d - H. LIEBENSTEIN et la théorie de l'efficience X

L'analyse de la firme de H. LIEBENSTEIN se situe dans la perspective des travaux de H. A. SIMON, R. M. CYERT et J. G. MARCH. Selon cet auteur, deux entreprises identiques qui utilisent les mêmes facteurs de production n'aboutissent pas aux mêmes résultats ; cela provient de la qualité de l'organisation. Ce facteur organisationnel est appelé "facteur d'efficience X", il permet d'obtenir la plus grande intensité d'utilisation des facteurs et par là de faire la différence197. ‘"Les éléments essentiels qui affectent ce comportement (ndt : celui de la firme) ne sont pas seulement ceux qui existent entre un individu et une entreprise, mais plutôt les liens invisibles et autres relations entre individus. En d'autres termes, la firme n'est pas simplement un ensemble de relations contractuelles isolées entre employé et entreprise"’ (H. LIEBENSTEIN 1987, p. 4).

Cet accent mis sur les relations internes place au premier plan de son analyse le rôle du manager dans la gestion efficiente de telles relations, cette efficience étant, bien entendu, une efficience non-allocative. ‘"En fait, nous pouvons noter qu'avec l'introduction de l'efficience-X la firme gagne un facteur d'épaisseur, issu de la décision et de ses corollaires en termes d'inégalités informationnelles, de contraintes environnementales différentes, de perceptions des situations divergentes, induisant des écarts entres les actions engagées par la suite (...). LIEBENSTEIN propose ouvertement de faire pénétrer dans la firme l'entrepreneur qui n'aurait jamais dû en sortir, son rôle dans le cadre de l'organisation de la production s'affirmant par la manifestation d'un effet de productivité (efficience induite) au travers de la motivation, de l'organisation de la gestion des affaires"’ (E. WANSCOOR 1995, p. 98).

La firme est ici appréhendée comme un jeu de négociation coopératif. Les travaux de H. LIEBENSTEIN mettent en lumière l'enjeu d'une analyse de la firme en termes de structure de coalition. La question fondamentale posée est donc celle de l'existence de procédures qui conduiraient à ce que les membres de la coalition choisissent la solution optimale de leur propre point de vue ainsi que de celui de la firme. Ces travaux débouchent sur une exploration des incitations (salaires, contrats de travail, etc.).

Ainsi, H. LIEBENSTEIN développe une analyse critique à l'encontre de l'approche standard, en proposant de changer la fonction-objectif de l'analyse standard de la firme et le niveau d'analyse : on passe d'une analyse micro à une analyse micro-micro. Cette dimension micro-micro confirme l'importance accordée à l'organisation interne de la firme ‘"(...) la théorie micro-micro s'intéresse au comportement intra-firme et aux relations ou interactions entre personnes et leur influence sur le comportement de la firme"’ (H. LIEBENSTEIN 1979, p. 478).

Pour terminer nous dirons seulement que H. LIEBENSTEIN apporte une vision nouvelle de la firme où la productivité est déterminée par l'intensité de l'effort et l'organisation, et non par une combinaison de facteurs, et où les conventions, contrats, implicites ou explicites, jouent un rôle central.

Notes
197.

"Dans un article célèbre (1966), Leibenstein expose la thèse selon laquelle l'allocation des facteurs et l'état de la technologie ne suffisent pas entièrement à expliquer la production d'une entreprise. Quelque chose de plus est impliqué, qu'on peut appeler l'effort, non pas au sens strictement physique, mais dans un sens plus large, en partie psychologique. On observe la plupart du temps un écart entre le comportement optimal d'une entreprise tel que le prédit la théorie économique et son comportement effectif, écart dû, entre autres, à l'absence de la pression concurrentielle présumée. L'efficience-X vise à rendre compte de ce facteur manquant" (M. BEAUD, G. DOSTALER 1993, p. 400).