2.3 - L'endettement et le secteur des hydrocarbures.

La capacité de remboursement d'un débiteur dépend directement de la productivité de son économie. Plus celle-ci est élevée mieux il fera face au service de la dette et inversement. Le calcul d'actualisation élémentaire montre qu'un investissement n'est retenu que si les flux actualisés des recettes qu'il devra générer sont supérieurs à son coût. Cette logique micro-économique ne peut pas être directement transposée et à l'identique au niveau macro-économique. On ne retient pas à ce niveau les projets un à un en fonction de leur rentabilité individuelle car il s'agit de la viabilité du tout. On peut avancer que certains projets stratégiques dont on ne peut réduire, par conséquent, la viabilité à la seule rentabilité immédiate puissent être financés sur le résultat d'autres sachant que ces mêmes projets finiront par profiter au tout en lui garantissant une relative indépendance.

Il semble que cette logique n'a pas pu aboutir en Algérie. Les points développés précédemment ont montré que l'accumulation s'est caractérisée par de profonds déséquilibres sectoriels (prépondérance des hydrocarbures et plus précisément de la sphère externe de ce secteur). La faiblesse de la productivité de l'économie hors rente a fait en sorte que les difficultés de cette dernière ont été reportées sur le secteur des hydrocarbures qui devait faire face à la partie de l'investissement importée, au service de la dette et garantir éventuellement la nouvelle dette.

Ce constat a été fait dès la fin des années soixante-dix aussi bien par des universitaires que par des milieux officiels. Ce n'est pas tant le constat qui est important en soi mais la stratégie du redéploiement à laquelle il a servi de base ou de prétexte. Cette stratégie a suscité et suscite encore de vifs débats. Pour les uns l'économie algérienne montrait certes des difficultés mais elle était prête en revanche pour effectuer un passage à une seconde phase. L’objectif aurait été alors de parachever la construction du système productif en élargissant et consolidant les pans de l’industrie relativement délaissés jusque là. Cela était d’autant plus possible que le préalable de la demande ne semblât plus être une contrainte. Pour les autres, il ne s'agit pas simplement de difficultés mais de blocages structurels. C’est un changement radical d'orientation qui est entrevu à travers cette analyse.

La question à laquelle il faut répondre est celle que posait M.E. BENISSAD : ‘"Avant que les investissements ne soient tous venus à maturité et que les articulations prévues dans les années 70 ne soient tissées était-il raisonnable de changer radicalement de voie de développement sans craindre une déstabilisation de l’oeuvre précédente d'industrialisation et du processus jusque là ininterrompu de croissance économique voire même d'une destruction du système productif"’ 331.

Ramenée, à l'essentiel pour ce qui nous concerne, la question consiste à dire : faut-il continuer ou non à financer une industrialisation sur la rente et l'endettement avec la certitude pour les uns qu'il ne s'agit que d'une période à passer et la forte probabilité pour les autres d'un risque d'épuisement des réserves d'hydrocarbures, d'un alourdissement de la dette et d'un échec répété. Nous exposerons successivement les arguments des partisans du statu-quo et ceux des partisans du changement .332

Notes
331.

M.E. BENISSAD : La réforme économique en Algérie, OPU, Alger 1991, p. 10

332.

Parmi les partenaires officiels du débat, on peut citer dans le camp des partisans du statu-quo

B. ABDESSLEM (Ministre de l'industrie et Premier ministre), S.A. GHOZALI (PDG de la

SONATRACH, Ministre de l'énergie et Premier ministre) et dans l'autre camp A. BRAHIMI(Ministre de la planification et Premier ministre) et B. NABI (Ministre de l'énergie).

Ce débat a donné lieu à des publications dont : 1) B. ABDESSLEM : Le gaz algérien, Ed.

Echerifa ; 2) B. NABI : Où va l'Algérie, ed..Dahlab et 3) A. BRAHIMI : Une stratégie de développement pour l'Algérie, défis et enjeux, Economica 1991.