2.2 - Le poids des pétrodollars.

J.J. POLAK, par exemple, soutient que l'offre et la demande d'épargne, au niveau mondial, s'équilibraient avant l'apparition des surplus de l'OPEP durant la décennie soixante-dix et le tout début de la suivante. Pour l'auteur la hausse du prix du pétrole est responsable de l'inflation, particulièrement dans les pays industrialisés. Cette hausse a permis, par ailleurs, aux pays de l'OPEP de disposer, faute de capacités d'absorption suffisantes, d'importants excédents lesquels ont été recyclés par les marchés de capitaux. L'auteur laisse entendre que l'endettement facile de la décennie soixante-dix fait suite à des surliquidités provoquées par les excédents de l'OPEP. Au total, inflation et surliquidités entretiennent l'endettement par des taux d'intérêt réels très bas.

Quant aux difficultés du début des années quatre-vingts, l'auteur affirme clairement que ‘"la politique monétaire restrictive adoptée par les pays industrialisés en vue de limiter l'effet inflationniste de la hausse des prix du pétrole ’ ‘[’ ‘...’ ‘]’ ‘ s'est traduite par une hausse des taux des crédits en dollars indexés sur le LIBOR qui sont passés d'un peu plus de 10 pour cent en 1979 à 19 pour cent en 1981"’ 77. Selon l'auteur, l'augmentation des taux d'intérêt n'est qu'un effet induit de la hausse du prix du pétrole.

Une étude du Fonds Monétaire International que l'auteur cite, lui-même, établit que la détérioration de la balance courante des pays en voie de développement non exportateurs de pétrole, en 1978 et 1981, est due à l'aggravation des charges nettes d'intérêt pour 41 milliards de dollars, à la détérioration des termes de l'échange pour un montant de 27 milliards et, enfin, à une hausse du prix du pétrole pour 10 milliards. Sur un total de 78 milliards de dollars de déficit, cette dernière n'intervient que pour 13% . Alors, comment faire dépendre l'alourdissement de l'endettement des pays en voie de développement de la hausse du prix du pétrole ? Dans l'esprit de l'auteur, la hausse de la charge des intérêts, comme il s'en est expliqué, est un effet induit de la hausse du prix du pétrole. Quant aux surliquidités provoquées par les excédents de l'OPEP, les chiffres dont nous disposons montrent que les placements de l'OPEP représentent à peine un cinquième du volume du marché de l'eurodevise.

Les chiffres du tableau n° 5 montrent bien que l'influence des pétrodollars a été relativement peu importante par rapport au volume que traite le marché des eurodevises. Même en considérant l'ensemble des placements effectués à l'étranger par les pays de l'OPEP, cette part n'a jamais dépassé 21 % du montant net des eurodevises. Des dépôts, relativement importants, ont été effectués après le second choc pétrolier. Ils sont respectivement de 40,5 milliards de dollars et 44,3 pour les années 1979 et 1980. A partir de cette dernière année, les nouveaux dépôts chutèrent très rapidement pour devenir négatifs dès 1982. Les dépôts cumulés baissèrent alors de 163,3 milliards de dollars à 140 entre 1981 et 1983. L'influence des pétrodollars est encore moins importante si l'on ne considérait que les seuls dépôts en eurodevises. Leur part dans le total a augmenté régulièrement de 1974 à 1980. Elle passe de 9 à 18 % des montants nets du marché. La chute du prix du pétrole, à partir de 1982, a fait que cette part n'est plus que de 10 % en 1983, soit très proche de son niveau de 1974. Les excédents de l'OPEP ont certainement aggravé le problème posé par les surliquidités et incité les pays en voie de développement à un endettement facile mais dans la limite de leur poids lequel, comme on l'a vu, reste relativement faible. Quelles sont alors les véritables ressources de ce marché ?

Tableau n° 5 : Importance relative des placements des états de l'OPEP, 1974-1983 en milliards de dollars et en %.
Années / Type de placement 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983
1.Total des placements 43,2 42,4 45,8 25,6 62,1 100,2 62,9 14 -9,8
2.Total cumulé 99,4 141,8 187,6 213,2 275,3 375,5 438,4 452,4 442,6
3.Dépôts bancaires 9,9 12,20 18 7,40 40,5 44,3 2,4 -12,3 -11
4.Dépôts banc. cumulés 38,5 50,70 68,7 76,1 116,6 160,9 163,3 151 140
5.Dépôts en eurodevises 8,7 11,2 16,4 6,6 33,4 43 3,9 -16,5 -11,9
6.Dépôts cumulés en eurodevises 30,7 41,9 58,3 64,9 98,3 141,3 145,2 128,7 116,8
7.Dépôts bancaires cumulés en % des montants nets du marché des eurodevises 15 16 18 16 19 21 17 14 12
8.Dépôts cumulés en eurodevises en % des montants nets du marché deseurodevises 14 15 13 16 18 15 12 10
Source : Tableau construit à partir des données de la Banque Mondiale, rapport sur le développement dans le monde 1985, p. 100 et le tableau précédent
Notes
77.

Idem p.37.