Conclusion du chapitre.

La rente crée, certes, des facilités. Il est cependant difficile d’établir avec fatalité le lien entre l’aisance qu’elle procure à son titulaire et l’utilisation qu’il en fait. Le schéma théorique classique associe la rente à une classe sociale qui se distingue par sa non implication dans le processus de production immédiat. Son comportement régressif gène l’accumulation. Il est sans doute difficile de reconduire ces enseignements à la fin du vingtième siècle pour peu qu’on lie la rente à l’existence de monopoles ou du moins à l’existence d’obstacle à la concurrence qui ne sont plus le fait des seuls secteurs de l’agriculture et des mines.

La rente a pu financer, en Algérie, les conditions matérielles du développement tout en permettant aux pouvoirs publics d’échapper aux difficiles arbitrages entre les aspects économiques et sociaux. Les dysfonctionnements de l’économie algérienne ne résultent pas directement de la rente mais de l’usage qui en a été fait. Ce dernier est le fait de l’Etat qui a nationalisé l’entreprise du développement. C’est donc de la nature de son action qu’il s’agit et non directement de la rente. L’écart entre le discours doctrinal de départ et la pratique du développement résulte d’une action volontariste qui consiste à échapper à toutes les contraintes qu’impose ce même discours.

Paradoxalement, l’abandon pur et simple de ce discours, au début des années quatre-vingts, constitue un tournant dangereux pour l’économie et la société algériennes. En changeant de cap, la nouvelle attitude a condamné le système productif à la dépendance vis à vis du secteur des hydrocarbures.

L’Etat algérien s’est montré plus soucieux de la reproduction sociale que de la reproduction économique. Il est évident qu’une telle stratégie connaît très vite ses limites compte tenu de sa forte dépendance des ressources de l'Etat qui elles- mêmes sont dépendantes du prix du pétrole. L’économie d’endettement apparaît à la fois comme une anticipation sur les revenus de l'Etat et une alternative à son incapacité d’organiser un processus d’extraction du surplus du travail. C’est la fuite en avant.