1.2.3 - La période actuelle.

La fin des années soixante est marquée par le début de la crise actuelle. Autrement dit, elle annonce l'épuisement de l'efficacité du mode de régulation qui a soutenu l'accumulation du capital au cours de la phase précédente. Du point de vue de la méthodologie retenue pour la périodicité, la crise est un moment durant lequel se forgent d'autres procédures de régulation plus efficaces. L'identification de celles-ci ne pouvant se faire qu'avec le temps, la recherche doit se contenter de la description des caractéristiques de la crise actuelle.

En plus des indicateurs synthétiques traditionnels tels que la réduction de l'investissement et la hausse du chômage faisant suite à la baisse du taux de profit et qui sont tous deux des effets et non des causes de la crise, on recherche à spécifier les évolutions marquantes de la période. Dans une contribution, autre que celle déjà citée, G. DE BERNIS dégage quatre traits essentiels : la liaison entre le capital financier et industriel, le drainage de l'épargne mondiale par les firmes transnationales, le développement autonome du capital financier et l'expansion de l'endettement en relation avec celle du capital financier 65.

Des contributions nombreuses et anciennes ont déjà montré qu'elles ont été les conditions de "fusion" entre capital bancaire et capital industriel. Leur développement à tous les deux se faisait jusqu'à une date récente dans le sens d'un soutien à la croissance, particulièrement celle des grandes firmes qui opéraient à l'intérieur et à l'extérieur de l'espace national. C'est la nature de cette relation dans leur développement qui a changé.

L'histoire récente, à partir de la fin des années soixante, montre une disproportion voire une relative autonomie dans le développement de l'un par rapport à l'autre. La baisse du taux de profit et l'incertitude croissante créée par l'instabilité des taux d'intérêt et de change ont eu pour effet de détourner l'épargne vers des placements plus liquides du fait des difficultés quant à l'anticipation des résultats de l'investissement. Suite à l'effondrement du système de Bretton-Wood et la dérégulation qui en a résulté, point sur lequel nous reviendrons plus tard, l'autonomie du capital financier s'est révélée par le développement des marchés hors frontières nationales , échappant de fait au contrôle des Etats. R. BORRELY note la désarticulation entre flux réels et flux financiers sur le plan international. Les sorties et les entrées de capitaux à long terme ne correspondent plus pour plusieurs pays développés dont les USA, le Japon, la France et l'Allemagne Fédérale, avec les excédents et les déficits des balances courantes qui en sont en principe les contreparties respectives66.

La tendance à la "financiarisation" comme conséquence de la dégradation des conditions internes à la valorisation du capital émerge comme une obligation faite au capital de rechercher des conditions externes à sa valorisation. Celle-ci se présente, comme on s'attachera à le montrer plus loin, selon une nature différente que par le passé. Le capital financier, déconnecté de la sphère réelle qu'il soutenait par le passé, recherchera désormais des "profits" pour lui-même. Mais comment le capital bancaire est-il passé de la première à la seconde phase ? Le crédit n'a-t-il pas toujours soutenu l'activité des entreprises ? Le point qui suit montrera comment le mécanisme du crédit s'est progressivement épuisé pour se transformer enfin en mécanisme d'endettement.

Notes
65.

G. DE BERNIS : Réflexions sur la crise contemporaine in théories économiques et

fonctionnement de l'économie mondiale, étude coordonnée par G. DEBERNIS , PUF, Grenoble 1988,

p. 50.

66.

R. BORRELY : L'articulation du national et de l'international in GRREC, recueil de textes

(1983-1989) PUF, Grenoble 1991, p. 151 et suivantes.