d - "(...) il n'y a pas de bon service conseil sans professionnalisme" (P. EIGLIER, E. LANGEARD 1989, p. 76)

Le professionnalisme se développe avec les exigences des clients. Ils n'attendent plus seulement d'un consultant qu'il apporte un conseil, une recommandation, une direction à suivre mais qu'il aille au-delà de cela, et qu'il mette en oeuvre ses prescriptions en les intégrant104 de manière adéquate à l'entreprise. Le professionnalisme se relève alors dans l'articulation de la prestation aux particularités de l'entreprise cliente, dans l'adaptabilité croissante des cabinets par rapport à la définition des produits-services offerts, aux changements de clientèle, aux exigences de la clientèle, aux modifications dans les structures et les contenus des emplois (A. BARCET, J. BONAMY 1985).

Le professionnalisme, qui va s'observer dans la qualité du service et dans les résultats obtenus chez le client (qualité du travail), passe d'abord par les consultants.

En nous appuyant sur les travaux de O. HENRY et C. SAUVIAT et notamment sur leur article sur "L'espace de la production de conseil" (1991), on peut repérer deux types de stratégie dans les entreprises de conseil du point de vue du recrutement :

Quelle que soit la stratégie du cabinet, le métier s'apprend également par la formation interne, c'est-à-dire par lecture, base de données, séminaires internes, lien avec le réseau du cabinet, compagnonnage, parrainage. Ces deux derniers modes stimulent les échanges entre consultants : le parrainage met en relation des consultants de statuts différents dans la même structure ; le compagnonnage relie des consultants, de statuts similaires ou non, de la même structure ou d'ailleurs. Pour A. BOUNFOUR (1989, p. 31), ‘"(...) compte tenu des nouvelles exigences du métier, le consultant de demain devra avoir une triple compétence : une compétence technique (connaissance intime des processus industriels, par exemple), une compétence managériale et une compétence créative (formalisation et capitalisation des expériences). Autrement dit, le consultant devrait être à la fois ingénieur, gestionnaire et chercheur"’. L'auteur ne manque pas de souligner l'importance d'une quatrième compétence, le savoir-être : c'est tout "l'art de l'intervention" (Rapport du Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie 1998), qui correspond au comportement devant l'entreprise cliente, à la capacité d'écoute, à la pédagogie, à l'art de la modélisation, au sens des valeurs et des structures, à la perception des rapports de forces et des enjeux...

Le professionnalisme peut apparaître également dans le développement de la R&D (il s'agit par exemple de construire de nouveaux outils d'analyse) stimulé par la concurrence et par le fait qu'il faut toujours avoir une longueur d'avance sur les clients108 109. Chez McKINSEY, on parlera de "Centres de compétences", chez Booz Allen de "Practices" ; en fait il s'agit de groupes de travail réunissant des consultants du monde entier pour faire le point sur une question, formaliser les expériences acquises et proposer à l'ensemble du cabinet de nouveaux outils d'analyse (J.-P. DETRIE 1989). Cette tendance au formalisme est la marque d'un professionnalisme grandissant : en effet, une prestation intellectuelle, par définition intangible, a besoin d'originalité dans sa présentation pour séduire et convaincre, c'est pourquoi les professionnels cherchent à formaliser leurs compétences distinctives afin de rassurer le client et de se positionner (G. GASTOU, M. THEVENET 1989).

Enfin, le professionnalisme c'est une certaine philosophie du cabinet, le respect de règles (déontologie) qui vont dans le sens des intérêts du client110, des partenaires, des membres du cabinet.

D'une manière générale, on peut dire que la professionnalisation croissante du conseil devient obligatoire devant la concurrence qui règne sur le marché et devant les exigences croissantes des clients (G. GASTOU, M. THEVENET 1989). Le professionnalisme est donc pluriel : professionnalisme des consultants et du cabinet ; et il rejaillit sur la qualité de la prestation.

Notes
104.

On parlera de processus d'intégration ou d'"implementation" selon les anglo-saxons.

105.

"(...) le vivier de diplômés reste extrêmement limité : Polytechnique, HEC, Essec, ESCP, Ecole des Mines, Ponts & Chaussées, Centrale, plus rarement l'ENA ou les ENS (...)" (A. REVERCHON 1999, p. III).

106.

"(...) des formations complémentaires sont offertes à tous les débutants dans des écoles internes comme Saint-Charles (Chicago) pour Andersen Consulting, Cape Cod (près de Boston) pour Bain & Cy, Tampa (Floride) pour Price Waterhouse. Et McKinsey songe à ouvrir sa propre Université d'entreprise" (A. REVERCHON 1999, p. III).

107.

"(...) les jeunes diplômés inexpérimentés sont tout d'abord «débutant» puis, au-delà de 6 mois, ils deviennent «juniors» et après 1 an et demie, ils sont «confirmés» : «on monte une marche du podium tous les 18 mois» (responsable des ressources humaines d'un gros cabinet de conseil). Lors des trois premières années (de «débutants» à «confirmés») on demande aux consultants d'être de plus en plus autonomes, ils doivent démontrer leur fiabilité technique. Au delà de cette période, le consultant, s'il devient «senior», devra à son tour encadrer techniquement des plus jeunes que lui. A l'issue d'une période totale de 4/5 ans, le «senior» deviendra «manager», il sera le «patron» d'une petite équipe et devra commencer à «revendre» c'est-à-dire à mener des opérations commerciales. Le «manager» traitera des contrats de plus en plus gros et complexes. A ce stade trois dérivées sont possibles : il peut devenir un «expert», le «patron du centre de profit» qui fonctionne comme un petit cabinet à l'intérieur du cabinet ou un «développeur» de nouveaux produits, marché ou méthodologies. Ainsi sur 350 consultants, un tiers en moyenne sont des «managers» et un dixième à peine atteignent ces trois dernières fonctions. C'est à ce niveau que les nouveaux «partners» sont cooptés (en moyenne un partner tous les deux ans)" (O. HENRY, C. SAUVIAT 1991, p.39).

108.

Les clients développent en permanence leurs demandes, c'est-à-dire qu'ils développent en permanence leurs modes de pensée, leurs pratiques en management, leurs visions, leurs représentations de l'environnement..., pour les adapter aux conditions du moment. Par conséquent, leur demande de conseil évolue en parallèle (G. GASTOU, M. THEVENET 1989).

109.

"Dans la relation de coproduction requise pour la production d'un service intellectuel, le client va en effet non seulement s'approprier une réponse à sa question, mais aussi des éléments de méthode et de connaissances diverses qui ont été mobilisées par le prestataire pour faire émerger cette solution. (...) Pour pouvoir justifier son intervention, le prestataire doit pouvoir laisser supposer a priori, et démontrer en acte, l'existence d'un différentiel d'expertise entre lui-même et son client" (A. MAYERE 1994, p. 105).

110.

L'engagement de la part du producteur de respecter une "charte de déontologie" (A. BARCET, J. BONAMY 1994 b) peut faire l'objet d'une certification, même si le conseil ne peut être normalisé. Il s'agit en fait de préciser un certain nombre de procédures qui portent, non sur le contenu du service, mais sur son déroulement ; "Le but de cette charte est de préciser le «phasage» du déroulement du service, d'anticiper des moments de rencontre privilégiés entre le client et le producteur, permettant de vérifier si le contenu de la prestation évolue dans le sens souhaité" (A. BARCET, J. BONAMY 1994 b, pp. 168-169).