a - Du côté du client

Tout d'abord, le client peut se demander si le prestataire a bien cerné son problème. En fait, selon les informations qui vont être données au consultant, selon les informations qu'il va solliciter, selon la manière dont il va percevoir l'entreprise, son environnement, la complexité du problème..., il va se représenter le besoin. C'est pourquoi le problème ou la question est multidimensionnel(le) et est fonction de la perception qu'en ont les individus. Le consultant a-t-il bien décoder les véritables besoins de l'entreprise ?

Ensuite une autre incertitude plane sur la pertinence des objectifs. Étaient-ils bons par rapport aux besoins réels de l'entreprise, sachant que ceux que l'entreprise se fixe ne sont pas forcément ceux qu'elle doit rechercher. Le problème peut venir du fait que le dirigeant n'a pas correctement précisés ses objectifs ; il se peut également que le cabinet conseil ne les a pas reformulés ou même remis en cause (il n'est pas toujours simple de contester un besoin exprimé par un client...). Lorsque le client fait déterminer les objectifs à atteindre par le cabinet, comment savoir si les objectifs proposés sont les bons ? Ils sont le résultat du processus d'analyse du consultant utilisant des méthodologies éprouvées, mais celles-ci sont-elles utilisées à bon escient (seuls les experts peuvent le dire), correspondent-elles au bon sens, ne sont-elles pas que "du vent"... Le client a-t-il choisi le bon cabinet, n'est-il pas trop spécialisé ?

De plus, le prestataire a une obligation de moyens vis-à-vis du client, c'est-à-dire qu'il doit mettre en oeuvre tous les moyens requis pour la prestation de service.

Cependant, le prestataire n'a pas comme dans le cas des biens une obligation de résultat, c'est-à-dire qu'il n'a pas de responsabilité en ce qui concerne le produit ou le résultat. En effet, dans le cas des biens, le produit doit comprendre un ensemble de spécifications techniques définies ou promises au préalable, qui servent de référence en cas d'insatisfaction, de litiges. Dans le cas des services, on l'a vu, il n'y a pas de référence à des spécifications techniques, c'est pourquoi l'obligation de résultat n'est pas pertinente143. Par exemple, le consultant doit mettre en oeuvre tous les moyens prévus, mais il ne peut garantir le succès de la stratégie ou la survie de l'entreprise en difficulté... (J. DE BANDT 1998) alors que c'est bel et bien pour obtenir de tels résultats que le client fait appel à lui.

En fait ce qui est attendu du prestataire, c'est qu'il consacre les compétences, les efforts et le temps requis pour aider le demandeur à résoudre un problème, à répondre à une question, à satisfaire un besoin, à changer d'état (J. DE BANDT 1998). Mais est-ce que le prestataire met en oeuvre tous les moyens requis par la prestation ?144 Fait-il tout ce qu'il faudrait, se donne-t-il à plein ou alors se permet-il de faire quelques "impasses" ou raccourcis au sein du processus de production (J. DE BANDT 1998) ?

Il y a cependant quelques contradictions qui apparaissent. On a vu précédemment que le client était beaucoup plus avisé que par le passé, et recherchait l'efficacité, attendait des solutions opérationnelles. Autrement dit, les consultants sont invités à aller au delà de leurs recommandations, c'est-à-dire à suivre la mise en oeuvre des solutions afin de vérifier leur faisabilité. Ce qui signifie une certaine obligation de résultat. Plus précisément, le consultant a donc bien une obligation de résultat mais seulement en ce qui concerne le produit immédiat (J. DE BANDT 1998) : il doit faire ce qu'on attend de lui en référence à des normes professionnelles établies. Autrement dit, le produit immédiat correspond à la prestation reçue et se manifeste par le paiement du conseil ; cet effet direct permet de dissocier l'activité, des effets ultérieurs (résultats médiats), c'est-à-dire que la prestation (la "marchandise" payée) n'est pas le produit principal du service mais elle n'est qu'un "pré-output" (J. GADREY 1988 a). Ainsi, ‘"(...) le fait de payer pour s'approprier privativement le droit d'usage pendant un certain temps, des qualités particulières d'un prestataire de service (...), conduit à se représenter, (...), une sorte d'output que nous désignerons par le terme d'output direct ou immédiat"’ (J. GADREY 1988 a, p. 132). L'obligation de résultat ne concerne pas le produit médiat car ce résultat final ne peut être assuré ou garanti, c'est-à-dire qu'il ne dépend pas seulement de la qualité de la prestation, il dépend aussi des compétences des clients et parfois des compétences d'autres consultants (quand le cabinet fait appel à des prestataires), sans oublier l'impact de l'évolution de l'environnement. Le produit médiat est l'indicateur des effets produits par les services sur leurs bénéficiaires ; on prend donc en compte dans ce cas les véritables transformations qu'ils produisent. En effet, une prestation de conseil est un rapport social, ceci implique que ‘"(...) le résultat «traverse» les individus et les groupes d'utilisateurs et se transforme en fonction du mode d'assimilation, des structures réceptrices, etc..."’ (J. GADREY 1988 a, p. 131). Les seuls vrais résultats sont donc indirects, médiatisés, en ce sens qu'ils s'intègrent progressivement aux individualités et aux savoirs des consommateurs (J. GADREY 1988 a)145.

Enfin, comme tout à l'heure lorsque nous parlions de la multidimensionnalité de la question, on peut attribuer la même caractéristique à la réponse : elle est également multidimensionnelle146. Le client peut donc légitimement se demander si la solution retenue est la meilleure puisqu'il existe diverses façons d'opérer un changement. Le client peut alors avoir des doutes quant à la pertinence de la réponse : le consultant n'a-t-il pas réduit la complexité de la réponse (il n'aurait pris en compte que certaines dimensions du problème) parce qu'il a une méthodologie de résolution de problèmes toute faite (installation d'une solution qu'il maîtrise (trop) bien)... La réponse correspond-t-elle pleinement à l'entreprise, à ses spécificités, est-elle sur-mesure ou bien, est-ce que le consultant fait du copier-coller ? Autrement dit le client peut se demander si le contrat était finalement dans les possibilités du cabinet.

Notes
143.

Les textes juridiques n'attribuent au conseil qu'une obligation de moyens (Rapport du Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie 1998, p. 56).

144.

Cependant, les obligations de moyens comme de résultat sont affaire de type de mission, d'intensité de la co-production, d'expérience et de savoir-faire du prestataire. En fait, plus l'intensité de la co-production est forte, plus il est délicat de faire s'engager le cabinet sur des résultats sauf à les circonscrire par des engagements de moyens de la part des entreprises. De même, plus les missions sont matérielles, plus l'engagement de résultat pourra prendre le pas sur l'engagement de moyens.

145.

Le produit médiat donne une place privilégiée au procès et au mode de consommation (cf. le processus d'utilisation dans la "chaîne économique globale", A. BARCET 1998).

146.

"On ne peut plus pratiquer comme avec un dentiste, que l'on choisit sur simple recommandation, car il n'y a pas une pratique du conseil mais une multitude" (J.-B. HUGOT 1993, p. 3).