3 § La loi hospitalière de 1970 a favorisé l’émergence d’une stratégie concurrentielle.

Les années cinquante et soixante apportent un grand bouleversement dans l’approche du fonctionnement des entreprises. Le développement de la concurrence va donner naissance à de nouvelles logiques, notamment celle de la recherche de la compétitivité et de la productivité, afin de conquérir de meilleures positions sur les marchés par rapport aux concurrents. Ces nouvelles logiques sont structurées en stratégies et en principes de management enseignés dans les cours de “business policy”54 à Harvard , pour ne citer que les plus connus. Dans la sphère de l’économie de marché apparaît la management par objectifs qui prétend coordonner les objectifs de l’entreprise et les motivations personnelles de ses membres. Cette méthode apparue sous le nom de DPO (direction par objectifs) ou DPPO ( direction participative par objectifs) est mise en pratique dans les années soixante-dix dans un certain nombre d’entreprises.

Dans la fonction publique, plusieurs ministères appuient leurs décisions et leurs actions à partir de la planification stratégique par objectifs appelée en France méthode RCB (rationalisation des choix budgétaires).

Au niveau des hôpitaux, cette nouvelle stratégie, appelée stratégie concurrentielle, s’articule essentiellement autour de deux logiques principales: la recherche de meilleurs positionnements sur les marchés par rapport aux concurrents (cliniques privées, secteur libéral, ou autres hôpitaux publics) et la recherche de productivité.

L’école de la stratégie concurrentielle se caractérise par une modélisation importante:

Dans le modèle de Mac KINSEY, cette dernière variable traduit en fait l’attrait du marché à moyen terme pour une entreprise donnée.

Les entreprises privées qui ont adopté une stratégie concurrentielle se sont servies d’outils et de modèles sophistiqués; ce qui n’a pas été le cas dans le domaine hospitalier. Peu de modèles élaborés ont été utilisés par des gestionnaires hospitaliers.

Les DRASS et les DDASS éludent souvent, dans leur études préliminaires à l’élaboration des cartes sanitaires, les études en terme de positions concurrentielles de parts de marché et de zones d’attractivité entre hôpitaux publics et cliniques, à l’intérieur d’une même référence géographique.

Si l’on ne doit pas sous-estimer les difficultés à élaborer de telles études, on doit cependant reconnaître leur intérêt primordial. A défaut de ces études réalisées par les autorités de tutelle, certains hôpitaux, surtout des CHR, confient à leur département d’études stratégiques et prévisionnelles, l’élaboration de ce travail. Ponctuellement, ce travail est aussi confié à des organismes extérieurs spécialisés. L’appréciation des positions concurrentielles et des zones d’activités, permet aux établissements de mieux connaître leur clientèle potentielle et de mieux se situer par rapport à la concurrence publique ou privée voisine.

Mais ces études sont souvent incomplètes et peu utilisées stratégiquement; au plus elles trouvent ponctuellement leur place en substitution à une analyse de la demande de santé et des besoins, insuffisante de la part des autorités de tutelle. La loi hospitalière de 1991 inclut dans l’exercice du service public hospitalier (SPH) les établissements de santé privés à but non lucratif admis à participer à l’exécution du service public et les établissements privés ayant conclu un contrat de concession pour l’exécution du service public hospitalier. Les autres établissements de santé privés peuvent être associés au fonctionnement du service public. Les médecins et autres professionnels de santé non hospitaliers peuvent recourir à l’aide technique du service public et utiliser leurs plateaux techniques. La loi hospitalière de 1991 réduit très fortement la concurrence directe entre hospitalisations publiques et privées que la loi de 1970 avait instituée. La réponse aux besoins sanitaires d’un secteur, d’un département ou d’une région se fait plus en complémentarité entre le secteur public et le secteur privé associé au service public que sous forme de concurrence sauvage. Le souci du législateur est d’éviter les doublement coºteux d’activités. En réalité, la concurrence n’a pas disparu, elle a changé de nature. Elle s’est enrichie de nouveaux facteurs tels que la maîtrise de la qualité par exemple. Un établissement compétitif moderne est celui dont les services ou les prestations ont une plus grande valeur que ceux de leurs concurrents grâce à leurs qualités, leurs performances et leurs fonctionnalitÈs nouvelles en avance sur les attentes du marché avec un coût moindre.

Le concept de productivité devient évolutif. Le concept strict de productivité du travail s’élargit au concept de productivité sociale. Depuis les années soixante-dix jusqu’à aujourd’hui, la logique ministérielle a été explicitement ou implicitement d’encourager les gains de productivité dans les hôpitaux essentiellement sous forme d’économie de personnel. Il faudra attendre la loi hospitalière de 1991 pour trouver dans un cadre potentiel et implicite, les signes d’intégration de la productivité sociale. C’est dire que le raisonnement et le défi n’est plus seulement quantitatif mais aussi humain et social.

Notes
54.

LEARNED., P C.R. CHRISTENSEN, X. ANDREWS et W. D. GUTH.“Business Policy”, 3ème édition, Home woord,Irwin, 1975.