3.3.1 - Les contraintes du remboursement.

L'ajustement draconien qu'impose le transfert que doivent opérer les débiteurs au profit des créanciers ne laisse pas indifférents ces derniers eu égard aux effets pervers qui peuvent frapper leurs économies et dont ils veulent se soustraire. Le fardeau est si écrasant qu'il paraît impossible de s'en défaire pour les débiteurs compte tenu de leur capacité réelle de transfert. Le remboursement ne paraît pas souhaitable non plus par les créanciers qui en craignent les effets de "boomerang". D'après A. EMMANUEL qui se base sur les données de l'année 1981, cet effort doit s'élever approximativement à hauteur de 200 milliards de dollars par an sur une période de dix années 108. Sur la base de leur balance commerciale consolidée, les pays en voie de développement doivent dégager en moyenne un excédent de 110 milliards de dollars auquel il faut ajouter un déficit de 90 milliards. Dans le même ordre d'idée et sur la base d'un encours de la dette de 600 milliards de dollars dont le remboursement est ramené à dix annuités égales et selon un taux d'intérêt de 10 % , C. JEDELICKI conclut que les pays en voie de développement doivent, pour faire face à un service de la dette de 128 milliards de dollars, réduire leurs importations de 40 % ou augmenter leurs exportations de 48 %. Selon l'auteur, la première hypothèse se traduirait par 3,5 millions de chômeurs supplémentaires et une perte de 234 milliards pour les créanciers109.

Il semblerait donc bien que la dette des pays en voie de développement dépasse le seul cadre des débiteurs pour s'imposer comme une contrainte majeure au fonctionnement de l'économie mondiale. Celle-ci est la réalité ultime car c'est "à ce niveau que tout se joue"110. La multiplication du nombre de rééchelonnements, opération exceptionnelle par le passé, dès le début des années quatre-vingts, atteste de la mise en oeuvre de nouvelles formes de régulation en adéquation avec le maintien d'un système financier risquant la faillite et une économie mondiale ne pouvant s'accommoder d'un approfondissement de la crise.

Les plans de sauvetage entrepris, dès l'été 1982, reconduisent l'économie internationale d'endettement comme vecteur de régulation mondiale. Les rééchelonnements de plus en plus nombreux et se succédant les uns aux autres fondent l'idée d'une perpétuation de la dette des pays en voie de développement.

Notes
108.

A. EMMANUEL : L'endettement : véhicule de transfert de ressources in Revue du Tiers-Monde Juillet/Septembre 1984, p. 578.

109.

C. JEDLICKI : De l'impossibilité du remboursement de la dette à l'indispensable remboursement) des banques in Revue du Tiers-Monde, Juillet/Septembre 1984, pp. 681 et 682.

110.

H. BOURGUINAT : in H. BOURGUINAT et J. MISTRAL, op. cité, p. 25.