2.2.1 - Investissement et recettes d'exportation des hydrocarbures.

Ayant un fort contenu en importation, l'investissement dépend, pour son financement, directement des recettes d'exportation. Afin de répondre à notre souci qui consiste à saisir la relation entre la rente et l'accumulation, seules les exportations d'hydrocarbures seront considérées dans ce qui suit. Le tableau n° 35, qui donne en valeur courante la progression comparée de l'investissement et des exportations d’hydrocarbures, permet d’apprécier la forte dépendance du premier à l’égard du second.

Tableau n° 35 : Evolution des exportations d'hydrocarbures et de l'investissement en millions de dinars courants.
Années Exportations d'hydrocarbures
(1)
Investissement brut
(2)
1/2 %
1970 3.505 8.160,4 42,95
1971 3.149 8.342,2 37,75
1972 4.815 9.811,3 49,08
1973 6.296 12.417,5 50,70
1974 17.953 16.964,4 105,83
1975 16.480 23.975 68,74
1976 20.363 31.358,1 64,94
1977 23.623 38.433,4 61,46
1978 24.170 50.789,7 47,59
1979 35.943 50.374,6 71,35
1980 52.383 54.880,8 95,45
1981 60.999 63.044,9 96,75
1982 59.155 71.487,6 82,75
1983 59.420 80.319,6 73,98
1984 61.563 89.500 68,79
Source : Mémorandum Algérie de la Banque Mondiale, 1987.

Du tableau n° 35 se dégagent les tendances suivantes :

  • l'investissement croît à un taux moyen de 15% durant le premier plan quadriennal (1970-1973) et 32,64 % durant le second (1974-1977) contre 21,5 % et 39,18 % pour les recettes des hydrocarbures durant les mêmes périodes. Cette tendance semble se confirmer pour la période allant de 1979 à 1984 puisque le rythme de l'investissement n'est que de 10 % en moyenne contre 17 % pour les recettes d'exportation des hydrocarbures ;

  • ces tendances laissent croire que les moyens de paiements en devises ne font pas défaut. Le rapport des recettes d'exportation à l'investissement ne cesse pourtant de se dégrader entre 1974 et 1978. De 105 %, il passe à 47,59 % seulement pour les mêmes années respectivement. Il faut attendre le "second choc pétrolier" pour voir ce rapport se redresser pour atteindre 96,75 % en 1981, son niveau le plus haut exception faite de l'année 1974 ;

  • passés les pics provoqués par les deux "chocs pétroliers", les recettes d'exportation des hydrocarbures marquent un palier voire une légère baisse alors que l'investissement continue à hausser. La période 1974-1978, durant laquelle le rapport des exportations à celui de l'investissement a connu une forte baisse, est aussi celle d'une forte remontée de la dette extérieure. En cinq années seulement, les mobilisations sont passées de 790 millions de dollars à 4.678. Leurs montants cumulés représentent un peu plus de 11.764 millions de dollars (Annexe A1), soit l'équivalent de 40 % de l'enveloppe financière du second plan quadriennal281 ;

  • le "second choc pétrolier" desserre largement la contrainte des moyens de paiements extérieurs et suggère aux pouvoirs publics de se désendetter dans l'espoir de maintenir, par la suite, le ratio du service de la dette à un niveau supportable sachant que le début des années quatre-vingts voyait venir à échéance les emprunts contractés entre 1975 et 1978 compte tenu des deux ou trois années de grâce. Le ratio du service de la dette atteignait 25 % dès 1979. Les montants du service de la dette oscillent entre 4 et 5 milliards de dollars entre 1982 et 1984, soit à une moyenne qui représente 35 % des recettes d'exportations totales de biens et services.

Les commentaires que nous venons de faire se basent sur des données courantes qui ne distinguent pas par conséquent les effets de volumes de ceux du prix. La même série de chiffre, reconvertie en termes constants, montrera certainement une grande divergence entre les taux de croissance de l'investissement et des exportations.

Comme indiqué au tableau n° 31 de la première section de ce chapitre, l'investissement (accumulation brute de fonds fixes + variation des stocks) a cru en termes réels à un rythme de 15,82 % pour le premier quadriennal (1970-1973) et 16 % pour le second (1974-1977). A l'opposé, les exportations de biens et services n'ont enregistré que des taux de 3 et de 1 % pour les mêmes périodes. Après une légère augmentation de quelque 2,5 milliards de dinars constants en moyenne pour les deux années de pause (1978 et 1979), elles sont revenues à leur niveau habituel, soit entre 21 et 22 milliards de dinars282.

L'écart, très important, entre les taux de croissance réel et nominal des exportations suggère de s'interroger sur l'évolution des termes de l'échange et les effets sur l'accumulation, en général, et l'endettement.

Notes
281.

L'enveloppe financière du second plan a été de 120 milliards de dinars environ. En divisant

par 4,1 qui représente la moyenne des taux de change (dinars pour 1 dollar), on obtient

2.927 millions de dollars, soit 40 % de ladite enveloppe. Les taux de change moyens pour les

cinq années ont été respectivement de : 4,181 ; 3,949 ; 4,164.

282.

Les taux ont été calculés à partir des séries en prix constants (1974) publiées dans le

mémorandum Algérie 1987 par la Banque Mondiale.