2.1.1 - Les rentes différentielles.

Les rentes différentielles tiennent leur existence au fait que l'on ‘"fabrique des produits homogènes tels l'essence, le fuel, le gasoil, à partir de sources différentes et selon des procédés différents"’ 217. Le processus de transformation ou de marchandisation du pétrole est donc celui d'une homogénéisation. On sait que le principe de l'unicité du prix serait une hypothèse difficile à soutenir si l'on ne postule pas l'homogénéité de la marchandise. Pour livrer une marchandise donnée, dans notre cas, on part de différents bruts possédant donc des attributs différents auxquels il faut appliquer des techniques plus ou moins efficientes pour obtenir un produit satisfaisant à une utilité donnée.

A chaque stade, y compris celui de l'extraction, les coûts de production diffèrent en fonction des diverses situations. De cette différence apparaissent des rentes différentielles pour les producteurs qui opèrent dans les meilleures conditions et ce quel que soit le ou les stades auxquels ils se situent. On dénombre des rentes de qualité, de position, minière et technologique218.

La rente de qualité tient au fait que les pétroles bruts présentent une densité, mesurée au degré API, et une teneur en souffre différentes. Une plus grande densité valorise le brut alors qu'une plus grande présence de souffre induit des coûts supplémentaires pour l'en débarrasser. Par rapport à une référence donnée, un brut donné peut donc se valoriser au - dessus ou en dessous en fonction de sa densité et de sa teneur en souffre.

Les coûts de transport sont d'autant plus bas que les gisements sont proches des centres de consommation. Le différentiel de coût permet de bénéficier d'une rente de position au titre de la proximité géographique.

La rente minière consiste dans la différence des coûts d'extraction. Deux bruts semblables peuvent être extraits, toutes choses égales par ailleurs, à partir de profondeurs différentes et donner lieu à des débits différents.

Enfin, le processus de marchandisation du pétrole implique l'utilisation de technologies différentes (efficience et taille). Les différences de coût qui sont liées à leur utilisation donnent lieu à des rentes technologiques à tous les stades.

La rente différentielle totale se compose donc des différents éléments ci-dessus lesquels peuvent s'ajouter totalement, partiellement ou s'annuler. Remarquons, par ailleurs, qu'il est difficile, en pratique, d'identifier le producteur marginal compte tenu de l'existence des différentes formes de la rente différentielle.

Ajoutons que dans une approche marxiste traditionnelle, la rente différentielle a pour contrepartie la plus-value extorquée au reste des sphères de l'économie puisque le prix de production des produits pétroliers est supérieur à la valeur socialement nécessaire pour les produire. Le surprofit est délimité par le coût moyen total augmenté du profit moyen et le prix de production individuel régulateur, résultant des conditions de marchandisation les moins efficientes. La rente différentielle, étant donnée, son appropriation, mettra en opposition des Etats producteurs et le capital pétrolier puisque toute augmentation de la part de l'un viendrait nécessairement en diminution de celle de l'autre. Tout dépend de la position de chacun d'eux aux différents stades allant de l'extraction à la distribution.

Notes
217.

Idem, p. 241.

218.

Nous avons adopté, sans remarques préalables, la classification des différentes formes de la rente différentielle telles que dégagées par J.M. Chevalier (article op. cité, p. 241). On peut adopter une classification, comme le fait J.P. Angelier, de telle façon à retrouver les rentes différentielles I et II de K. Marx. Les rentes minière et de qualité appartiennent à la première catégorie alors que les rentes de position et technologiques appartiennent à la seconde (ouvrage op. cité, p. 34).