2.2.2 - L'évolution des termes de l'échange : une expression de la rente.

L'indice des termes nets de l'échange peut donner lieu à un calcul des gains et pertes à l'échange qu'occasionne le commerce avec le reste du monde. Les résultats de ce calcul ne sauraient, cependant, être confondus avec le surplus dont nous voulons saisir l'importance. Ce mode de calcul reste tributaire du choix de l'année de base et donc des prix de cette même année qui serviront à apprécier les gains et les pertes. Sur une longue période, l'indice des termes nets de l'échange s'avère utile pour donner une idée sur les transferts positifs ou négatifs de pouvoir d'achat du reste du monde vers un pays donné et inversement.

Dans le cas de l'Algérie, devenue progressivement quasi mono-exportateur d'hydrocarbures, l'indice des termes nets de l'échange s'est graduellement réduit au seul prix relatif international des hydrocarbures. Il exprime de fait l'évolution du rapport de force qui s'est engagé entre l'Algérie et ses partenaires pour le partage de la rente. Du point de vue de l'analyse théorique, du moins celle qui s'appuie sur la valeur - travail, la rente est un transfert au titre du monopole sur la propriété foncière. Dans le cas présent, elle est le fait d'un pompage de surplus par l'industrie pétrolière internationale sur les autres secteurs dont l'activité se déploie dans le monde entier. Rien ne permet d'établir l'origine nationale de ce surplus.

Amélioration et dégradation des termes de l'échange pour l'Algérie, titulaire d'une partie de ce surplus dans les deux cas, expriment simplement le mode de partage de la rente. Dans le cas d'une dégradation, il ne peut s'agir que d'un manque à gagner.

Les limites de l'analyse par les termes de l'échange, étant mises en évidence pour le cas qui nous intéresse, il n'est pas inutile d'étudier leur évolution. L'analyse de cette évolution peut être d'un apport précieux pour comprendre la stratégie algérienne de mobilisation de ressources pour financer son accumulation.

Les chiffres du tableau n° 36 doivent être interprétés en tenant compte des réserves suivantes :

Le tableau n° 36 conserve, cependant, l'intérêt d'indiquer les grandes tendances concernant la mobilisation de la rente des hydrocarbures. Le choix de la base sur la moyenne 1970-1972 a été opéré dans le but de montrer quelles ont été les incidences, à court terme, du relèvement brutal du pouvoir d'achat des hydrocarbures sur la politique concernant l'accumulation et son financement dont les effets ne pourront être appréciés qu'à long terme. Rien n'empêche, par ailleurs, de changer de base, à l'intérieur de la série choisie, pour essayer de comprendre la logique des différentes situations qui auraient prévalu. Sur la période allant de 1970 à 1984, on peut observer :

Les résultats, certes discutables, que nous avons obtenus nous laisse réfléchir à ce qui a poussé les pouvoirs publics à entreprendre hardiment une politique d'endettement dès le lendemain du premier "choc pétrolier". On peut supposer qu'ils estimaient que le pouvoir d'achat des hydrocarbures, même entamé entre 1975 et 1978, restait suffisamment haut pour asseoir une solvabilité extérieure et que dans un moyen terme la venue à maturité du système productif desserrerait la contrainte exercée par les importations. Dans ce cas les hydrocarbures serviraient à financer une accumulation capable d'un auto - entretien relatif dans un proche avenir grâce à une libération d'un surplus hors hydrocarbures plus important ; ce qui semble converger avec les principes doctrinaux de départ. Il devenait impérieux pour les pouvoirs publics, forts de cette croyance, de mobiliser des moyens de paiements extérieurs pour éviter la menace que leur pénurie engendrerait sur les ambitieux programmes, déjà en voie de réalisation.

A cela est venue s'ajouter la certitude d'un relèvement prochain du prix réel des hydrocarbures. Ainsi, au fonds monétaire arabe, faisait-on l'hypothèse d'une croissance moyenne de ce prix de 5 % entre 1981 et 1985 et de 10 % en 1985 et 1990. Ce qui le porterait sur la base de 27 dollars en 1979 à 39 en 1985 et à 63 en 1990286. Avec de telles prévisions, réalisées en partie, on postulait au moins une constance des termes de l'échange.

L'évolution constatée et anticipée des termes de l'échange a permis aux pouvoirs publics algériens d'y adosser une politique d'endettement. Une partie de la dette, contractée au lendemain du premier "choc pétrolier", a été remboursée grâce aux recettes du second. Faire des prévisions sur les termes de l'échange pour y adapter une stratégie d'endettement suppose que l'on anticipe correctement le taux d'inflation chez ses partenaires, les variations des taux de change entre les monnaies des recettes et des paiements. Pour être complet, il faut ajouter celles des taux d'intérêts sur les marchés internationaux.

L'ensemble des paramètres dont il est question sont exogènes au débiteur. L'impossibilité de les influencer astreint objectivement le débiteur à la prudence. On ne peut savoir à l'avance qu'elle sera la charge réelle de la dette, au moment du remboursement, même si le taux nominal, au moment de l'engagement, est fixe. La charge réelle de la dette se réduit, dans le cas de l'Algérie, à la quantité d'hydrocarbures qu'il faut exporter.

De l'amélioration des termes nets de l'échange ou du moins de son anticipation, les pouvoirs publics entendaient profiter de la dévalorisation qu'elle exercerait sur la dette pour mobiliser, à l'extérieur, d'importants moyens pour financer un programme ambitieux. Cela est d'autant plus vrai que l'inflation chez les partenaires et la hausse des liquidités internationales, durant la décennie soixante-dix, ont été deux conditions permissives à l'endettement.

Notes
283.

M. MEKIDECHE : Le secteur des hydrocarbures, OPU Alger 1983, p. 234.

284.

A. AYOUB : Le marché - OPEP du pétrole brut et ses conséquences sur les relations entre pays

producteurs, in Revue d'économie politique, mars /avril 1975, p. 267.

285.

Pour le mode de calcul, on peut se rendre utilement aux ouvrages de : a)P. Guillaumont, op.cité

et b) R. SANDRETTO, Rémunérations et répartition des revenus, Hachette, 1994.

286.

Dr. A. SADEQ : Scénarios concernant l'évolution des surplus de l'OPEP (1980-1990), cité par

A. SID AHMED, op. cité, p. 197 et suivantes.