A- Le modèle hospitalier actuel repose sur une conception du soin obsolète.

Deux économistes canadiens, R-G. EVANS et Grégory STODDART15, respectivement professeurs à l’Université de Vancouver et à l’Université Mac Master, ont étudié la nature des modèles de santé, des modèles hospitaliers et des logiques de régulation dans les pays occidentaux. Par ce biais, ils s’interrogent aussi sur les raisons des échecs des tentatives de maîtrise des dépenses de santé. Leurs conclusions sont assez explicites: les décideurs et les acteurs fonctionnent encore à partir de schémas erronés et dépassés.

Le premier schéma de l’après-guerre sur lequel sont basés la plupart des systèmes de protection sociale, est fondé sur le principe que la santé y est définie comme une absence de maladie. Selon ce raisonnement, l’apparition des maladies est due à une série de facteurs exogènes que les soins permettent de combattre.

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Dans la production de soins, le poids de l’hôpital devient déterminant, voire quasi-unique dans la lutte contre la maladie et l’amélioration de l’état de santé de la population. Le rôle de l’action publique et de l’Etat consiste alors essentiellement à faciliter l’accès aux soins en assurant le financement et le fonctionnement des hôpitaux. Cette vision est source d’effets pervers.

Une clarification des responsabilités des acteurs de la santé pourrait permettre de limiter le recours souvent systématique à l’offre de soins hospitaliers à partir de certains seuils de la maladie. Avec une politique de prévention et la prescription de thérapeutiques plus légères, un autre fonctionnement pourrait réduire la demande de soins hospitalière. Prenons deux exemples, l’un en vertébrologie, l’autre en gynécologie.

Actuellement, pour une hernie discale volumineuse, l’opération chirurgicale est souvent proposée par le rhumatologue. Si dans certains cas, c’est en effet le seul recours, dans d’autres cas, des massages au niveau des lombaires par un kinésithérapeute peut permettre un retour à la vie normale.

Dans le cas de fibromes, trop systématiquement l’ablation chirurgicale de l’utérus est préconisé, même parmi les patientes encore jeunes. Cette opération entraîne une longue hospitalisation; Alors que la réduction des fibromes par coelioscopie requiert une hospitalisation d’une seule journée. Ce protocole n’est pratiqué que par une dizaine d’équipes médicales en France.

Une politique de prévention, dispensée par l’hôpital, ainsi qu’en amont et en aval de l’hôpital, en étroite collaboration avec la médecine de ville, serait aussi un facteur agissant quantitativement et qualitativement sur l’offre de soins hospitalière.

Le système actuel favorise une augmentation rapide des dépenses de soins et aboutit à une crise de financement dès que la croissance économique faiblit et que les prélèvements sociaux s’essoufflent. L’hôpital participe lui-même à la définition et au volume des soins qu’il doit prendre en charge; c’est à dire, en fait qu’il agit en interaction sur la demande. Ce système est inflationniste au niveau de la demande de soins car aucun mécanisme n’existe pour la juguler. Il n’est pas possible de savoir à partir de quand les besoins de santé sont satisfaits. La notion de demande de soins fait référence à celle de maladie et de santé, concepts étroitement dépendants de la perception qu’en ont les individus. C’est donc de la maladie perçue que dépendra le recours au système de soins et à l’hospitalisation. Actuellement, santé et maladie sont perçus de manière contradictoire. La maladie entraîne automatiquement une thérapie, qui à partir d’un certain degré de la maladie reconnue par le médecin, va entraîner l’hospitalisation du patient. Cette forme d’appréhension de la maladie est inflationniste en matière de demande et d’offre de soins hospitaliers.

Pourtant, des courants de pensées16 s’efforcent d’apporter une autre définition de la maladie: ‘« la santé n’est pas un état sans maladie, ni la maladie une disparition de la santé. La santé et la maladie ne sont pas contradictoires. La santé et la maladie, c’est la même chose: c’est la vie qui continue à surmonter la mort ... La vie n’est pas un état mais un mouvement en avant, l’expression aller bien le dit aussi »’. Cette approche de la santé et de la maladie a beaucoup de difficulté à s’imposer.

La logique de développement de l’activité hospitalière s’appuie sur les particularités de la demande de soins. Sachant que l’offre et la demande de soins sont largement interdépendantes, toute extension de l’activité hospitalière tendra à accroître et à déplacer la demande.

Notes
15.

R.-G. EVANS. et G. STODDART: « Producing Healt Care », Canadien Institute for Advanced Reasearch, Population Health Program - Working Paper N°6, avril 1990. Cette synthèse a été établie par BERTHOD- WURMSER (M. ), chef de la Mission interministérielle Recherche-expérimentation (MIRE), Ministère des Affaires Sociales et de la Solidarité et parue dans la revue « Hospitalisation nouvelle », N°206, février 1993

16.

Dr André SCHLEMMER, in « Cahiers de la méthode naturelle », 2-1965.