Conclusion de la partie.

Cette troisième partie nous a révélé comment, par l’ajustement structurel, sont gérés les dysfonctionnements d’une économie endettée. L’accès, centralisé, aux ressources mondiales laisse peu de choix aux pays sous ajustement. Le verrouillage de cet accès est le moyen objectif pour contraindre les pays en difficulté à adopter la vision libérale du développement.

Les dysfonctionnements de l’économie algérienne semblent relever d’une économie rentière administrée par l'Etat plutôt que des enseignements du modèle du dutch disease. Nous avons pu monter que les hypothèses, mises en oeuvre par ce dernier, et par suite les conclusions sont peu compatible avec la réalité algérienne. Les insuffisances du mode de régulation centralisée, mis en oeuvre, fait émerger la rente pétrolière comme principal instrument d’ajustement. Le développement de l’économie d’endettement en est une conséquence directe.

Le traitement de ses dysfonctionnements par l’ajustement structurel vise par conséquent une stérilisation des effets de la rente. La dévaluation , la libéralisation des prix et la rigueur budgétaire en sont les principaux instruments. On peut souligner à ce titre les mérites de l’ajustement structurel.

Le passage d’une économie rentière à une économie productive est finalement le véritable thème de transition de l’économie, voire de la société algérienne. Quelle stratégie adopter pour ne pas détruire l’oeuvre du passé ? Les performances macro-financières obtenues jusqu’ici ne peuvent nous faire oublier les coûts économiques et sociaux qui leur sont liés. La désindustrialisation, à l’oeuvre actuellement, s’apparente à un coût économique puisqu’elle met à l’arrêt une partie du potentiel productif dont la mise sur pied a nécessité le recours à l’endettement extérieur. Les changements intervenus au sommet au début de la décennie quatre-vingt et les hésitations des équipes gouvernementales qui se sont succédées par la suite ont eu pour effets de différer et d’élargir ce coût. Les intérêts liés aux mécanismes intérieurs de redistribution de la rente et la crainte de heurter un consensus de façade, obtenu en partie grâce à ces mêmes mécanismes, en sont les raisons profondes. La faillite de la gestion étatique ne fût reconnue que lorsque le service de la dette menaçait d’engloutir la totalité des recettes d’exportation. En reculant les perspectives d’un ajustement négocié avec les partenaires intérieurs et extérieurs alors que la contrainte financière était encore supportable, les pouvoirs publics ont privé le pays d’une alternative à l’ajustement structurel dont on connaît la conditionnalité et les mécanismes de son effectivité. La brutalité avec laquelle on tente d’ériger une société libérale est une conséquence directe de l’attitude hésitante et contradictoire des pouvoirs publics.

Le nouveau mode de répartition des richesses est une des expressions de cette brutalité. Les différenciations sociales, voire les fractures, remarquables par leurs effets extérieurs suffisent pour comprendre qu’il s’agit d’un processus initié et encouragé par l’économie administrée. L’ajustement structurel légitime et creuse ses différenciations.

L’action de l'Etat, en direction des couches défavorisées, reste marginale eu égard à l’extension de la pauvreté qui menace même les couches moyennes. L’absence de signes de reprise de la croissance augure que le chômage devra s’étendre dans le court et moyen terme.

La reprise reste tributaire de la relance de l’investissement et de son financement. Un des effets de la stérilisation de la rente pétrolière est justement de couper le lien entre la rente et l’investissement. Certes, l’Etat algérien continuera à être rentier compte tenu de la proportion de la fiscalité pétrolière dans son revenu. C’est au niveau de l’usage de cette dernière que de profonds changements se sont produits. La contrainte faite à l’Etat de réduire le stock de sa dette intérieure et de s’acquitter du service au titre de son endettement extérieur limitera le rôle de la sphère budgétaire dans l’activité économique dans le court et moyen terme. Ce reflux de la rente vers les créanciers pose le problème du financement de la reprise en des termes nouveaux. Comment faire pour drainer une épargne suffisante vers les secteurs productifs ? Jusqu’ici, les capitaux étrangers se sont montrés réticents compte tenu du climat politique qui règne. Exception faite du secteur des hydrocarbures, l’Algérie reçoit, ces dernières années, des montants négligeables comparativement à ses voisins et ce, malgré la taille du marché algérien et des dispositions institutionnelles prises pour attirer les investissements directs étrangers. Faut-il compter alors sur la seule épargne privée dans le court et moyen terme ? Selon la Banque Mondiale, la réduction de l’inflation devrait orienter la consommation à la hausse. Par ailleurs, l’Etat semble encourager implicitement la tertiarisation de l’économie . Les activités spéculatives restent très attractives compte tenu du peu de risque et de la forte rentabilité qu’elles offrent.

En l’absence d’une stratégie de reprise qui fera jouer à l’Etat pleinement son rôle de régulateur, l ‘Algérie risque de se réinsérer dans la division internationale par son seul secteur des hydrocarbures lequel ne pourra plus, comme par le passé, offrir une protection au reste de l’économie. Le contrôle des transactions aux frontières, la recherche de formes de protection, sans retourner toutefois aux mécanismes de l’économie administrée, l’encouragement de la production au détriment de la spéculation et la lutte contre la corruption généralisée sont autant de thèmes qui restent à défricher.