3.3.1 - Le scénario de la Banque d'Algérie.

La Banque d'Algérie retient les mêmes montants qu'il s'agisse d'un rééchelonnement classique ou d'un refinancement bilatéral afin de comparer la structure des nouvelles échéances qui en résulteraient.

L'allégement des crédits fournisseurs et acheteurs garantis, négociable avec le Club de Paris dans le cadre d'un rééchelonnement classique, concerne des montants qui totalisent 2.265 millions de dollars dont 1.600 pour 1991 et 665 pour le premier semestre de 1992. Le remboursement se ferait sur une période de dix ans après une période de cinq années de grâce156.

Pour les crédits financiers, on envisageait une consolidation sur deux années (1991 et 1992) avec un remboursement s'étalant sur douze années après une période de grâce de cinq années. Les montants retenus étaient de 1.000 millions de dollars pour 1991 et de 830 millions pour 1992157.

Selon ce scénario, il était possible de libérer 4.095 millions de dollars dont 2,6 pour l'année 1991 et 1.495 pour la suivante. Selon que l'on retient l'hypothèse d'un rééchelonnement classique ou celle d'un refinancement bilatéral, les effets sur les besoins de financement, le ratio du service de la dette et le stock de la dette seraient différents.

Les chiffres des tableaux qui suivent permettent de comparer directement les évolutions anticipées par les deux scénarios.

Tableau n° 25 : Evolution de la balance commerciale (1990/2000) (en millions de dollars).
Années Export hydrocarb.
(1)
Autres exportations
(2)
Total
(1) + (2)
Import de biens et services Balance commerciale
1990 10.015 800 10.815 10.000 815
1991 11.278 1.000 12.278 11.500 778
1992 14.680 1.124 15.804 13.225 2.579
1993 15.047 1.286 16.333 15.209 1.125
1994 13.380 1.473 14.853 16.273 - 1.421
1995 14.718 1.686 16.404 17.412 - 1.008
1996 15.454 2.040 17.494 19.154 - 1.660
1997 16.999 2.469 19.468 21.069 - 1.601
1998 18.699 2.987 21.686 23.176 - 1.490
1999 22.439 3.614 26.053 25.495 + 559
2000 26.927 4.373 31.300 29.446 1.854
Source : HADJ NACER A.R , op. cité, p. 11.
Tableau n° 26 : Evolution des besoins de financement en millions de dollars et du ratio du service de la dette (1990/2000).
Statu-quo Rééchelonnement Rééchelonnement
coupon-zéro
Années Besoins de financement Service de la dette en % export. Besoins de financement Service de la dette en % export. Besoins de financement Service de la dette en % export.
1990 6.093 74,6 6.093 74,6 6.093 74,6
1991 7.164 64,9 4.564 43,8 4.900 46,5
1992 4.919 50,7 3.787 43,5 2.396 34,8
1993 5.659 45,3 6.325 49,4 3.568 32,5
1994 7.297 46,9 8.512 55,1 6.388 40,4
1995 7.282 46,6 8.620 54,7 6.318 40,7
1996 8.321 46,8 9.755 55 7.368 41,3
1997 8.759 45,7 10.322 53,8 7.806 40,9
1998 9.146 44,3 10.834 52,1 8.200 40
1999 7.533 39,4 9.341 46,4 6.602 36
2000 6.052 33,1 7.875 38,9 5.199 30,4
Source : HADJ NACER. A.R , op. cité, p. 11
Tableau n° 27 : Evolution de la dette totale moyen et long termes (1990/2000) en millions de dollars.
Années Statu quo Rééchelonnement Rééchelonnement
coupon-zéro
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
23.693
24.934
23.986
24.314
26.748
28.681
31.265
33.711
36.162
36.463
35.222
23.693
24.934
23.986
24.314
26.748
28.681
31.265
33.711
36.162
36.463
35.222
23.693
23.328
21.280
21.147
23.807
25.984
28.833
31.625
34.324
34.957
34.077
Source : HADJ NACER. A.R , op. cité, p.11.

La lecture des tableaux n° 25, 26 et 27 permettent de faire les commentaires suivants :

  • le scénario recherchait à mettre en évidence le caractère conjoncturel de la crise financière algérienne (tableau n° 27). Dans l'hypothèse d'un statu quo, le ratio du service de la dette a déjà atteint son maximum à la fin de 1990 (date de la publication du scénario). Il resterait cependant contraignant pour 1991 et 1992 puisqu'il absorberait près de 65 % des recettes d'exportation pour la première et 51 % pour la seconde. La projection faisait état d'une baisse continue de ce ratio à partir de 1994 et ce, malgré l'accroissement continu jusqu'à 1998 des besoins de financement. Cela devenait possible pour les auteurs de ces chiffres grâce à une augmentation des recettes d'exportation. Celles qui concernaient les seules hydrocarbures devaient enregistrer une hausse de 47 % en 1992 par rapport à 1990. Une hypothèse très proche était retenue pour les exportations hors hydrocarbures ;

  • le rééchelonnement procurerait une bouffée d'oxygène durant les deux années de 1991 et 1992 seulement (tableau n° 26). A partir de 1993, les besoins de financement et le ratio du service de la dette augmenteraient plus vite qu'ils ne le feraient dans une situation de statu quo et plus vite encore après la fin de la période de grâce. Si ce n'était l'étranglement des deux premières années, il eût été préférable de ne rien entreprendre d'après ce scénario ;

  • la stratégie du refinancement adossée à des " coupons-zéro" était donnée pour être la meilleure. Exception faite de l'année 1991, cette option présentait des avantages en ce qui concerne les besoins de financement de la dette et le stock de la dette. Il s'agit d'un montage financier complexe par lequel le débiteur échange des titres contre des créances. Ces titres présentent l'avantage d'être plus liquides pour les banques que les créances et d'être négociables à l'insu de leur émetteur. Ils sont garantis par un gouvernement d'un pays industriel. Ce qui donne l'assurance aux banques d'être remboursées à l'échéance. Le Mexique a pu échanger 2,56 milliards d'obligations contre 3,66 milliards de créances. Il était obligé d'acheter des "coupons-zéro" pour 0,533 milliards remboursables à 2,56 milliards à l'échéance158.

La mise en oeuvre du scénario retenu a débouché sur deux contrats de refinancement bilatéraux d'un montant global de 3.600 millions de dollars environ dès le printemps de 1991159. Le premier consiste à refinancer le principal d'un prêt syndiqué, avec comme chef de file le Crédit Lyonnais, de 1.457 millions de dollars. Seuls les amortissements du principal venant à échéance entre le 1er octobre 1991 et le 31 mars 1993 sont concernés. Le second concerne le refinancement de 2.100 millions de dollars en principal et intérêts dus aux crédits à l'exportation, garantis par la société italienne d'assurance des crédits à l’exportation (SACE) pour le compte du gouvernement italien et venant à échéance entre le début de 1991 et la fin de 1994160.

Le premier accord pour lequel nous disposons d'informations prévoit deux tranches. La première (A) concerne les crédits ayant une maturité d'au moins deux ans. Elle refinance un montant de 1.234 millions de dollars. La nouvelle échéance est de 8 ans avec trois années de grâce assortie d'une condition LIBOR + 1,5 %. La seconde (B) refinance les échéances dont la durée est comprise entre 12 et 24 mois. Une échéance de 223 millions de dollars est prolongée à 8 ans après 3 années de grâce. L'accord retient la condition du LIBOR + 1,375 %161.

Les ressources libérées par ces deux accords allaient se révéler bien insuffisantes eu égard au service de la dette dont le ratio dépassera 75 % dès 1992. L'écart entre les chiffres réels et ceux prévus par le scénario de refinancement suggère que l'on s'interroge sur les limites de ce dernier.

Notes
156.

HADJ NACER. A.R. op. cité, p.11

157.

Idem.

158.

PH. A. BENNETOT : La dette du Tiers Monde, mécanismes et enjeux. Les études de la

documentation française 1991, p. 108.

159.

Banque Mondiale : La transition vers une économie de marché, Septembre 1993, p.

160.

Banque Mondiale : Document M/bp/ALG/STRAT du 17.06.1992, p. 8.

161.

Idem.