Conclusion du chapitre.

La discussion du concept de rente nous a permis de comprendre quelle est la nature de ce revenu. Le rapport de force qui a et continue d'opposer les pays producteurs et les autres prétendants ne doit pas nous faire oublier cette nature. Sur la base de la propriété juridique qu'ils exercent sur leur sous-sol, les Etats propriétaires sont devenus avec le temps des Etats - producteurs et s'accaparent, de fait, une rente importante. Il est délicat de préciser l'origine en termes d'espace de cette dernière. L'essentiel à retenir est qu'elle est prélevée sur l'activité économique mondiale hors hydrocarbures. Elle est le résultat de l'exploitation des ressources du sous-sol selon le mode de valorisation du capital. A ce titre, elle doit revenir aux propriétaires légaux.

La problématique qui guide nos préoccupations n'est pas tant le mode de prélèvement et du partage de la rente que celui de son utilisation pour le développement. En se dotant d'un schéma de développement, l'Algérie entreprend de s'industrialiser grâce au financement direct et indirect qu'apporte et/ou permet la rente.

Ainsi, le secteur des hydrocarbures occupe un rôle "clef" dans ce schéma. Il est à la fois industrialisant et pourvoyeur de devises. De ce fait, il est le premier garant du remboursement de la dette. L'articulation entre la dette et la rente est entrevue comme une nécessité passagère. Elle permet de mobiliser des financements extérieurs importants et de protéger l'économie hors hydrocarbures contre les prélèvements au titre du service de la dette. En ajoutant à cela le fait que les prix de l'énergie consommée localement ont été maintenus à un niveau très bas, on peut avancer que la politique poursuivie consistait à faire émerger rapidement un surplus hors hydrocarbures, seule manière de s'assurer un financement stable de l'accumulation. On peut raisonnablement avancer que la captation de la rente et l'endettement sont articulés, dans l'esprit des pouvoirs publics algériens, à une logique de développement qui, à terme, devrait permettre de se passer de l'une et de l'autre. C'est le processus de transformation de la rente et de la dette en système productif qui caractérise le plus, à notre avis, l'expérience algérienne de développement.

On peut ainsi penser que dans le contexte international favorable à l’Algérie (au début des années 70), la stratégie d’industrialisation accélérée financée par endettement net, donc bien au - delà du prélèvement dont bénéficiait le pays, pouvait être conçue comme un moyen de hâter l’après - pétrole. Le but aurait été de relâcher la pression qui devait peser ultérieurement sur le secteur des hydrocarbures. Le problème est que cette stratégie ne s’est nullement accompagnée de l’émergence d’une capacité d’exportation nette hors hydrocarbures. Bien au contraire, cette stratégie a produit l’effet contraire à celui escompté. Le pays s’est enfermé dans le piège de la dette. Le chapitre suivant nous permettra de mieux apprécier cette dynamique.