Au terme de cette section, nous avons pu interroger des théories économiques qui tentent d'expliquer le fonctionnement du marché ; certaines apportent une réponse globale dans le sens où l'analyse portait à la fois sur la constitution du marché et sur la production en commun, d'autres ne mettaient l'accent que sur la coordination externe.
La plupart s'inscrivait dans une logique d'économie industrielle. Même si les différences sont nombreuses entre activités industrielles et de service (par exemple dans la preuve de la réalisation -exécution- du "produit"320), sur certains points elles ont tendance à se rapprocher, notamment concernant les frontières de l'organisation (le client entre de plus en plus dans l'entreprise industrielle sur la qualité, la quantité, la conception, de même le consultant s'insère dans l'univers particulier de son client), concernant également l'externalisation (le recentrage sur le métier de base ou la spécialisation flexible, phénomène qui touche l'industrie comme les services). Aussi ces divers points communs justifient-ils le détour par l'économie des relations interfirmes industrielles. Mais il ne s'agit pas de tomber dans l'excès et faire de tous les éclairages apportés par ces analyses "industrielles" des éclairages pertinents concernant le fonctionnement du marché du conseil. Il s'agissait donc de faire la part des choses et de montrer à chaque fois l'intérêt et les limites de chacune des théories passées en revue.
Dans cette deuxième section, nous avons souligné l'existence d'acteurs variés (clients, partenaires), aux objectifs et rôles différents, qui transitent aux frontières de l'organisation de service, et dont elle a besoin pour produire. Aussi cherchera-t-elle à coordonner ses activités avec celles de ses clients et avec celles de ses partenaires.
Cette coordination s'effectue par différents vecteurs : par les contrats, les conventions ou la confiance pour la coordination de la relation de service ; par l'autorité, les incitations et la confiance pour les relations prestataire-partenaire(s). Ces modalités sont donc variées (plus ou moins formelles, plus ou moins informelles), mais toutes visent à compléter les contrats qui sont incomplets (ils ne peuvent spécifier toutes les éventualités dans les relations prestataire-client et dans les relations prestataire-partenaires).
Toutefois, ces mécanismes de coordination externes ne doivent pas seulement faciliter l'usage de ressources, ils doivent permettre également la création de ressources. Dans le cadre d'activités de conseil en management, passer d'une problématique de l'échange à une problématique de la production est fondamental étant donné qu'il s'agit pour le consultant de produire une prestation, qui n'existe pas au départ, avec un client et parfois avec des partenaires (coproduction). L'efficacité de la coordination externe (mixage de tous les mécanismes) sera donc en relation directe avec la capacité à mettre en mouvement la coproduction dans la relation de service et dans les relations prestataire-partenaire(s), c'est-à-dire à dynamiser les engagements de chacun afin de réaliser une prestation opérationnelle dont on ne connaît pas au départ les contours précis. Aussi ‘"le résultat à obtenir est un «produit» en construction, qui se construit dans une dynamique d'interrelations"’ (A. BARCET, J. BONAMY 1997, p. 11).
La preuve est beaucoup plus tangible pour les biens -livraison, bon fonctionnement d'un objet, conformité à des normes- que pour les services.