b - H. A. SIMON et la rationalité limitée

Une autre forme d'ouverture s'observe avec les travaux d'Herbert A. SIMON193 où est remis en cause un des fondements du modèle néoclassique, celui de rationalité parfaite de l'entrepreneur et donc de la firme. Selon cet auteur, les agents ne disposent pas d'un savoir "prêt à l'emploi" sur toutes les alternatives qui s'offrent à eux ; les décideurs méconnaissent l'intégralité des conséquences de leurs choix ; les individus ne disposent pas nécessairement d'une fonction d'utilité qu'ils sont en mesure de maximiser.

Dès lors, H. A. SIMON va distinguer la rationalité substantielle, celle qui conduit les agents à faire des choix individuellement voire socialement optimaux (les agents ont la capacité d'envisager tous les paramètres de la décision), de la rationalité procédurale, qui postule que les agents vont mettre en oeuvre des stratégies pour parvenir à des situations leur paraissant préférables194 (principe de maximisation remplacé par celui de satisfaction ou "satisfacing"). ‘"Ainsi l'approche par la rationalité procédurale conduit à l'étude approfondie des processus de prise de décision, de la firme et dans la firme, en situation complexe"’ (B. CORIAT et O. WEINSTEIN 1995, p. 23).

Les agents économiques ne sont pas omniscients car entre le moment où ils prennent une décision et le moment de l'action, le contexte peut avoir changé... Ils ne peuvent donc prendre en compte tous les états de la nature (problème dans les anticipations, problème d'information). Cela provient de trois types de limites des agents économiques :

  • limites dans la perception des opportunités,

  • limites dans la conscience des relations moyens-fins,

  • limite dans la vitesse de "computation".

Dans le monde réel, le fait de ne pas disposer d'une rationalité substantielle mais procédurale est compensée par un apprentissage continuel. La firme, par l'intermédiaire des individus, est constamment en alerte pour identifier et corriger les problèmes et s'améliorer.

C'est pourquoi, au lieu de parler d'un mécanisme d'optimisation (l'atteinte d'un point fixe qui est la maximisation du profit ou l'optimum), nous préférons parler de mécanisme d'adaptation (principe de satisfaction) qui définit une situation satisfaisante parmi d'autres (des points fixes potentiels se profilent). Ce dernier mécanisme met en oeuvre un principe de recherche (search), c'est-à-dire que les alternatives offertes à un agent ne sont pas données mais doivent faire l'objet d'une exploration.

Dans cette logique-là, un peu plus d'épaisseur est attribuée à la firme. Le relâchement de l'hypothèse de rationalité parfaite écarte dans le même temps l'hypothèse d'un comportement complètement optimal et le postulat de maximisation du profit. Nous pouvons alors considérer que l'entreprise poursuit divers objectifs mais pour lesquels elle ne cherche pas un optimum, mais plutôt un certain seuil de satisfaction.

Notes
193.

Prix Nobel d'économie en 1978 et un des fondateurs de la théorie de la décision.

194.

Par exemple, quand il recrute un nouveau consultant, le dirigeant du cabinet n'a ni le temps, ni les moyens d'envisager toutes les configurations possibles ; il trouve en général une solution "satisfaisante" qui n'est pas forcément la meilleure en théorie.