3 - Une fois la prestation terminée

Certains effets de la prestation sont visibles rapidement après la relation de service, par exemple le débit d'une ligne de production. D'autres n'apparaissent que plus tard, par rapport à l'exemple précédent, les effets d'un plus grand débit de la ligne de production peuvent être négatifs : mouvements sociaux, difficultés techniques (engorgements)...

Quels que soient ces effets, le conseil ne pourra être évalué qu'une fois la solution mise en oeuvre. Autrement dit, c'est seulement après la relation de service et une fois que les effets apparaissent que le client peut se prononcer par rapport à la prestation. Mais cela reste très subjectif et relève de la perception qu'à le client de la qualité du travail et du service du prestataire, et de sa perception des effets (très intéressants, moyennement intéressants). Un autre client ou un membre de l'équipe client pourra avoir une toute autre perception. Le client peut également s'interroger sur les objectifs : les objectifs préalablement définis sont-ils atteints ? La réponse est délicate : leur matérialité n'est certes pas contestable (puisque que l'on constate certains effets), mais elle ne prend pas la forme simple d'un volume isolable (J. GADREY 1988 a). De même, quand mesurer la satisfaction de l'entreprise : dès la fin de la prestation, six mois ou un an après... On en revient toujours à cette question : comment situer et mesurer les "vrais" résultats ? Toujours est-il que lorsqu'ils ne sont pas atteints (dans le cas où ils auraient pu être mesurés), il est délicat de situer les "vraies" responsabilités : qui est en cause, le client ou bien le prestataire ?

Le conseil apparaît alors comme un service qui a des "attributs de confiance" au sens où il ne peut que partiellement être évalué avant l'achat et seulement très incomplètement après utilisation149, car il y a non séparabilité des résultats vis-à-vis des personnes, participation conjointe à des degrés divers des prestataires et des bénéficiaires, degré d'individualisation et d'adaptation de la prestation. Jusqu'à un certain point, l'entreprise ne peut jamais savoir si le conseil a fourni une performance optimale. L'incertitude qui plane est la suivante : le client reçoit-il la valeur maximale ?

Comme le service n'est pas un "objet" qui permettrait d'objectiver la rencontre de la vision de l'offreur et celle du demandeur, des écarts entre ces visions peuvent apparaître. J. DE BANDT (1998) a réalisé une tentative de représentation des prix et des produits au travers d'enquêtes (en 1993) menées auprès de clients et prestataires de services informationnels150, laquelle fait ressortir des degrés élevés d'insatisfaction réciproque dans les relations entre eux. Même si l'auteur reconnaît qu'une telle comparaison est délicate (il s'agit de produits complexes et les appréciations des uns ou des autres restent très subjectives), il ressort que les prix sont systématiquement en deçà des résultats escomptés et que les prix payés sont supérieurs aux résultats obtenus (degré de satisfaction a posteriori faible). Selon l'auteur, ces données ‘"(...) illustrent assez bien ce que semble bien être la forte dualité de la situation de base dans nombre d'activités informationnelles : une combinaison de très fortes attentes et de résultats médiocres, une combinaison de prix considérés à la fois comme acceptables (a priori) et exorbitants (a posteriori), des clients/consommateurs qui, en dépit de cela, manifestent des besoins toujours plus importants en la matière"’ (J. DE BANDT 1998, p. 66).

Si on s'intéresse plus particulièrement aux effets médiats, ces derniers vont dépendre du client, le prestataire ne peut les garantir. En effet, c'est le client qui mène le jeu, tout dépendra des connaissances qu'il aura pu retirer de la relation de service, de leur valorisation. En fait, l'efficacité principale de la prestation reçue réside dans son impact sur l'entreprise ou l'organisation, c'est-à-dire que le service n'a d'intérêt qu'en raison des effets qu'il aura sur le système dans lequel il s'insère (A. BARCET, J. BONAMY 1994 b). Ainsi, les résultats médiats dépendent des qualités des uns et des autres, et surtout du mode d'assimilation et de réception des clients : l'output est donc difficilement identifiable comme produit du travail des prestataires parce qu'il fait intervenir simultanément les caractéristiques voire l'activité des bénéficiaires (J. GADREY 1988 a). Les effets médiats découlent donc d'un ensemble d'effets sociaux de la consommation (plus ou moins) active des prestations. Mais, pendant la relation de service, le prestataire avait-il suffisamment préparer le client, ce dernier était-il bien formé ? Peut-être que ces limites proviennent d'un manque de compétence du côté du client... L'accompagnement de l'équipe interne a-t-il été favorisé afin de capitaliser les leçons du projet, d'organiser le drainage de la richesse acquise dans l'ensemble de l'entreprise...151 Est-ce que ce sont des facteurs externes152 qui affectent le résultat ou alors les faiblesses du prestataire ?

Une fois la prestation terminée, le prestataire va-t-il respecter les intérêts du client, c'est-à-dire la confidentialité des informations dont il aura eu connaissance dans la relation de service. Le prestataire ne va-t-il pas les dévoiler à la concurrence ? On touche là au respect de la propriété intellectuelle du client par le prestataire, mais c'est aussi important dans l'autre sens, c'est-à-dire le respect de la propriété intellectuelle du prestataire par le client153 : le consultant mérite la considération que l'on doit à un partenaire, sa propre propriété intellectuelle dans les méthodologies par exemple doit être respectée par l'entreprise lorsqu'elle est clairement identifiée154. Se pose alors le problème des obligations réciproques et des responsabilités respectives des cocontractants.

Respecter les intérêts du client, c'est aussi éviter la vente forcée. Le prestataire peut voir la prestation réalisée comme un tremplin, comme le moyen de "caser" d'autres prestations. Mais celles-ci sont-elles dans l'intérêt du client ? De même, les écarts entre la situation de départ et le résultat escompté peuvent être un argument du prestataire pour convaincre le client qu'il faut prolonger la mission, d'autant plus que les clients ignorent les difficultés de la prestation de service et donc les volumes de ressources et les efforts requis pour résoudre le problème ou répondre à la question (J. DE BANDT 1998).

Notes
149.

Comme le service est intangible c'est-à-dire comme il ne peut être touché, dans l'absolu il serait possible de comparer différentes prestations à condition de toutes les tester, c'est-à-dire que la comparaison se ferait à l'usage. Bien évidemment dans la réalité cela est impossible.

150.

Selon J. DE BANDT (1998, p. 62), "Les activités informationnelles sont des activités produisant, organisant et communiquant des informations et de la connaissance".

151.

Toutes les astuces, toutes les leçons, que peut retirer le client de la relation de service, sont qualifiées dans le rapport du Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie (1998) d'"enrichissement diffus" (par exemple le client a appris à travailler d'une certaine façon).

152.

Par exemple : accidents ou événements fortuits, comportements ou interventions de tierces personnes, facteurs aléatoires... (J. DE BANDT 1998).

153.

Le respect de la propriété intellectuelle va encore plus loin quand des partenaires sont impliqués dans les missions.

154.

Le pillage intellectuel des cabinets (méthodes, brevets éventuels, etc.) outre qu'il lèse gravement celui qui en est victime, n'incite pas la communauté du conseil au développement d'outils..., ce qui en définitive est préjudiciable à l'entreprise.