1.3.1 - La structure de la PIB sur la longue période (1970-1985).

La période choisie (1969-1985) permet de déceler les changements structurels qui se sont produits dans la répartition de la valeur ajoutée par rapport à la période du "pré-boom". Grâce aux chiffres tableau n° 40 , on peut relever que :

  • la part du secteur des hydrocarbures, en boom, a connu une baisse spectaculaire et continue. Elle passe de 46,2 % en début de période à 23 % seulement en fin de période. Cela signifie qu'il transfère ses revenus, captés grâce au "boom", aux autres secteurs ;
    Tableau n° 40 : Répartition de valeur ajoutée en % (1970-1985).
    Années Agriculture
    (1)
    Hydrocarbures
    (2)
    Manufacture
    (3)
    Construction
    (4)
    Service
    (5)
    Ecart absolu
    (4+5)-(1+3)
    Ecart relatif
    (4+5)/(1+3)
    1969 9,2 46,2 10,1 7,2 25,6 13,5 1,7
    1970 9,1 45,3 11 7,4 25,7 13 1,9
    1971 10,4 36,5 11,8 9,5 29,8 17,1 1,8
    1972 8,2 45 10,7 9,6 24,7 15,4 1,8
    1973 7,2 44,9 11,7 9,6 24,7 14,4 1,8
    1974 8,7 41,4 10,3 12,5 25,3 18,8 2
    1975 10,5 36,5 9,8 15,8 25,7 21,2 2,3
    1976 9,3 36,1 11 11 25,4 16,1 1,8
    1977 8,2 35,5 11,3 18,6 24,7 23,8 2,2
    1978 8,4 35 12,2 19,2 23,4 22 2
    1979 8,8 32,3 12,8 19,3 24,8 22,5 2
    1980 9,3 29,2 13,2 20 25,7 23,2 2
    1981 10,6 26,2 14,2 20,9 25,4 21,6 1,9
    1982 9,3 25 14,6 22,6 25,6 24,3 2
    1983 8,4 25,2 15,2 22,9 25,5 24,8 2
    1984 7,1 23,9 15,8 23,4 24,9 25,4 2,1
    1985 9 23,8 16,4 24 24,5 23,1 1,9
    Source : Banque Mondiale, Mémorandum op. cité.
  • la part du secteur manufacturier a stagné entre les deux chocs pétroliers. Une nette progression se produit cependant à partir de 1978. De 12,8 % seulement à cette date, la part du secteur passe à plus de 16 % en fin de période ;

  • la part de l'agriculture connaît une progression accidentée aussi bien avant qu'après le "boom" avec cependant une nette tendance à la stagnation ;

  • l'agrégation des secteurs de l'agriculture et de l'industrie manufacturière, afin de retrouver les "traded" hors "boom", permet de remarquer que leur part globale s'est améliorée depuis 1976 grâce au second secteur ;

  • enfin, la part des "non-traded", construction et services, est passée de 32 % en début de période à plus de 45 % en 1985. Cette hausse spectaculaire a été le fait du seul secteur de la construction, la part des services étant restée constante.

Comment pourrait-on interpréter ces résultats ? Les déséquilibres de la stucture productives sont évidents puisque le secteur en "boom" et les "non-traded" sont à l'origine de plus des 3/4 de la valeur ajoutée sur toute la période. La part des "traded", agriculture et industrie manufacturière, était de 19,3 % contre 32,8 % pour la construction et les services en début de période. Cet écart s'est progressivement élargi pour se situer à 24 points environ en fin de période. En termes relatifs, on peut remarquer cependant que la légère amélioration au profit du secteur de la construction et des services a laissé place, dès 1977, à une stabilité du rapport entre les deux productions. On ne peut affirmer, par conséquent, que le secteur de la construction et des services ait élargi significativement sa part dans la valeur ajoutée au détriment de l'agriculture et de l'industrie manufacturière considérées globalement. En revanche, les symptômes du "dutch disease", présents en début de période, n'ont pu être combattus par l'injection de la rente pétrolière dans l'économie. La faiblesse de la croissance du secteur agricole exerce un effet handicapant sur le secteur des "traded" de manière incontestable, comme en témoignent les chiffres du tableau n° 41.

Tableau n° 41 : Taux de croissance de la valeur ajoutée par secteur (1969 - 1985).
1969-1974 1974-1979 1979-1985 1974-1985
1. Agriculture 5,3 8,6 4,3 6,2
2. Industrie manufactur. 6,9 13,5 8,2 10,6
3. (1 + 2) 6,2 11,4 6,7 8,8
4. Hydrocarbures 4,3 3,2 - 1,3 0,7
5. Construction et services 9,6 16,3 5,7 8,3
6. (1 + 2 + 4 + 5) 6,6 8,5 3,8 5,1
Source : Construit à partir des données de la Banque Mondiale, op. cité.

Le secteur de la construction et des services, le plus dynamique avant 1974, réagit à la hausse des revenus pétroliers par une croissance spectaculaire. De 9,6 % durant la première sous-période (1969-1974), son taux passe à 16,3% durant la seconde, soit à près de 5 points de plus que les secteurs de l'agriculture et de l'industrie manufacturière réunis. La tendance s'inverse au profit de ces derniers avec la troisième sous-période puisqu'ils enregistrent un taux de croissance (6,7 %) supérieur d'un point à celui du secteur de la construction et des services. Sur l'ensemble de la période, les "traded" ont connu une croissance moyenne plus rapide que les "non traded" et ce, malgré l'évolution très accidentée de l'agriculture dont le taux de croissance reste, remarquons-le, supérieur à celui de la valeur ajoutée totale.

On ne peut déceler dans ces résultats ambigus et partiels les effets d'un "dutch disease" tels que mis en évidence par le modèle. On peut, en revanche, parler d'une "pro-industrialisation" si on se limite à une stricte comparaison des taux de croissance dans le secteur manufacturier et dans celui de la construction et des services. La progression y est plus rapide dans le premier.