c - Une tendance à la spécialisation

La complexité de la gestion des affaires, la variété des problèmes qui peuvent être posés au conseil en management, l'expertise que les clients attendent de leur conseil rendent illusoire l'idée du "généraliste" complet capable de traiter tous les problèmes de management dans n'importe quelle entreprise. Autrement dit, parce que les entreprises clientes sont très différentes (de par la taille, les compétences, les produits, etc.), la spécialisation des consultants est devenue indispensable. Après tout, l'entreprise (ou l'organisation) qui achète une prestation de conseil achète certes l'indépendance, la méthode et l'engagement du consultant dans la résolution de son problème, mais elle achète avant tout une compétence et une expérience sur un problème donné (A. LEGENDRE 1987). On aura par exemple des conseils plutôt proches des PME ou de grandes entreprises, plutôt compétents dans la stratégie ou alors dans la qualité... Dès lors, étant donné qu'un individu ne peut faire face à tous les problèmes d'entreprise, il y a spécialisation des consultants.

Concrètement, on pourra observer cette spécialisation au travers des individus qui composent le cabinet, chacun des individus intégrant des compétences spécifiques, mais également au travers de la spécialisation du cabinet sur un créneau précis.

La spécialisation conduit les cabinets à s'entourer de partenaires quand ils n'ont pas toutes les compétences requises pour une mission (par exemple au niveau droit du travail, propriété industrielle, compétences juridiques, capacités à travailler à l'international...)102. Le cabinet doit coordonner tous ses partenaires, il a alors une fonction d'intégrateur de sous-système. Cela lui permet de proposer des services professionnels, globaux et complets à ses clients.

Cette tendance à l'externalisation est liée à la recherche d'économies externes : les coûts variables se substituent aux coûts fixes. Mais la recherche du moindre coût n'est pas le seul enjeu de l'externalisation de service, la mobilisation des compétences y est cruciale : ‘"(...) dans nombre d'activités, le recrutement de compétences, leur disponibilité, leur entretien et leur régénération ne peuvent être assurés par l'entreprise utilisatrice ; des besoins aléatoires ou trop peu fréquents ne permettent pas de maintenir en interne un emploi permanent, ni de fournir les éléments nécessaires au renouvellement de compétences pointues. L'externalisation vers une entreprise de service ou un consultant permet alors à l'entreprise utilisatrice de bénéficier de compétences exercées en continu et de l'expérience acquise"’ (J. BONAMY, N. MAY 1997, p. 269).

Comme le soulignent A. BAILLY et W. COFFEY (1991), ‘"(...) la proportion de services liés externes utilisée par une firme reflète la prolifération d'établissements spécialisés en fonction de la division sociale du travail et de l'évolution de la demande"’ (A. BAILLY, W. COFFEY 1991, p. 339). On a donc au centre un cabinet spécialisé dans un ou plusieurs domaines et en orbite des cabinets complémentaires (eux-mêmes spécialisés). Dans certains cas, il s'opère un processus d'autonomisation quand l'entreprise de service (qui propose le service de base) voit certains de ses services périphériques devenir autonomes, c'est-à-dire que le service de base n'est plus nécessaire à la réalisation du service périphérique et inversement103.

Cette tendance à la spécialisation conduit à la bipolarisation croissante de l'offre (J. GADREY 1989) avec d'un côté une concentration des plus grandes entreprises mondiales et de l'autre la multiplication de niches créées et exploitées par des PME du conseil.

Notes
102.

On aborde ici une autre forme de rationalisation qui passe par l'allégement des structures et notamment par un recours croissant à la sous-traitance.

103.

P. EIGLIER et E. LANGEARD (1987, p. 86) parlaient déjà d'"(...) un périphérique qui constitue pour certains clients la raison principale de leur venue, et devient ainsi un service de base. Ce nouveau service de base, dit «dérivé», avec quelques autres périphériques, va devenir à son tour une offre de services, conduisant à son propre service global pour un autre segment du clientèle".