A - L'évolution trop lente de la D.D.A.S.S.

Le contrôle actuel de la D.D.A.S.S. sur les établissements est, d'après les acteurs hospitaliers, encore trop systématique et trop étendu. Ce contrôle administratif vise à repérer, corriger et sanctionner les écarts entre les réalisations et les prévisions, et les fautes de régularité par rapport à des normes juridiques et comptables préalablement établies. Les critères de bonne gestion sont souvent exclus du raisonnement. La D.D.A.S.S. ne s'intéresse qu'à la conformité des actes.

Le souhait des hospitaliers serait par conséquent d'alléger ces procédures de contrôle et de les limiter à des sanctions uniquement dans l'hypothèse où les engagements budgétaires et financiers ne seraient pas remplis. Les cas de mauvaise gestion pourraient toutefois être sanctionnés ponctuellement par d'autres instances telles que la Chambre Régionale des Comptes. L’hôpital est déjà quotidiennement contrôlé par la double comptabilité que tient le trésorier de l’hôpital. Le fonctionnement actuel de la D.D.A.S.S. semble toujours très lié aux normes administratives héritées de la loi de 1971 et risque de devenir un frein à l'évolution des systèmes de gestion hospitalière.

En réalité, les contrôles administratifs et financiers sur l’hôpital sont déjà nombreux : le contrôle du trésorier, le contrôle du préfet, les contrôles de la Chambre Régionale des Comptes et de la Cour des Comptes sur les irrégularités de l'administration, les inspections ponctuelles ministérielles ou intra-ministérielles comme par exemple celles de l'I.G.A.S. (Inspection Générale des Affaires Sanitaires) ou celles de l'Inspection des Finances.

Une mission interministérielle sur les hôpitaux34 reconnaît que la tutelle hospitalière est dispersée avec une coordination insuffisante entre les différents organismes qui la composent. La faiblesse des outils d’information et de gestion à la disposition des tutelles fait obstacle à une démarche plus ambitieuse de la part de celles-ci. Les hôpitaux et les cliniques sont l’objet d’un contrôle par l’Etat et par les organismes de sécurité sociale. Ce double contrôle est traditionnellement appelé contrôle de la tutelle. C’est après la décision de la tutelle que les établissements publics reçoivent les moyens financiers et humains de leur action. Une répartition des rôles s’est de fait opérée entre les organismes de sécurité sociale, « décideurs » en matière d’hospitalisation privée et les services de l’état, DRASS et DDASS pour le service public. La concertation entre les organismes de Sécurité sociale et les services de l’Etat est très réduite en ce qui concerne la fixation des budgets des établissements hospitaliers et l’établissement de la carte sanitaire. Au sein même des services de l’Etat, DDASS et DRASS, la répartition des rôles n’est pas toujours très claire vis à vis des établissements qui ont souvent des interlocuteurs multiples. La répartition des moyens en personnel et des moyens financiers demanderait souvent une meilleure coordination.

Le rapport de synthèse de la mission interministérielle sur les hôpitaux montre aussi que le partage des compétences DDASS-DRASS manque de clarté dans la répartition des enveloppes spécifiques et des marges régionales et départementales. Lors de la répartition des enveloppes budgétaires aux hôpitaux, la marge régionale a pour objet le rééquilibrage entre les établissements d’un même département et les départements d’une même région. Or, il arrive que cette répartition se réalise sans examen préalable vraiment sérieux des dossiers, mais de manière mécanique ou en obéissant à des critères politiques déconnectés des réels besoins sanitaires de la population.

Il est rare que les DDASS utilisent le taux directeur moyen pour corriger des disparités entre établissements ou pour contraindre des établissements à des opérations de restructuration et de redéploiement. Pourtant la DDASS aurait réglementairement le droit de supprimer pour un établissement hospitalier tout taux directeur d’augmentation d’un budget d’une année sur l’autre. Dans les faits les DDASS ont peu d’élasticité sur leur marge pour opérer des rééquilibrages budgétaires entre établissements. Dans certains départements les hôpitaux touchent systématiquement la même marge d’augmentation budgétaire quelque soit leur activité et leur situation initiale. La faiblesse opérationnelle des outils d’information et de gestion à la disposition de la tutelle et leur manque d’homogénéité nuisent à une démarche plus dynamique de la part de ces organismes. Par exemple, les données saisies dans le système informatique PAGE par les DDASS, afin de suivre l’évolution des budgets des établissements hospitaliers ne peuvent pas être utilisées par les DRASS et le Ministère de la Santé qui dispose d’un autre système. Et, en 1993, 27 départements ne faisaient pas remonter leurs informations financières dans le système PAGE.

Les organismes de tutelle ne disposent pas des moyens de gestion leur permettant d’analyser les coûts analytiques des établissements. Ces derniers n’ont pas tous intégré la nouvelle comptabilité analytique et se sont limités aux indicateurs traditionnels tels que les entrées et les journées d’hospitalisation qui n’appréhendent que partiellement la réalité.

La généralisation du budget global n’a pas été accompagnée du développement des moyens d’analyse et de gestion qui aurait pu permettre une lisibilité du système plus forte avec possibilité effective de faire jouer une dynamique du changement et du redéploiement. L’analyse du fonctionnement de la DDASS se caractérise donc par une inadaptation des instruments de gestion, une absence de doctrine et d’objectifs stratégiques clairs ainsi que des moyens humains suffisants.

Les établissements hospitaliers et la tutelle échangent un nombre important de données financières et d’activité à travers des systèmes d’information multiples. Ces derniers reposent essentiellement sur la gestion budgétaire avec en complément des données extrabudgétaires d’activité le plus souvent quantitatives. Mais ces instruments d’analyse d’activité s’avèrent le plus souvent inadaptés. Le problème principal provient de l’absence de références pertinentes à l’activité médicale réelle. Trois unités d’oeuvre sont le plus souvent utilisées: la journée, l’entrée et les relations d’occupation des lits. Aucune n’est réellement significative de l’activité réelle, de l’emploi du personnel, de ses tâches et des équipements mis en oeuvre. De ce fait, le coût réel n’est pas établi et les coûts produits sont partiels. Ces données d’activités et de coûts intègrent une activité mais leur représentativité relative alimentent souvent les conflits entre les intérêts et les points de vue divergents des acteurs de la santé.

Intégrant implicitement les enjeux et l’impact de la santé dans le tissu social et politique, l’administration de la tutelle n’a pas décliné une doctrine précise sur les objectifs et sur l’emploi des moyens mis à disposition des établissements. Si le cadre général de la planification et de la carte sanitaire est largement formulé dans sa procédure, les objectifs et la répartition des moyens entre établissements et départements sont plus implicites. Les fonctionnaires de la tutelle, inspecteurs des Affaires sanitaires et sociales et médecins départementaux et régionaux, sans objectifs précis, éprouvent des difficultés à effectuer leurs missions. Il en est de même pour les redéploiements et les restructurations hospitalières où les enjeux politiques et économiques priment souvent sur la rationalité d’action.

Les services décentralisées de l’action sanitaire et sociale ont connu une baisse sensible de leurs effectifs au cours de ces dix dernières années. La DDASS est l’administration qui a le plus perdu en personnel. Les effectifs des services déconcentrés de l’action sanitaire et sociale ont diminué plus rapidement que ceux de l’administration centrale; avec moins 17 % des effectifs en dix ans pour la DDASS soit 1652 agents en 1983 et 1321 en 1993, alors que les services déconcentrés ont perdu 10402 agents sur la même période. Les catégories C et A sont les plus touchées. Les cadres A sont passés de 2122 en 1987 à 1698 en 1994 (sources: Mission interministérielle sur les hôpitaux (38)).

Ces baisses significatives d’effectifs, alliées aux restrictions budgétaires ne sont pas pour favoriser l’important et délicat travail de maîtrise et d’incitation au redéploiement hospitalier par les fonctionnaires de la tutelle.

Cependant, il faut noter une évolution positive de la DDASS ces dernières années en trois directions. Des efforts ont été faits pour simplifier les procédures d’approbation des décisions des conseils d’administrations des hôpitaux en matière de dépenses d’investissement et d’exploitation notamment. Les délais de réponse ont été raccourcis et certaines décisions des conseils d’administration échappent à l’approbation de la Tutelle. Des professionnels hospitaliers sont invités dans les réunions concourant à définir les besoins sanitaires d’une population et plusieurs DDASS sont intervenues pour aider les établissements à rédiger leur projet d’établissement avec un rôle de conseil et d’audit.

Notes
34.

Mission interministérielle sur les hôpitaux- rapport de synthèse- Ministère des Affaires sociales,de la Santé et de la Ville- Ministère de l’intérieur et de l’aménagement du Territoire- Ministère de l’Economie, juillet 1994.