouve sous la dépendance directe du gouvernement 43 ; ce qui permet à ce dernier de financer une partie de son déficit par des avances de la Banque Centrale. Le financement monétaire engendre l'inflation qui provoque, à la manière d'un impôt, une érosion du pouvoir d'achat des encaisses monétaires réelles. Cette érosion profite en fait à l’Etat qui réduit en termes réels sa dette. Tout comme l'impôt, la taxe d’inflation donne un rendement. Il est égal au produit de l'inflation et de la masse des avoirs liquides réels44 Le prélèvement dépend directement de la masse des avoirs liquides réels qui dépend, elle-même, des taux d'inflation. Plus celui-ci s'élève plus cette dernière se contracte car le coût de sa détention s'élève.
Quand le déficit public est important et que le prélèvement sur les avoirs monétaires liquides a atteint ses limites, l'Etat a recours à ce qu'on appelle la répression financière. Le prélèvement est étendu aux actifs financiers.
La répression financière a pour but d'augmenter le prélèvement en usant d'une réglementation qui consiste à 45 :
imposer au système bancaire la détention de titres sur la dette publique rémunérés à de faibles taux d'intérêt.
Le prélèvement inflationniste dont l’incidence est un allégement de la dette publique se présente comme une alternative à la hausse de la pression fiscale47. En plus de la ponction qu'il opère sur la consommation et l'investissement privés, le financement inflationniste présente les écueils suivants :
la répression financière a pour effet une discrimination par la structure du taux d'intérêt. Les taux réels négatifs servis sur les dépôts découragent l'épargne et conduisent par conséquent à un rationnement du crédit qui évince le secteur privé au profit des investissements publics et ceux dont la rentabilité est moindre ;
la perte du pouvoir d'achat sur les actifs monétaires et financiers provoque une fuite devant la monnaie nationale qui conduit les détenteurs de ces actifs à rechercher des placements dans les emplois refuges ou à l'étranger pour se prémunir contre les effets d'érosion du pouvoir d'achat et des prochaines dévaluations ;
la dépréciation se transmet mécaniquement au service de la dette qui hausse en monnaie nationale. Le déficit de la balance des facteurs s'élargit et complique davantage l'ajustement de la balance courante à moins que le surplus de cette même balance, hors facteurs, ne s'améliore sous l'impulsion de la dévaluation et permette d'y faire face. En devises, la balance commerciale ne s'améliore que si les effets de volumes sur les recettes et les paiements arrivent à surpasser ceux de la détérioration des termes nets de l'échange. Ce qui suppose des élasticités favorables des demandes étrangères d'exportation et nationales d'importation48. Il est admis que les pays en voie de développement ont eu à supporter le fardeau secondaire du transfert. D'un autre côté, la dévaluation accroît en monnaie nationale le service de la dette publique. Soucieux de maintenir l'emploi dans le secteur privé, l'Etat doit assurer ce dernier contre les pertes de change qui pèsent sur lui. Ce qui accroît davantage le poids du transfert si les recettes n'augmentent pas en conséquence. Le déficit s'élargira et fera appel à un financement inflationniste. Le phénomène est alors entretenu.
Au terme de cette section, il apparaît que le transfert ne peut être réalisé, sauf allégement, que par une renonciation de pouvoir d'achat au profit de l'étranger. Les ajustements internes et externes qui sont nécessaires pour l'effectuer contraignent la croissance économique à moins de considérer que le débiteur est parvenu au terme d'un cycle d'endettement théorique qui lui permette de réaliser le transfert grâce à une excès d'épargne sur ses besoins d'investissement qui a la forme d'un surplus exportable. Dans la réalité, les excédents de la balance commerciale ont été obtenus grâce à une compression des importations incompatible avec le niveau de l'emploi. La faible élasticité de l'offre de substitution aux importations se traduit par une mise au chômage partielle de l'appareil de production. Le transfert accroît la contrainte sur l'offre et rétrécit donc la base sur laquelle il doit être prélevé. L’allégement du poids du service de la dette par le recours à la technique des rééchelonnements répétitifs, dès le lendemain de la crise de 1982, est la preuve que les pays en voie de développement, pris globalement, n'étaient pas en mesure de supporter le poids du transfert.
REISEN.H et TROTSENBURG. A.V, op. cité, p.45
idem, p.47
Idem, pp. 51, 52 et 53.
REISEN H. et TROTSENBURG A.V, op. cité, p. 55.
REISEN H. et TROTSENBURG A.V, op. cité, p. 47.
On pourra trouver un exposé très pédagogique du théorème des élasticités critiques dans
G. MARCY : "Economie internationale", PUF, 3ème édition, 1976, p. 365 et suivantes.