Nous partirons de la définition utilisée par la Banque Mondiale dans les tables de la dette. Elle distingue les transferts nets liés à la dette des transferts nets tout court lesquels prennent en considération les flux liés à la dette et à l'investissement.
Pour obtenir les transferts nets sur la dette, on comptabilise les éléments suivants : mobilisation (dette à long terme y compris FMI) - Principal (dette à long terme y compris FMI) + Flux net sur la dette à court terme - Intérêts sur la dette (à court et long terme y compris FMI).
L’exemple suivant permet de saisir la structure du calcul des transferts nets effectués en 1990 par l'Algérie au titre de sa dette extérieure :
La notion de transferts nets tout court élargit le champ aux flux générés par l'investissement mais ignore ceux liés à la dette de court terme et les opérations avec le Fonds Monétaire International. Pour connaître les transferts nets effectués à ce titre par l'Algérie en 1990, il suffit de retrancher donc des montants précédents les flux de la dette à court terme, les opérations avec le Fonds Monétaire International et d'y ajouter ceux qui sont liés à l'investissement. Les chiffres à prendre en considération sont les suivants :
Le transfert net est obtenu par la différence entre le flux net de ressources et les intérêts augmentés des profits rapatriés. On peut donc écrire que le transfert net est égal à :
(6.936 - 6.781 + 0 + 0 + 45) - (1.784 + 152) = - 1.736 millions de dollars.
Le tableau n° 18 permet d'apprécier l'effort consenti par l'Algérie pour se désendetter durant la période couvrant le plan quinquennal.
1980 | 1981 | 1982 | 1983 | 1984 | |
(1) Solde de la balance des biens et services non facteurs | 1.198 | 1.083,5 | 867,7 | 964,1 | 1.258,3 |
(2) Transfert net sur la dette | - 685 | - 1.174,4 | - 1.946 | - 1.205 | - 950 |
(3) Transfert net | - 830 | n.c | - 2.504 | - 1.620 | - 1.134 |
(4) (2) / PIB % | - 1,7 | - 2,6 | - 4,4 | - 2,5 | - 1,9 |
(5) (3) / PIB % | - 2 | n.c | - 5,7 | - 3,4 | - 2,2 |
(6) (2) / Import % | - 5,3 | - 8,3 | - 4,8 | - 9,6 | - 7,7 |
(7) (3) / Import % | - 6,5 | n.c | - 19,1 | - 12,9 | - 9,2 |
Source : Construit à partir des tables de la dettes (1991) et du Mémorandum (1987) de la Banque Mondiale. |
Exprimés en pourcentage du PIB ou des importations de biens et services, le poids des transferts révèle l'effort que doit consentir tout débiteur au profit de l'étranger. Le poids des seuls transferts liés à la dette varie dans une fourchette de 1,7 à 4,4 % du PIB et de 5,3 à 14,8 % des importations de biens et services. L'effort est encore plus important quand on considère les transferts nets tout court. Pour l'année 1983, ils ne représentent pas moins de 5,7 % du PIB et 19,1 % des importations de biens et services.
Un tel effort n'a été possible que grâce une forte décélération du PIB et des importations qui ne croissent, en termes réels, plus qu'à raison de 4,7 % et 3,3 % respectivement contre 7,6 pour le premier et 10,6 % pour les secondes durant la décennie soixante-dix (cf. annexe n°B.2 et tableau n° 13).
Pour que cet effort se traduise réellement par un transfert au profit de l'étranger, il faut qu'il revête la forme appropriée à savoir celle d'un surplus exportable. Les excédents de la balance des biens et services, certes importants, ne sont pas en mesure, exception faite de 1980 et 1984, de couvrir les dépenses liées aux transferts. Ce qui accroît la pression sur les importations et pousse à faire usage des réserves de change.
Le tableau n° 19 indique que l'Algérie a utilisé dans une forte proportion ses réserves de change pour se désendetter.
1979 | 1980 | 1981 | 1982 | 1983 | 1984 | |
Réserves internationales Accroissement en % |
2.915 - |
4.022 + 38 |
3.922 - 2,5 |
2.638 - 32,7 |
2.085 - 21 |
1.656 - 20,6 |
Réserves de changes Accroissement en % |
2.518 - |
3.546 + 40,8 |
3.421 - 3,5 |
2.129 - 37,8 |
1.593 - 25,2 |
1.191 - 25,2 |
Réserves internationales en mois d'importations | 3,2 | 3,5 | 3,4 | 2,4 | 1,9 | 1,6 |
Source : Construit à partir du Mémorandum (1987) de la Banque Mondiale. |
L'Algérie a complété ses excédents sur les échanges de biens et services par un usage des réserves de change. Après avoir augmenté de plus de 40 % au lendemain du second "choc pétrolier", elles ont connu une importante baisse qui les a conduites en 1984 à 1/3 seulement de leur niveau de 1980. En mois d'importations, elles ne représentent plus que 1,6 contre 3,5 pour les mêmes années.
Le résultat de cet effort fût un désendettement effectif. Le stock de la dette a baissé de 1/5 environ entre 1979 et 1984 puisqu'il est passé de près de 20 milliards de dollars à moins de 16 (cf. Annexe n°A. 1). Les paiements au titre des transferts nets ont été rendus possibles par :
un freinage de l'expansion économique durant la période quinquennale afin de combler les restes à réaliser et résoudre les problèmes liés à l'absorption de l'investissement massif de la décennie précédente ;
une mise à profit de la haute conjoncture sur le marché des hydrocarbures.
Il s'agit d'un désendettement par anticipation au non de l’indépendance économique comme le soutient M.E BENISSAD131. Cette hypothèse nous semble, en effet, soutenable si l'on tient compte des critères de solvabilité. Les termes de l'échange et la balance courante se sont globalement améliorés pour la période. Des remboursements par anticipation offraient, à l'époque, les avantages suivants :
une dévalorisation de la dette exercée par l'effet des termes de l'échange qui restaient favorables et dont le niveau était influencé par le prix du pétrole et/ou le taux de change du dollar qui était la monnaie quasi exclusive des recettes alors que les paiements s'effectuaient plutôt en monnaies européennes. Sur la base de 1975, l’indice des termes de l’échange se situait autour 200 entre 1980 et 1983132. La structure, par monnaies, de la dette offrait l'avantage d'une diminution de la charge réelle de la dette, du moins pour sa partie libellée dans les devises autres que le dollar et dont la part dans le total était de plus de 55 %133. Exprimé en deutch Mark, en Franc français et en Lire italienne, l'indice du cours du dollar, sur la base de 1980, passait à 175, 238 et 240 respectivement134 ;
dans une période marquée par la hausse des taux d'intérêts réels sur le marché financier international, les pouvoirs publics ont préféré le désendettement pour ne pas devoir supporter le coût élevé d'un endettement supplémentaire d'autant plus que ce dernier ne semblait pas nécessaire compte tenu du ralentissement de l'activité économique.
Il est évident que cette politique de désendettement a influencé à la hausse le ratio du service de la dette lequel est passé de 24 % en 1979 à 38 % en 1984 alors que les recettes d'exportations de biens et services s'étaient stabilisées à un niveau proche de 14 milliards de dollars (cf. Annexe n°A. 1). Le ratio du service de la dette, certes élevé, pouvait être relativisé. Une fois tous les autres paiements réglés, le niveau des ressources disponibles restait important pour approvisionner l'appareil productif et la population.
M.E. BENISSAD : La réforme économique en Algérie, OPU Alger 1991, p. 104.
CNUCED : Rapports sur le commerce international et le développement de 1953 à 1985.
Banque d'Algérie : Document 1992.
Les calculs ont été effectués sur la base des données du bulletin statistique des Nations Unies
d'octobre 1985.