Conclusion A

Le but de cette sous-section était de décrire les conditions d'émergence et de développement d'un marché. Pour ce faire, nous avons focalisé notre attention sur les activités qui constituent ce marché, les activités de conseil en management.

Globalement on a vu que le taylorisme, le modèle d'organisation et de gestion de la grande firme américaine, ainsi que les initiatives de l'État, ont favorisé l'émergence de la profession d'ingénieur-conseil en France. Cette profession a également facilité le développement du taylorisme et la généralisation du modèle d'organisation et de gestion de la grande firme américaine. En effet, les ingénieurs-conseils vont diffuser leur connaissance dans divers secteurs, activités et entreprises, en formalisant les connaissances acquises49. Autrement dit, les premières applications du taylorisme conduisent à une division du travail, à une plus grande spécialisation et donc à l'apparition de nouvelles fonctions dans l'industrie manufacturière. Dès lors, les ingénieurs se multiplient dans les entreprises. Peu à peu cette profession devient autonome, développe des savoirs, des compétences, crée des outils spécifiques, finalement s'externalise et favorise l'émergence et la structuration d'un marché (le marché du conseil en management avec ses concepts, ses règles, etc.) (A. BARCET, J. BONAMY 1997). Par ailleurs, elle diffusera en retour le modèle taylorien. Aussi, des innovations de niveau méso-économique, produit de logiques sociales et économiques spécifiques, conduisent alors à l'émergence du marché du conseil en management.

La description sur le long terme de l'activité de conseil en management illustre l'étendue de cette activité. En effet, le marché et la profession de conseil en management en France se sont structurés autour de quatre grands domaines (C. SAUVIAT et V. PEYRACHE 1994) : la stratégie (méthodes d'élaboration des plans stratégiques de l'entreprise, études de marché ou de produits-marchés) ; les opérations (conseil en management opérationnel fondé sur l'apport de méthodes de gestion, de procédures de travail destinées à optimiser le fonctionnement de l'entreprise) ; les hommes (gestion des ressources humaines) ; les systèmes d'information et de communication liées aux nouvelles technologies intégrées au management des entreprises (Sociétés de Services et d'Ingénierie Informatique ou SSII). L'imprécision des contours du marché du conseil en management (A. BOUNFOUR 1989) peut donc s'expliquer par la croissance et la rentabilité des prestations50, par la recherche par les cabinets de produits complémentaires à ceux qu'ils offrent déjà à leur clientèle, mais également par la diversité des opérateurs...

Cela dit, jusque-là dans une perspective descriptive de l'histoire de l'activité de conseil en management, nous n'avons pas vraiment cherché à expliquer les évolutions, nous nous sommes contentés de présenter des faits. Aussi nous n'avons pas tenu compte (ou très peu) de ce qui fait véritablement un marché : la demande et l'offre.

Notes
49.

Les conseils en management ont joué un rôle important en transposant, en les adaptant bien sûr, les techniques ou les méthodes de management d'un secteur économique à un autre ou même d'un pays à un autre. A. LEGENDRE (1987) parle alors de "fertilisation croisée". "Ce que la grande distribution a été amenée à développer en matière de logistique et de transport se retrouve dans les entreprises industrielles alors que de telles préoccupations n'étaient pas pour elles prioritaires. De même, certaines méthodes de gestion de la qualité des produits trouvent leur application dans les services. On pourrait multiplier les exemples" (A. LEGENDRE 1987, p. 75).

50.

"Le Syntec, syndicat du conseil en management, pavoise : le chiffre d'affaires de ses adhérents, qui représente la moitié de celui de la profession, a progressé de 26 % en 1997 (contre 14 % en 1996), pour atteindre plus de 5 milliards de francs" (Le Monde Initiatives Emploi 9/12/1998, p. IV).