Conclusion Section 1

Dans cette section, consacrée aux analyses de la firme, nous avons choisi de présenter d'abord les fondements théoriques des nouvelles théories de l'entreprise (c'est-à-dire l'analyse néoclassique et ses premières remises en question) pour ensuite aborder leurs réponses face au problème de la coordination intrafirme.

Petit à petit les hypothèses standards ont été relâchées : la rationalité n'est plus parfaite mais limitée, l'objectif de la firme n'est plus unique du fait de l'existence d'une coalition de groupes aux intérêts divergents avec lesquels il faudra passer des contrats... Tout ceci va donner à la firme plus d'épaisseur et de réalisme.

La firme devient alors une organisation (S. BERGERON 1996). Elle va faciliter l'extension du domaine de rationalité des agents (par des coopérations par exemple), permettre d'affronter et de stabiliser un environnement incertain (par exemple par l'intériorisation de règles ou de normes par les participants, ce qui accroît l'efficience de l'organisation grâce à une meilleure coordination et à des décisions plus rapides) (C. MENARD 1989). La firme-organisation correspond aussi à un processus cognitif et économique, de coordination et de structuration des compétences individuelles. Cela nous amène à prendre en compte une dimension particulière de l'organisation : l'apprentissage. En effet, au même titre que les agents, les organisations apprennent et créent un "savoir collectif" (O. FAVEREAU 1989 b)268. L'apprentissage organisationnel apparaît alors comme un moyen de coordonner les actions, mais c'est un moyen non figé, non stable dans le sens où il évolue sans cesse.

La coordination dans le modèle standard passait par l'entrepreneur omniscient lequel faisait des choix rationnels pour atteindre la maximisation de son profit. Étant donné le relâchement de nombreuses hypothèses, la coordination ne peut plus s'effectuer de la sorte. Aussi les nouvelles théories de l'entreprise se sont-elles attachées à souligner de nouveaux dispositifs de coordination, suivant la manière dont elles se représentaient la firme. Comme nous avons pu le souligner précédemment, ces dispositifs sont variés, incomplets, plus ou moins visibles, plus ou moins performants, et nécessitent plus ou moins de temps pour apparaître. Aussi tous se combinent afin de limiter l'incomplétude de chacun d'eux (par exemple les contrats sont incomplets donc ils nécessitent d'autres mécanismes de coordination, de même que les innovations organisationnelles ou les contrôles ou la réputation... sont insuffisants et doivent être accompagnés d'autres dispositifs).

Toutefois confrontées au fonctionnement du marché du conseil, ces théories perdent de leur valeur analytique. Même si les visions développées sont justes car elles proposent des théories de la coordination avec des phénomènes d'acteurs qui produisent entre eux, elles sont limitées car elles n'intègrent pas la totalité du problème : une partie du fonctionnement du marché est expliquée, celle correspondant à la coordination d'acteurs différents dans un but productif (même si l'explication n'est pas tout à fait satisfaisante dans le cas du cabinet de conseil), mais les analyses n'apportent aucune réponse quant aux problèmes de la constitution du marché (rencontre offre-demande).

Notes
268.

L'apprentissage organisationnel constitue "un processus collectif d'acquisition et d'élaboration de connaissances et de pratiques participant au remodelage permanent de l'organisation" (V.-I. de LA VILLE 1998). Ce sont d'une part, la circulation des idées ou la diffusion des pratiques et d'autre part, la création de relations entre des compétences préexistantes qui en sont la source.