Cette partie cherchait à éclairer le fonctionnement du marché du conseil où il est délicat de faire se rencontrer l'offre et la demande et de produire en commun.
Il y a donc d'une part, des défauts de concurrence, lesquels ne sont pas dus à l'existence d'un monopole, mais au fait que le marché n'est pas suffisamment établi pour qu'une mise en équivalence des différents producteurs conduise à les soumettre à la concurrence (les "produits" incorporent la singularité de chaque vendeur). La simple confrontation des offres et des demandes ne suffit pas à évaluer la qualité des produits (d'autant plus qu'il y a un différé d'évaluation). Le client a donc d'énormes difficultés pour confronter entre elles les différentes offres disponibles. C'est pourquoi nous pouvons dire que le marché rencontre des difficultés dans l'évaluation de qualités non marchandes, d'où la nécessité d'opération de mise en forme des échanges.
D'autre part, il y a de multiples interrogations qui planent dans la phase de production : sur la mesure des contributions des différentes parties, sur la preuve tangible de l'exécution du service, sur le respect des engagements des différentes parties...
Ces diverses interrogations relatives à la structuration et au développement de la relation de service justifient donc notre intérêt pour les analyses qui portent sur les relations interfirmes.
Les différents travaux présentés ont apporté des éclairages multiples. L'article de D. E. BOWEN et G. R. JONES (1986), en mobilisant la théorie des coûts de transaction, montre que suivant l'opération de service un arrangement institutionnel particulier est préférable pour réduire les coûts de transaction, donc pour que les échanges se mettent en forme et que la production en commun soit coordonnée efficacement. Le travail de J. GADREY (1994 b) sur l'approche contractuelle de la relation de service, s'intéresse plutôt à la mise en place de contrats efficients, contrats de référence, qui précisent les contributions respectives et les résultats attendus284. L'auteur conclut cependant sur les difficultés de la mise en place de tels contrats quand on s'intéresse à des relations de service qui portent sur un service du type conseil. La spécificité de la relation de service conduit alors à la mise en place de contrats incomplets. Devant ces échecs de marché, ces transactions complexes pourraient être internalisées par les organisations. J. GADREY (1994 b) n'opte pas pour une telle solution mais complète son approche contractuelle par un approche en termes de conventions, et montre que, même si le marché est inefficient, les transactions marchandes peuvent quand même exister parce que des conventions viennent en complément des contrats : certaines vont favoriser le développement du marché, d'autres la coordination de la production en commun. Les conventions économiseraient ainsi sur les coûts de transaction et autoriseraient la mise en place de contrats "faibles". Le travail de A. ORLEAN (1994) va compléter ces approches dans la mesure où il se situe en amont de la production et apporte un éclairage sur le rôle de la confiance dans la constitution de l'ordre marchand.
Devant les caractéristiques de la relation de service (et notamment le degré élevé d'incertitude quand il s'agit de prestation de conseil), l'intérêt de ces diverses analyses est de révéler petit à petit comment se structurent, se coordonnent et se développent les relations de service, autrement dit, comment fonctionne le marché du conseil.
Tous ces travaux amènent à considérer la relation de service comme une relation aux frontières de l'organisation (de service ou cliente). Cette relation n'est ni internalisée ni externalisée, le client travaille en collaboration avec le consultant. Les besoins ou les exigences du client entrent en quelque sorte dans le cabinet, de même que les connaissances et compétences du consultant pénètrent chez le client. On pourrait alors considérer la relation de service (client-prestataire) comme le moteur des réorganisations internes du cabinet et de l'organisation cliente.
On se dégage de la problématique marché ou hiérarchie (cf. l'article de D. E. BOWEN et G. R. JONES (1986)) pour s'interroger sur la mise en place de contrats efficients.