Après une brève et relative absence, l'Algérie fait sa réapparition sur les marchés financiers. Le tableau n° 20 permet d'apprécier l'importance des besoins de financement de l'Algérie.
1985 | 1986 | 1987 | 1988 | 1989 | 1990 | |
Balance courante | + 1.038 | - 2.230 | 141 | - 2.044 | - 1.081 | + 1.421 |
Service de la dette dont : |
5.041 | 5.185 | 5.481 | 6.564 | 7.530 | 9.501 |
Principal | 3.504 | 3.585 | 3.846 | 4.481 | 5.506 | 7.351 |
Engagements | 3.179 | 6.090 | 9.625 | 10.401 | 8.800 | 8.429 |
Mobilisations | 3.991 | 4.609 | 4.684 | 6.492 | 6.825 | 7.291 |
Source : Banque Mondiale, tables de la dette 1991 et 1993 et Banque d'Algérie, rapport 1993. |
La balance courante est passée brutalement d'un excédent de 1.038 millions de dollars en 1985 à un déficit de 2.230 millions l'année suivante. Exception faite de l'année 1987 durant laquelle l'Algérie s'est imposée un léger excédent grâce à une compression drastique des importations135, il a fallu attendre 1990 pour voir réapparaître un solde positif. Ce dernier a été le fait d'une remontée du prix du pétrole consécutive au conflit du Golfe.
Le service de la dette passe, dans le même temps, de 5.041 millions de dollars en 1985 à 9.500 en 1990. Les remboursements au titre du principal ont plus que doublé entre le début et la fin de la sous - période. Leur montant est passé de 3.504 millions de dollars à 7.351 pour les mêmes années. En conjuguant ces montants aux résultats de la balance courante, on comprend pourquoi l'Algérie a eu tendance à mobiliser des emprunts de plus en plus importants. Ces derniers marquent un bond particulièrement important à partir de 1987 en raison de la hausse du service de la dette et de celle, plus relative, des importations.
Le stock de la dette s'accroît rapidement. De 18.400 millions de dollars en 1985, il passe à près de 23.000 en 1986, 26.775 en 1988 et 29.794 en 1990, soit à près de 1,9 fois par rapport à son niveau de 1984 (cf. annexe n° A. 1). Le ratio du service de la dette passe, dans le même temps, de 34 % en 1985 à 56,7 en 1986, 76,6 en 1988 et 68,5 en 1990. L'importante hausse de ce ratio est due à une baisse drastique des recettes d'exportations de biens et services qui ne se rétabliront à leur niveau de 1984 qu'en 1990 (cf. annexe n° A. 1).
Le raccourcissement des délais de maturité de la dette est l'autre élément qui a pesé lourdement sur le service de la dette et son ratio. Selon H. NACER, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, la durée moyenne du total des engagements mobilisés est passée de 9,3 ans en 1986 à 3,5 ans en fin de 1989136. La structure des nouvelles mobilisations est dominée par les crédits commerciaux qui alourdissent indirectement la charge de la dette par les frais et commissions(swetners) introduits dans le coût des importations.
Le tableau n° 21 révèle les changements intervenus dans la structure des mobilisations. Il permet de dresser les constats suivants :
la réaction des milieux financiers ne s'est pas fait attendre. Elle est aussi brutale que le "contre - choc pétrolier". De près de 42 % du total en 1986, la part des crédits financiers passe à 13,19 seulement l'année suivante et devient négligeable en fin de période. Cette méfiance des milieux financiers montre à quel point le prix du pétrole pèse sur l'appréciation du risque "Algérie" ;
1985 | 1986 | 1987 | 1988 | 1989 | 1990 | |
Crédits multilatéraux | 4,64 | 5,34 | 6,24 | 8,59 | 7,22 | 9,66 |
Emissions obligataires | 2,10 | 2,07 | 1,21 | 7,67 | 3,81 | 0 |
Crédits gouvernementaux Bilatéraux | 18,23 | 12,89 | 23,76 | 22,83 | 15,01 | 23 |
Crédits commerciaux dont : |
38,23 | 38,12 | 54,18 | 50,97 | 8,92 | 63,68 |
- Acheteurs | 25,15 | 28,30 | 29,38 | 28,76 | 32,52 | 48,05 |
- Fournisseurs | 13,08 | 6,91 | 10,81 | 7,43 | 11,51 | 6,05 |
- Autres | 0 | 2,91 | 14,34 | 14,77 | 14,89 | 9,59 |
Crédits financiers | 25,70 | 41,58 | 13,19 | 8,65 | 3,12 | 1,99 |
Autres crédits | 0,51 | 0 | 1,22 | 1,30 | 11,93 | 1,65 |
Total | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Source : Banque d'Algérie, Document 1993. |
on peut noter, enfin, un net rapprochement de l'Algérie des institutions multilatérales en fin de période. La part des crédits reçus de ces institutions passe à 9,66 % du total en 1990 contre 4,64 % en début de période. Le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale ont affiché leur soutien aux réformes entreprises par l’Algérie dès 1989.
La structure des nouveaux emprunts n'a pas manqué d'influencer à la hausse le service de la dette et son ratio. Le tableau n° 22 donne la structure par échéance des nouveaux emprunts.
1985 | 1986 | 1987 | 1988 | 1989 | 1990 | |
1) ] 1 à 2] ans | 0,36 | 5,12 | 22,81 | 22,34 | 27,41 | 21,57 |
2) ] 2 à 3] ans | 1,05 | 3,61 | 13,42 | 25,76 | 24,86 | 26,90 |
3) ] 3 à 5] ans | 13,08 | 7,21 | 10,83 | 11,97 | 28,46 | 18,96 |
4) ] 5 à 7] ans | 21,62 | 19,47 | 11,40 | 15,53 | 3,58 | 6,80 |
5) ] 7 à 10] ans | 34,09 | 48,10 | 28,30 | 19,25 | 10,55 | 8,24 |
6) Plus de 10 ans | 29,69 | 16,50 | 13,25 | 5,14 | 5,13 | 17,54 |
7) ] 1 à 3] ans | 1,41 | 8,73 | 36,23 | 48,10 | 52,27 | 48,47 |
8) ] 1 à 5] ans | 14,60 | 15,94 | 47,05 | 60,07 | 80,74 | 64,43 |
9) Plus de 5 ans | 85,40 | 84,06 | 52,95 | 39,93 | 19,26 | 32,57 |
1+2+3+4+5+6 = 8 + 9 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Source : Banque d'Algérie, Document 1993. |
Le raccourcissement des délais de maturité est le processus par lequel la dette s'est progressivement autonomisée de l'investissement. Compte tenu du temps que ce dernier requière, sa réalisation devient de moins en moins compatible avec la nature des crédits extérieurs dont les délais de remboursement deviennent de plus en plus courts. Les nouvelles mobilisations ont pour but essentiel d'approvisionner la population et de maintenir à un niveau minimum le fonctionnement de l'appareil productif.
La dette à long terme (plus de 7 ans) ne représente plus que 25 % en fin de période contre 60 à son début. A l'opposé, les emprunts avec une maturité inférieure à trois ans, non compris les crédits à moins d'un an, voient leur part passer de 1,41 % en 1985 à plus de 48 % en 1990.
Les délais de plus en plus courts vont influencer le service de la dette à la hausse et conduire l'Algérie à une situation "d'étranglement" financier. Le ratio du service de la dette dépasse la barre de 50 % dès 1986 pour atteindre 76,6 % et 71,8 % les deux années suivantes. Les difficultés de couvrir les besoins de financement poussent les pouvoirs publics à parer au plus pressé en mobilisant les moyens disponibles, sans se préoccuper de leurs conditions, et à pratiquer un ajustement récessif.
Selon le rapport 1993 de la Banque d'Algérie, les importations en prix de 1980 sont passées de
39.895,8 millions de dinars en 1986 à 29.621,3 en 1987, soit une diminution de près de 26 %.
H. NACER : Financement extérieur de l'économie algérienne in Algérie Actualité (Hebdoma-
daire) n° 1305 du 18 au 24 octobre 1990.