B - Réformer l’hôpital public passe simultanément par le droit et par la gestion.

Certains gestionnaires opposent le droit à la gestion quant à l’impact de l’un ou de l’autre dans le processus de changement. Ils entretiennent le discours selon lequel le droit serait purement formaliste et sclérosant. En fait, le droit ne doit pas être perçu comme une contrainte dans la modernisation de l’hôpital public. Ces positions simplistes et réductrices ne prennent pas en compte une vision globale du changement. La modernisation de l’hôpital public est une entreprise globale qui mobilise le droit, la gestion et le facteur culturel.

Il faut rappeler tout d’abord, l’originalité du système juridique français qui repose sur une dualité82: ‘« l’administration obéit à un droit spécifique à la fabrication duquel elle contribue largement. Elle a donc sa propre logique de fonctionnement juridique. Comme dans une grande mesure la société civile a la sienne »’.

En terme de problématique, si l’on considère que le processus de modernisation se développe en partie contre lui, on ne verra qu’un effet négatif du droit. C’est le même discours récurrent sur la réforme administrative soutenu par des auteurs tels que Crozier :

‘« Il convient de liquider le vieil héritage bureaucratique dont le droit administratif gère la reproduction. L’Etat moderne n’a plus guère besoin de légistes. C’est de patrons dont il manque »’. Dans ce contexte de management hégémonique, le droit se trouve disqualifié. Mais il n’est pas prouvé que le succès de l’idéologie managériale se poursuive au détriment de la rationalité du droit83. Améliorer, changer le système de gestion, ne signifie pas moins de droit.

Par exemple, une diminution du nombre de grades à l’hôpital, il en existe 170 actuellement, intégrant une nouvelle définition des catégories professionnelles plus proche des métiers, va forcément passer par une réforme juridique des statuts.

La modernisation travaille sur la substance même du droit. Si le changement célèbre toutes les vertus de la gestion et du gestionnaire, il doit entraîner aussi la réhabilitation du juriste. Il s’agit d’un triptyque: droit, gestion et mutation culturelle.

Passer de rapports de gestion bureaucratiques à des rapports de gestion de type managérial en intégrant la dimension humaine et sociale, sous-entend aussi une évolution culturelle du comportement des acteurs. Il est important de modifier les rapports et les relations au travail afin de libérer l’initiative, l’intelligence et le savoir.

La stratégie de réforme de l’hôpital se fonde sur une stratégie d’entraînement, c’est à dire avec l’objectif de faire participer le personnel à la conception et à la mise en oeuvre du changement. Cette stratégie s’appuie sur plusieurs vecteurs de gestion des ressources humaines tel que le développement d’une méthodologie de conduite du changement avec amélioration de la négociation et de la communication interne, afin d’activer la motivation et la mobilisation du personnel. Il est important de gérer ces processus dans le temps, car pour être efficace les efforts doivent être maintenus sur le moyen terme. Cinq ans semble être une durée qui permet d’envisager raisonnablement une évolution dans l’organisation, la gestion et les mentalités.

Notes
82.

CAILLOSSE J., « La réforme administrative et la question du droit », actualité juridique du droit administratif,1, 1989.

83.

J. CHEVALIER, LOCHAK D.., « Rationalité juridique, cette rationnalité managériale dans l’administration française », Revue française d’administration publique, 1982.