A - La recherche de la qualité des soins passe par une modification du comportement des acteurs.

A l’hôpital public, la notion d’évaluation de la qualité du soin dans un service fait partie depuis quelques années, des souhaits émis par le personnel soignant. Cependant, le personnel d’encadrement infirmier arrive difficilement à concrétiser cet objectif. Il est généralement peu aidé dans ce projet par les médecins et les services administratifs de l’hôpital.

Dans l'entreprise actuelle publique ou privée, les gestionnaires semblent accorder au thème de la qualité une place de plus en plus importante, allant parfois jusqu'à lui conférer un véritable statut stratégique. Dans certaines entreprises performantes la recherche de la qualité totale constitue un processus de changement majeur. L'évolution du concept de la qualité dans l'entreprise a été assez longue et complexe.

Nous pouvons considérer quatre périodes126 qui sans être vraiment distinctes et chronologiques, coexistent encore toutes en France aujourd'hui:

  • L'ère de la qualité commerciale.

  • L'ère de la qualité économique.

  • L'ère de la qualité socio-organisationnelle.

  • L'ère de la qualité stratégique.

L'ère de la qualité commerciale renvoie à la notion courante de qualité, c'est à dire ce qu'attend au quotidien tout consommateur de tout produit ou service. Dans ce contexte, le producteur est beaucoup moins soucieux de la notion de qualité; au plus il intègre les attentes de ses clients par quelques normes internes de fabrication. Aucun critère de performance n'y est encore associé.

Pendant l'ère de la qualité économique, dans les années 1970, sous l'impulsion de quelques précurseurs Français ou Américains127 commence à se développer la notion de " coût de non-qualité". A partir de mesures et d'analyses souvent approfondies, qui démontrent que la qualité peut être le facteur essentiel du coût et de la performance, les services qualité de certaines entreprises commencent à mettre au point des indicateurs de suivi et d’évaluation du niveau de qualité.

Dans les années 80, les pouvoirs publics suivent la même voie en introduisant le concept de qualité dans la politique industrielle nationale. Les années 80 voient se développer l'ère de la qualité socioprofessionnelle. Les cercles de qualité et les groupes de progrès participatifs se développent dans les entreprises en suivant l'exemple japonais. Cependant des limites sont rapidement apparues dans ces processus participatifs, car les cercles de qualité ne répondaient pas au véritable problème des unités de travail. Dans l'hôpital public, les cercles de qualité sont restés au stade expérimental. Le processus a souvent été freiné par les syndicats qui craignaient dans cette représentation directe un affaiblissement de leur pouvoir.

Depuis le début des années 90, de nombreuses entreprises sont convaincues que la qualité est un facteur clé de leur compétitivité. C'est pendant cette période que se développe le courant de la "qualité totale" issu du "total qualité control"128. Ce courant né aux Etats-Unis et au Japon élargit la notion de qualité à d'autres domaines que celui du produit. Ainsi les ressources humaines et le fonctionnement interne deviennent les facteurs stratégiques oeuvrant pour la recherche de la qualité absolue. L'approche est stratégique et globale et s'inscrit dans un processus de changement général à plusieurs niveaux: production, système de gestion, organisation du travail, évolution des comportements.

Dans la loi hospitalière de 1991, nous trouvons des orientations qui donnent aux établissements hospitaliers la possibilité de mettre en place une démarche de qualité globale. Le nouveau modèle de l’hôpital public qui intégrerait une démarche qualité reste à construire. Dans ce modèle, élever la qualité des soins à l'hôpital pourrait être considéré comme l'objectif principal. Des objectifs intermédiaires peuvent aussi être définis tels qu'accroître la motivation des agents, développer la communication interne, encourager le travail en équipe... Ces objectifs d’amélioration des conditions et des rapports de travail sont liés au mode de gestion et peuvent l’infléchir vers un système plus managérial. La mutation du système de gestion hospitalier encore très bureaucratique devrait lui-même entraîner par effet retour une modification de l'organisation du travail et une réduction des dysfonctionnements internes. Si l'on considère que la réalisation de ces objectifs repose essentiellement sur une évolution de la gestion des ressources humaines, nous pourrions concevoir le changement sous la forme d’un modèle constitué de plans d'action construits pour l'hôpital public. Pour que ce modèle fonctionne à l’hôpital, il est nécessaire qu’il se développe dans un cadre juridique et stratégique qui privilégie un équilibre entre les besoins sanitaires d’une population et l’offre de soins de la part des établissements. La Loi hospitalière de 1991 en engageant préalablement une réforme de la planification sanitaire et de l’adéquation entre l’offre et la demande de soins, a préparé le changement de l’hôpital et l’a rendu possible.

Notes
126.

BARTOLI Annie et HERMEL Philippe « Piloter l’entreprise en mutation, une approche stratégique du changement » - les éditions d’organisation 1986.

127.

SAVALL H., Les travaux de l’ISEOR depuis 1974, sur les coûts cachés de l’indicateur qualité.

JURAN J.M., « Quality control handbook », Mac Granhill, 3 ième édition, 1974.

128.

STORA G. « L’approche globale qualité IBM France », enjeux, octobre 1984.

MONTAIGNE J. « La qualité totale dans l’entreprise », Editions d’organisation, 1986.