1.2.1 - Le modèle de GREGORY.

On peut saisir l'effet du "dutch disease" grâce à la figure n° 3.

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Figure n°3.

En ordonnée est porté le prix des "traded" (PT) par rapport à celui des "non traded" (PN). Les exportations et les importations sont données en abscisse puisqu'elles dépendent toutes deux du prix relatif des "traded". La hausse de ce dernier permet de dégager une offre accrue à l'exportation et inversement. A l'inverse, les quantités demandées à l'importation haussent quand ce prix baisse et se réduisent dans le cas contraire. Remarquons que le taux de change réel est donné par l'inverse du prix relatif des "traded", soit PN/PT. Autrement dit, une hausse du taux de change a pour effet d'augmenter les importations et faire baisser les exportations. Le phénomène inverse se produirait dans le cas contraire.

L'équilibre de la balance commerciale est donné par l'intersection des courbes d'offre d'exportation et de demande d'importation. Le prix (PO) et les quantités (QO) sont associés à cet équilibre. L'effet d'un "boom" suite à la découverte et à l'exportation d'une ressource minière par exemple, consiste à faire glisser la courbe d'offre d'exportation vers la droite, soit à X1.

Un nouvel équilibre de la balance commerciale s'établit à un niveau plus bas du prix relatif des "traded" (P1). Les changements suivants se sont produits :

  • une hausse globale des exportations qui sont passées de Qo à Q1 ;

  • une baisse égale à Qo Q2 des exportations traditionnelles ;

  • une hausse des importations égale à Qo Q1 réduisant d'autant les importables produits localement.

Au total, les effets d'une augmentation des recettes d'exportation, du fait du "boom", découragent le secteur des "traded" hors "boom" au profit du secteur minier, dans notre cas. Le secteur des "non traded" voit son prix relatif hausser. Quels ont été les ajustements nécessaires pour aboutir à ce nouvel équilibre ?

A prix internationaux constants, le "boom" du secteur exportateur a eu pour effet un excédent de la balance commerciale, excédent qui exerce à son tour une pression à la hausse du taux de change réel. Les importations et les exportations devenant moins chères en monnaie domestique, la demande des premières augmente et l'offre des secondes (hors boom) se réduit jusqu'à ce qu'un nouvel équilibre soit trouvé.

Par souci de clarté, nous n'avons pas porté tous ces ajustements sur la figure n° 5. On peut remarquer qu'au prix PO, donc à demande d'importation inchangée, le "boom" se traduit par un excédent commercial. C'est d'ailleurs une situation qui pourrait décrire une intervention de l'Etat pour maintenir le taux de change réel à son niveau initial pour protéger le secteur des "traded" hors "boom" des effets pervers du "boom". Avec une telle éventualité, l'économie ne pourra pas profiter des recettes d'exportation générées par le boom.

L'économie est alors placée devant deux situations :

  • stériliser les surplus commerciaux en effectuant des placements à l'étranger, seule voie que le schéma semble indiquer pour éviter les distorsions sectorielles qui seront supportées par le secteur des "traded" hors boom au profit du secteur minier et celui des services ;

  • utiliser toutes les recettes d'exportation avec la certitude de voir apparaître les distorsions dont il a été question. Cette utilisation agit comme une prime à l'importation et un tarif à l'exportation des produits hors "boom". Pour maintenir à un niveau compétitif le prix des "traded", on peut songer à une dévaluation ou à des subventions (prime à l'exportation et tarif à l'importation). Elles auront pour effet d'élargir le surplus commercial, d'alimenter l'inflation domestique et d'entretenir finalement la pression à la hausse du taux de change réel.

Les distorsions résultant des ajustements, décrits plus haut, seront plus ou moins fortes selon les élasticités de chaque secteur au taux de change réel. On peut distinguer deux cas de figure296:

  • plus l'élasticité au taux de change réel du secteur exportateur hors boom est forte et plus il supportera le poids de l'ajustement. Les importations augmentent d'autant moins vite ;

  • le secteur importateur a une forte élasticité au taux de change réel. L'ajustement se reportera davantage sur lui alors que le secteur exportateur sera relativement préservé ;

La contrainte de l'équilibre extérieur, selon ce modèle, induit des ajustements, en présence d'un "boom" qui se répartiront selon des situations entre les importables et les exportables hors "boom". Le secteur des "non traded" n'apparaît pas explicitement si ce n'est à travers les prix relatifs et le taux de change réel. Avec la contribution de J.P. NEARY et W.M. CORDEN puis celle de W.M. CORDEN, ce secteur va apparaître clairement et jouera un rôle de premier plan dans l'ajustement.

Notes
296.

GERONIMI.V :Les économies pétrolières du Golf de Guinée face au choc : portée et limites des modèles du syndrome hollandais, thèse de doctorat, Paris X Nanterre, 1992 p. 182.