1.2.2 - Evolution des ratios de solvabilité et de liquidité.

Le stock de la dette a augmenté en moyenne de 3 milliards de dollars par an entre 1974 et 1979. Il est passé de 4.916 à plus de 20.000 millions de dollars. Sa croissance moyenne a été de 34,6 % durant les trois dernières années du second plan et de 32,5 % entre 1974 et 1979. Ces taux sont extrêmement élevés, comparés à ceux des recettes d'exportations et du PIB lesquels ont été respectivement, sur la base de leurs valeurs courantes, de 7,5 et 16,2 % pour la première période indiquée et de 13,3 et 18,2 % pour la seconde 126.

Cet écart entre l'évolution du stock de la dette d'une part, et le PIB et les recettes d'exportation d'autre part, n'a pas manqué de détériorer les ratios de solvabilité et de liquidité comme l'indique le tableau n° 15.

Tableau n° 15 : Evolution des ratios de solvabilité et de liquidité.
Années Stock de la dette % PIB Stock de la dette % Exportations Intérêts % Exportations
1970 n.c n.c 1
1971 n.c n.c 2,7
1972 n.c n.c 3,7
1973 n.c n.c 4
1974 37 92 4
1975 38 120 4
1976 54 170 6
1977 57 182 6
1978 57 215 8
1979 60 189 10
Source : Construit à partir des tables de la dette (1991) et du mémorandum (1987) de la Banque Mondiale

Le ratio de solvabilité, rapport du stock de la dette au PIB, passe de 37 à 60 % en cinq ans. Celui de la liquidité, rapport du stock de la dette aux recettes d'exportations, connaît une vive augmentation qui le porte de 92 % en 1974 à 215 % en 1978 pour fléchir à 189 % en 1979 sous l'effet du second "choc pétrolier". Force est de remarquer que la détérioration est très rapide.

En utilisant les critères de la Banque Mondiale, l'Algérie paraît lourdement, modérément ou peu endettée selon que l'on retiendra respectivement le ratio de solvabilité, de liquidité ou celui qui rapporte les intérêts aux recettes d'exportations. Un débiteur se trouve dans le premier cas si le ratio de solvabilité est supérieur à 50 %. Ce qui est le cas pour l'Algérie. L'endettement est dit modéré si le ratio de liquidité est compris dans la fourchette de 165 et 275 %. La grandeur du troisième ratio fait de l'Algérie un pays peu endetté puisqu'il reste inférieur à la norme de 12%.127

Quelle signification réelle peut-on donner à ces ratios ? Seuls les deux derniers peuvent révéler l'ampleur de la contrainte financière extérieure du pays débiteur puisqu'ils expriment directement sa capacité en devises à honorer les remboursements dus au titre de sa dette extérieure. Cette contrainte financière peut varier amplement d'une année à l'autre. Nous avons déjà vu quels sont les facteurs qui la déterminent dans la première partie. L'élément central est constitué par les recettes d'exportations et leur pouvoir d'achat et dont on connaît l'extrême instabilité du fait qu'elles se rapportent encore essentiellement à des matières premières pour la majorité des pays en voie de développement. Toutes choses égales par ailleurs, la variation des recettes d'exportation influencent en sens inverse les deux ratios en question.

Dans le cas de l’Algérie, le problème est encore plus préoccupant puisque l'on s'est progressivement acheminé vers la quasi mono - exportation. Les recettes dépendent essentiellement du prix des hydrocarbures. La spécialisation post- indépendance de l'Algérie a rapidement exclu les autres produits de la structure des exportations. Le poste "boisson et alimentation", vigoureux jusqu'au début de la décennie soixante-dix, avec 20 % des exportations totales, ne représente plus que 1 % du total en 1979. Dans le même temps, la part des hydrocarbures est passée de 73 à 98 %128.

En ajoutant à cela le fait que les exportations en termes réels ont relativement stagné, on est obligé de conclure que l'Algérie fait dépendre volontairement la charge de son endettement du seul prix des hydrocarbures. Compte tenu de la vulnérabilité liée à ce prix, on ne voit pas comment l'Algérie pourrait, dans une conjoncture moins favorable sur le marché des hydrocarbures, mobiliser les moyens financiers nécessaires pour régler le service de sa dette.

Notes
126.

Les calculs ont été effectués à partir des annexes A.1 et B.1.

127.

Banque Mondiale : Document sans référence cité par P.A. BENNETOT, La dette du Tiers-Monde, mécanismes et enjeux, Les études de la documentation française 1991, p. 63

128.

Ministère de la Planification et de l'Aménagement du Territoire : séries statistiques 1967-1982.