DEUXIEME PARTIE : LA RENTE-DETTE ET LE FINANCEMENT DE L'ACCUMULATION DU CAPITAL EN ALGERIE.

Introduction.

L'Algérie présente la spécificité d'être un quasi-mono-exportateur d'hydrocarbures. Le changement de rapport de force entre les Etats pétroliers et les pays consommateurs lui permet de capter, dès la première moitié des années soixante-dix, une importante rente. Celle-ci étant un transfert du reste du monde vers l'Algérie-titulaire, devrait-on reconduire purement et simplement les concepts, mis en évidence dans la première partie, pour analyser la montée de son endettement ou rechercher plutôt à produire une analyse nuancée pour tenir compte de cette spécificité ?

L'amélioration du partage de la rente en faveur des Etats pétroliers élargit la solvabilité extérieure de l'Algérie, modifie sa stratégie de financement de l'accumulation et dévalorise la charge de sa dette. Elargissement de la solvabilité et important surplus des hydrocarbures sont supposés, dans l'esprit des stratèges du développement, accélérer la formation dans le reste de l'économie d’un surplus qui se substituerait progressivement à la rente et à la dette.

Sur les plans théorique et stratégique, les "industries industrialisantes" sont choisies comme vecteur de transformation de la rente et la dette en système productif. La logique de construction de ce dernier organise le dépérissement de ces deux sources de financement. La dépendance à leur égard est une nécessité logique et historique mais transitoire. C'est à cette condition qu'apparaîtrait progressivement un surplus reproductible par l'économie hors hydrocarbures.

L'expérience concrète du développement révèle, cependant, que d'une simple complémentarité financière, la rente et la dette se sont articulées l'une et l'autre en forme de spirale. Pour s'endetter, il faut disposer de la rente et inversement. Le "contre-choc" pétrolier met bien en évidence cette spirale perverse.

La baisse du montant de la rente et son reflux en partie vers les créanciers contraignent l'Algérie à une récession prolongée du fait que les pans essentiels de l'industrie desquels on attendait les effets structurants et industrialisants sont toujours absents. Après près d'une décennie de gestion de la pénurie des moyens de paiements extérieurs et d'ajustement récessif, l'Algérie accepte le principe du rééchelonnement.

L'accumulation et son financement n'étant pas indépendants l'un de l'autre, nous tâcherons de montrer dans cette partie que la dépendance de l'Algérie à l'égard de la rente et la dette s'est accrue avec le temps.

Cette partie s’articulera autour de trois chapitres :

  • un premier chapitre empirique. Dans ce chapitre sont analysées les différentes phases par lesquelles est passée la dette extérieure avant que son rééchelonnement ne finisse par s'imposer ;

  • dans le deuxième, sera mise en évidence la spécificité du débiteur-Algérie. Il sera centré sur le statut de la rente dans la théorie économique et dans la doctrine algérienne de développement. Il permettra de comprendre comment les pouvoirs publics algériens concevaientt l'articulation de la dette à la rente ;

  • enfin, un troisième chapitre dans lequel nous tenterons d'apprécier la participation, dans la longue durée, de la rente et la dette au financement de l'accumulation. Cette approche sera fondée sur la valeur ajoutée des hydrocarbures, les termes de l'échange et la fiscalité pétrolière.