1.1.1 - Genèse et détermination de la rente foncière.

Le rôle de la demande, dans le raisonnement de RICARDO, est bien mis en évidence par la croissance de la population dont la satisfaction des besoins additionnels ne peut être obtenue que s'il y a extension des cultures aux terrains moins fertiles et/ou par intensification du travail sur les anciens terrains186. Il en ressort tout naturellement qu'un capital additionnel, de même grandeur, utilisé dans l'agriculture donne un produit en diminution.

L'existence des rendements décroissants, conjuguée à la pression de la demande sur les biens agricoles, pose le problème du prix de ces derniers. Les coûts de production étant différents sur chaque terrain, quel est le prix qui va s'imposer sur le marché et le réguler par conséquent ? La réponse est évidente. Le dernier terrain ou la dernière dose de capital - travail, nécessaire pour satisfaire la demande additionnelle, est bien celui ou celle qui régulera le marché par le prix qui s’y imposera et qui sera égal aux frais de production augmentée du profit ordinaire sans quoi aucun capital n'accepterait de se valoriser sur ce dernier terrain. Ainsi, le principe qui veut que le blé soit vendu à un même prix sur un même marché fait que tous les terrains non marginaux dégagent un surplus après que leur produit ait payé le profit ordinaire et les salaires. Ce surplus est appelé rente foncière. Elle est différentielle car elle naît de la différence de productivité des différents terrains. Son taux et son volume diffèrent d'un terrain à l'autre en vertu du même principe. La dernière terre dégage un produit juste suffisant pour rémunérer les profits et les salaires. Elle ne produit pas de rente187.

Ce bref exposé montre que la rente foncière, dans l'esprit de RICARDO, est un phénomène économique objectif né des évolutions divergentes de la population et des rendements d'une part, et de l'existence d'une économie où s'impose, grâce à la concurrence, l'unicité de rémunération des biens et des facteurs de production d'autre part. La propriété foncière n'est que la base juridique de l'appropriation de la rente foncière. Les conditions de monopole prennent toute leur signification chez D. RICARDO du moment que les terres à cultiver sont rares et que les possibilités, comme dans l'industrie, d'emploi du capital sont aussi rares188.

Plus importante est, chez D. RICARDO, l'analyse de la rente dans la répartition.

Notes
186.

On pourrait faire la différence entre rente intensive et rente extensive sans que cela change

quoi que ce soit au raisonnement de Ricardo. L'essentiel est que chaque portion additionnelle de capital-travail donne un produit décroissant.

187.

Ricardo écrit : Si les terres étaient illimitées et si leur qualité était égale, « ... La valeur échangeable de leurs produits serait réglée comme celle des autres denrées par la somme du travail nécessaire à leur production et à leur transport jusqu'au lieu de la vente". Ouvrage op. cité, p. 62. IL poursuit à la page 66 : "La valeur du blé se règle d'après les quantités de travail employé à le produire sur les dernières qualités de terrains ou d'après cette portion de capital qui ne paie pas de rente ».

188.

A la page 63 du même ouvrage, précédemment cité, D. Ricardo écrit : "Le blé ne renchérit pas,

parce qu'on paie une rente ; mais c'est au contraire parce que le blé est cher que l'on paie une

rente ; et l'on a remarqué, avec raison, que le blé ne baisserait pas, lors même que les proprié-

taires feraient l'entier abandon de leur rente. Cela n'aurait d'autre effet que de mettre quelques

fermiers dans le cas de vivre en seigneurs...".