b - O. E. WILLIAMSON

O. E. WILLIAMSON est le chef de file actuel de l'économie des "coûts de transaction", il s'inscrit dans le prolongement des travaux de R. H. COASE226.

O. E. WILLIAMSON identifie les caractéristiques pertinentes des transactions, et précise les structures de gestion les plus adéquates en fonction de chaque type de transaction.

Au total le choix entre marché et hiérarchie repose sur un arbitrage entre la force incitative des mécanismes de marché, et l'adaptabilité qu'apporte le pouvoir discrétionnaire de la hiérarchie. L'approche en termes de contractualisation va permettre de comprendre pourquoi il existe deux institutions différentes (l'entreprise et le marché) qui ont pour même fonction de réguler l'activité économique (O. E. WILLIAMSON 1998).

La théorie de la firme proposée par O. E. WILLIAMSON se propose d'expliquer pourquoi se forment différents types d'institutions économiques ou d'arrangements institutionnels. O. E. WILLIAMSON cherche donc à définir la structure de "governance"227 efficiente. Comme pour R. H. COASE, l'hypothèse d'incomplétude des contrats est maintenue, mais celle-ci ne se présente pas comme une difficulté à dépasser, mais elle participe à la définition d'un mode de coordination adéquat. L'objectif de O. E. WILLIAMSON est donc de définir ex post des modes d'allocation susceptibles d'atténuer les effets pervers de cette incomplétude, compte tenu de diverses hypothèses. Dans son analyse, la firme apparaît comme le mode de coordination le plus à même de limiter les coûts de transaction en général et les coûts liés à la manifestation de l'opportunisme en particulier. Comme chez R. H. COASE, la firme apparaît comme un mode de coordination alternatif au marché, mais, et c'est là l'apport de O. E. WILLIAMSON, elle peut limiter les effets pervers de la recherche de l'intérêt individuel parce qu'elle présente une spécificité par rapport au marché : elle se structure autour du rapport d'autorité.

Dans l'analyse de O. E. WILLIAMSON, il y a des variables qui conduisent à l'émergence des coûts de transaction -rationalité limitée et opportunisme des agents- et des variables qui définissent le contexte dans lequel ces coûts se manifestent -spécificité des actifs, incertitude et fréquence des transactions-.

Quand O. E. WILLIAMSON parle de rationalité limitée, il fait en fait allusion à la rationalité parfaite mais dans sa forme atténuée. ‘"La rationalité limitée est une forme semi-forte de rationalité selon laquelle les acteurs économiques sont supposés «intentionnellement rationnels, mais limités dans leur capacité à le faire» (SIMON 1961, p. XXIV)"’ (O. E. WILLIAMSON 1985, p. 45). Autrement dit, l'agent a l'intention d'avoir un comportement rationnel mais il est limité. C'est une rationalité allocative qui ne remet pas en question le principe du calcul rationnel (qui correspond à la minimisation du coût de transaction chez O. E. WILLIAMSON). La rationalité est limitée de par le manque d'information et de par les limites que rencontrent les agents dans la collecte, l'interprétation ou le stockage de l'information. Cependant, si la rationalité était parfaite (au sens néoclassique), l'agent ne serait pas limité dans ses possibilités de calcul, quel que soit le degré de complexité de l'environnement dans lequel il évolue. Si la rationalité était limitée, mais l'environnement sans incertitude, la coordination de marché serait sans faille. Aussi, les coûts de transaction vont naître de l'association de la rationalité limité et de l'incertitude : ces deux conditions rendent inévitables la passation de contrats incomplets sur le marché. Ainsi son analyse intègre les hypothèses de comportements avancées par H. A. SIMON : les agents économiques fonctionnent selon le principe de la rationalité limitée et non de la maximisation. Par conséquent les contrats qui règlent les rapports entre les personnes ne peuvent être qu'incomplets, car personne ne peut prévoir de façon certaine les décisions prises par les individus. Cette incomplétude des contrats peut conduire certains agents à des comportements "opportunistes", c'est-à-dire à rechercher leur intérêt personnel par divers moyens (triche, ruse, etc.) au détriment de l'entreprise.

‘"L'opportunisme renvoie au présupposé conventionnel selon lequel les agents économiques sont guidés par des considérations d'ordre personnel dans le cadre d'un comportement stratégique"’ (O. E. WILLIAMSON 1975, p. 26). Autrement dit l'opportunisme est une tendance des agents à agir dans leur propre intérêt au détriment de leurs partenaires. L'opportunisme se manifeste dans un contexte d'asymétrie de l'information, caractéristique du contrat incomplet. En effet, il peut provenir d'une part, du fait qu'un individu ne respecte pas ses engagements quand le contrôle de son comportement est coûteux pour un observateur ("hasard moral"), d'autre part quand la productivité d'un individu ne peut se calculer facilement du fait de la complémentarité des actifs, d'où problème du partage de la rente ("sélection adverse"). Le risque d'opportunisme accroît les coûts de transaction (coût de négociation et de supervision d'un contrat) et incite à l'internalisation de la transaction.

Trois variables permettent de définir le contexte de la transaction : deux aident à préciser la nature de la transaction (la spécificité des actifs mobilisés et la fréquence des transactions), une autre, l'environnement de la transaction (l'incertitude).

La notion de spécificité des actifs peut s'interpréter en termes de complémentarité et de redéployabilité. Les actifs sont spécifiques quand ils sont complémentaires (leur coopération permet de générer une quasi-rente par rapport à leur utilisation sans coopération) et quand ils sont faiblement redéployables parce qu'ils sont spécialisés (capables de ne réaliser qu'un nombre limité de tâches), localisés de manière particulière ou parce qu'il n'existe pas de marché d'occasion. Étant donné la spécificité des actifs, la cessation de la coopération a un coût (E. BROUSSEAU 1989). O. E. WILLIAMSON a identifié quatre sources de spécificité des actifs : les caractéristiques géographiques (sites) notamment pour une immobilisation, la spécialisation liée aux caractéristiques des actifs physiques qui les destinent à la production d'un modèle déterminé de biens, les caractéristiques propres aux ressources humaines (savoir, carnet d'adresses, expérience, etc.), la complémentarité qui veut que certains actifs soient dédiés à la collaboration avec un seul autre type d'actifs (exemple d'un terminal informatique vis-à-vis d'une unité centrale). La spécificité des actifs va alors changer la nature des relations entre agents et notamment induire une plus grande dépendance, ce qui conduit à toute une série de problèmes quant à l'organisation de leurs relations (contrôle des comportements et du respect des engagements, définition de règles de partage des résultats de la coopération qui se noue entre eux), d'où la mise en place de formes contractuelles spécifiques.

L'incertitude chez O. E. WILLIAMSON est relative aux états du monde et aux comportements des participants à la transaction, dans ce cas, l'incertitude porte sur le niveau d'opportunisme des agents. ‘"L'incertitude qui importe ici est celle qui ne peut pas être traitée par les techniques de calcul économique, l'incertitude non probabilisable, c'est-à-dire celle qui bute sur la rationalité limitée"’ (B. CORIAT, O. WEINSTEIN 1995, p. 58). L'incertitude sera au centre de problèmes d'organisation à partir du moment où elle se combine à la spécificité des actifs228.

Une transaction peut être unique, occasionnelle ou récurrente, d'où des fréquences de transaction variées. La fréquence interviendra dès que la transaction va nécessiter un investissement spécifique et agira sur la forme d'organisation choisie (par exemple s'il s'agit d'une transaction unique, l'internalisation dans la firme est peu probable). Une transaction est d'autant plus fréquente qu'elle requiert un investissement spécifique. Inversement, si une transaction se répète, il peut être avantageux d'engager des investissements spécifiques.

Avec ces hypothèses comportementales et ces trois dimensions de la transaction, O. E. WILLIAMSON propose une définition des coûts de transaction : ce sont les coûts de fonctionnement inhérents au fonctionnement d'un système économique. Plus précisément O. E. WILLIAMSON distingue les coûts de transaction ex ante et les coûts de transaction ex post. Les premiers sont les coûts liés à la négociation, à la passation, à la protection des contrats. Les seconds sont de trois types : (1) les coûts liés au fait que la transaction s'effectue hors du cadre préalablement fixé par contrat, (2) les coûts de marchandage liés à la négociation bilatérale entre les deux contractants, en vue de corriger le désajustement observé entre le contrat et la transaction effective, (3) les coûts associés à la renégociation d'arrangements plus précis.

Dans ces conditions, la problématique de l'analyse williamsonienne de la coordination interne consiste à définir ‘"(...) comment organiser les transactions de façon à économiser sur la rationalité limitée tout en se préservant des risques d'opportunisme"’ (O. E. WILLIAMSON 1985, p. 32). Autrement dit, les attributs des transactions peuvent expliquer la diversité des formes d'organisation et sera retenu l'arrangement institutionnel qui minimisera les coûts (coûts de transaction et coûts de production). Ainsi, étant donné la conjonction d'hypothèses (rationalité limitée, opportunisme et spécificité des actifs) vont apparaître des contrats originaux dotés d'une structure de régulation ("governance structure") qui résulte de l'articulation de procédures de contrôle, d'un mécanisme de direction et d'un système d'incitations au respect des termes du contrat.

Globalement, O. E. WILLIAMSON présente la firme comme une modalité de coordination alternative au marché dont l'efficience dépend de sa capacité à limiter les coûts de transaction et plus précisément encore, sa capacité à maîtriser les contraintes liées à la rationalité limitée et à l'opportunisme des agents. O. E. WILLIAMSON considère donc les institutions sociales, et notamment les entreprises, comme des structures de direction d'un réseau de contrats plutôt que comme des fonctions de production. De plus, dans cette analyse la nature des transactions et les hypothèses comportementales sont données, les formes de coordination existantes sont connues, il s'agit de proposer la meilleure adéquation entre la spécificité des transactions et le mode de coordination susceptible d'y parvenir. La meilleure adéquation est la plus efficiente, celle qui minimise les coûts de transaction229.

Un des intérêts de l'analyse de O. E. WILLIAMSON est d'expliquer le choix de la firme par des considérations d'efficience où les coûts de transaction jouent un rôle principal (les coûts de transaction permettent de trancher entre faire ou acheter) ; un autre intérêt est de montrer comment la firme peut assurer la coordination des agents. Par sa démonstration, O. E. WILLIAMSON va rechercher l'origine et la nature de ces coûts de transaction et mettre l'accent sur les comportements opportunistes (analyse fine des comportements individuels et des interactions entre ces comportements) et la spécialisation des actifs.

Même si la théorie des coûts de transaction ressemble sur certains points à la théorie des droits de propriété et à celle de l'agence (termes utilisés similaires : coûts de transaction, de coordination... ; démarche similaire : opposition du marché et de la hiérarchie ; problématique comparable : recherche du mode d'organisation optimal d'un système économique), sur beaucoup d'aspects elles divergent : pour O. E. WILLIAMSON l'entreprise est un système hiérarchique alors que pour les autres théories elle est un simple noeud de contrats entre agents optimisateurs230 ; de même en ignorant les hypothèses comportementales de O. E. WILLIAMSON231, ces théories assimilent les systèmes économiques à des collections d'automates qu'il convient d'organiser de manière optimale.

Toutefois, malgré l'ouverture de la réflexion qu'elle autorise, l'analyse de O. E. WILLIAMSON soulève quelques ambiguïtés qui relèvent de la prise en compte d'agents systématiquement opportunistes. En particulier, la multiplication des coopérations inter-firmes paraît peu compatible avec l'hypothèse d'opportunisme232.

Les travaux de O. E. WILLIAMSON ‘"(...) donnent une justification théorique aux explications plus descriptives du développement de l'externalisation de fonctions et donc par là de la croissance des services aux entreprises"’ (A. BARCET, J. BONAMY 1997, p. 6). Les entreprises auraient donc tendance à faire de plus en plus appel à des prestataires extérieurs (externalisation) et donc à se centrer sur leur activité principale en raison de coûts de transaction plus faibles que les coûts d'organisation. Encore faut-il expliquer pourquoi les coûts de transaction auraient particulièrement diminué dans la période actuelle ou pourquoi les coûts d'organisation auraient particulièrement augmenté, rendant ainsi l'obtention par le marché beaucoup plus intéressante. Mais d'un autre point de vue, la multiplication de ces phénomènes d'externalisation ne semble pas compatible avec l'hypothèse d'opportunisme. En effet, l'importance des coûts de transaction, liés à la mise en place de procédures contractuelles afin de prévenir l'opportunisme, devrait conduire à retenir l'internalisation. Dès lors, on ne peut comprendre ce type d'alliance sans introduire l'idée de confiance entre les parties.

L'opportunisme amène aussi à se demander si la cohésion de la firme est crédible. Si les agents sont totalement opportunistes, les coûts de gestion vont alors être prohibitifs. Là encore le fonctionnement de la firme et son efficacité ne supposent-ils pas d'autres modes de coordination que l'autorité (par exemple la confiance) ?

L'accent sur l'opportunisme post contractuel est le signe de la prise en compte du temps, mais cette vision dynamique n'est que partielle : la firme est plus efficiente que le marché car elle permet une plus grande adaptation dans un contexte de forte spécificité des actifs et d'incertitude, mais rien n'est dit sur les processus de transformation des formes organisationnelles (l'évolution de la firme, les apprentissages)233. En effet, l'accent mis exclusivement sur l'autorité hiérarchique ne permet pas de voir les conditions de fonctionnement d'une organisation (apprentissage, construction du savoir-faire maison, etc.) qui suppose une intégration poussée des salariés dans l'entreprise (F. EYMARD-DUVERNAY 1989).

Une autre critique concerne l'hypothèse de rationalité limitée. La rationalité limitée est une hypothèse comportementale retenue par O. E. WILLIAMSON, mais tout semble se passer comme si une rationalité parfaite était à l'oeuvre dans le choix de la forme de gouvernance. En effet, selon les circonstances, c'est celle qui minimise les coûts de transaction qui s'impose. Dès lors, il n'y a pas de véritable analyse des processus de sélection et de création des formes institutionnelles. La forme choisie est celle qui minimise les coûts de transaction (principe d'efficience)234.

Une critique peut aussi être attribuée aux actifs spécifiques. O. E. WILLIAMSON reconnaît que des capacités spécifiques existent (les "actifs spécifiques"), mais rien n'est dit sur l'apparition et la création de ces ressources. Ces aspects sont exogénéisés.

On peut également reprocher à O. E. WILLIAMSON de faire des coûts de transaction le principe qui préside à l'organisation d'un processus de production. On retrouve cette critique dans les travaux de N. GEORGESCU-ROEGEN (1970), lesquels montrent que l'organisation du processus de production "en usine" n'est en rien réductible à un problème de réduction des coûts de transaction : elle a essentiellement pour but l'augmentation de la productivité par la réduction, voire l'élimination de l'oisiveté des fonds. Dans cette logique, l'accent est mis sur l'analyse des augmentations de productivité permises par la coordination ex ante du travail et du capital productif, d'où une analyse distincte de celle des coûts de transaction.

Pour terminer nous reprenons E. BROUSSEAU (1989, p. 141) pour qui ‘"(...) la superstructure analytique williamsonienne pêche surtout par une prise en compte insuffisante des coûts d'organisation, des mécanismes d'incitation et des interdépendances entre arrangements institutionnels"’. D'une part, l'articulation entre trois types de coûts (production, coordination et incitation) demeure peu analysée (par exemple, les coûts de transaction peuvent être intégrés aux coûts de production, ou encore, une réduction des coûts de production peut entraîner une réduction des coûts de coordination). Aussi, une analyse de l'efficacité productive, incitative et "transactionnelle" (c'est-à-dire efficacité à gérer la rationalité limitée et garantir contre l'opportunisme) des différents types de contrats et des différents modes d'organisation se révèle nécessaire. D'autre part, l'économie des coûts de transaction s'intéresse principalement aux échanges entre producteurs, mais pas aux relations entre producteurs et consommateurs, alors que l'analyse des marchés de consommation finale peut être source d'enseignements intéressants (les relations offreurs-consommateurs peuvent avoir une influence sur les relations entre les offreurs eux-mêmes). Les néo-institutionnalistes évincent alors les questions relatives à l'interdépendance entre arrangements institutionnels et relatives aux caractéristiques des transactions situées en amont ou en aval235.

D'une manière générale, ce qui nous gène le plus c'est l'incapacité de l'analyse de O. E. WILLIAMSON à prendre en compte la spécificité de la firme de service. Il ne s'agit pas de savoir s'il est moins coûteux de faire ou de faire faire ("make" or "buy"). Mais, lorsqu'on s'intéresse aux activités de conseil en management (coproduction, forte implication du client dans la relation de service, durée de la relation de service, etc.), la solution retenue sera la quasi-intégration ("make and buy") : quand la prestation est "sophistiquée", le client ne va pas internaliser la prestation, c'est-à-dire "make" (il n'a pas les compétences), il ne va pas non plus déléguer totalement le travail, c'est-à-dire "buy" (le prestataire externe ne pourra pas apporter de solution s'il reste complètement en dehors de l'entreprise cliente), mais il va participer à la construction de la solution au cours de la relation de service, c'est-à-dire "make and buy"236. L'argumentation conduit alors à relâcher l'hypothèse d'opportunisme pour intégrer l'idée de confiance entre les parties. Par conséquent, l'analyse transactionnelle perd de sa valeur analytique lorsqu'elle néglige l'étude des activités.

Notes
226.

O. E. WILLIAMSON s'inspire également de quatre auteurs :

- J. R. COMMONS et la transaction comme unité fondamentale d'analyse ;

- H. A. SIMON et la théorie de la rationalité limitée ;

- K. J. ARROW et l'importance de l'information ;

- A. D. CHANDLER et l'importance des innovations organisationnelles dans l'évolution de l'industrie et de la firme.

227.

Il s'agit d'un ensemble d'arrangements contractuels, implicites ou explicites, utilisés par les participants à une transaction en vue de s'adapter aux évolutions des conditions de la transaction. "La gouvernance désigne les moyens de contrôle et de guidage, le cadre contractuel, dans lequel se situe une transaction" (O. E. WILLIAMSON 1998, p. 16).

228.

Ainsi l'incertitude chez O. E. WILLIAMSON n'a pas le même statut et les mêmes implications que dans la théorie standard : "(...) dans le cas d'une transaction classique instantanée qui n'implique pas d'engagements pour l'avenir, l'incertitude sur le monde n'a pas d'effet sur l'organisation de la transaction, et l'incertitude comportementale n'a pas lieu d'être" (B. CORIAT et O. WEINSTEIN 1995, p. 58).

229.

"Le choix entre marchés et hiérarchies, c'est-à-dire le choix entre les règles de marché et le pouvoir discrétionnaire de la firme, s'opère entre le fort pouvoir incitatif du marché et l'adaptabilité de la firme. Les règles du marché ont un pouvoir élevé d'incitation mais sacrifient l'adaptabilité. L'allocation discrétionnaire (allocation administrée) renverse cette relation" (O. E. WILLIAMSON 1990, p. 5).

230.

En effet, alors que dans l'analyse de A. A. ALCHIAN et H. DEMSETZ (1972), l'entreprise est vue comme une forme particulière de marché centralisé (chaque agent est lié au principal par un contrat bilatéral, tandis que les agents ne contractent pas entre eux ; il s'agit d'un système de contrats centralisés), chez O. E. WILLIAMSON l'institution est une structure génératrice de pouvoir (E. BROUSSEAU 1989).

231.

La théorie des droits de propriété prend en compte une rationalité substantielle mais contrainte par une information coûteuse et un opportunisme restreint. Les contrats sont alors des "optima". La théorie (positive) de l'agence reconnaît que la rationalité des agents n'est que procédurale, et introduit un principe (la concurrence) qui conduit les agents à faire des choix conformes à la rationalité substantielle.

232.

"Among the assumptions and major variables in the transactions-cost model, the postulate that mankind is basically 'opportunistic, with guile and deceit', has been questioned, from both an empirical and a 'moral' point of view. Sociologists, in particular, point out that economic relationships also contain elements of mutual trust and exchange of a social and cultural kind (Perrow, 1986)" (J. JOHANSON, L. G. MATTSSON 1991, p. 261).

233.

Pour combler cette lacune il faudrait peut-être, à la manière de C. EVERAERE (1993), passer des coûts de transaction aux investissements de transaction. Les investissements impliquent une dépense temporelle au départ liée au processus collectif d'apprentissage et de prise de décision, et aux anticipations de divers problèmes, mais génère en retour des gains sous forme de réduction des pertes de temps, économies de ressources... Autrement dit, il ne s'agit pas d'économiser les coûts dans le sens de les réduire, mais d'encourager les investissements qui concourent à un processus collectif d'apprentissage et de prise de décision, ceci conduisant à un double enrichissement : cognitif et financier. Les investissements de transaction permettraient alors d'apporter des éléments de compréhension quant à la structuration des formes organisationnelles.

234.

Parmi les formes institutionnelles, il y a le marché et la hiérarchie. Après 1985, O. E. WILLIAMSON va considérer qu'il existe des arrangements institutionnels différents du marché et de la hiérarchie : les formes de coordination "hybrides". Nous en parlerons dans la deuxième section de cette partie, B-.

235.

"(...) la démarche néo-institutionnelle s'interdit de considérer les firmes comme des coalitions capables de s'ériger en entités collectives capables de modifier les règles de la concurrence pour s'approprier du surplus et organiser son partage entre ses membres" (E. BROUSSEAU 1989, pp. 145-146).

236.

"For those reasons, while the «make or buy» alternative may still be valid for some services, for most (informational) businesss services, the more efficient solution tends to become the mixed «make and buy» solution" (J. DE BANDT 1996, p. 27).