PARTIE 3
LE FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ DU CONSEIL

Afin de bien saisir les orientations qui seront prises dans cette troisième partie, il nous semble nécessaire de faire un bilan rapide des deux parties précédentes.

La première, tout en précisant les contours du marché du conseil en management (caractéristiques des offreurs, des demandeurs...), cherchait également à décrire son fonctionnement. De cette description, il ressort des problèmes de constitution du marché (ajustement offre-demande) et de coordination (production en commun), ces problèmes étant bien évidemment liés à la spécificité des activités de conseil. Il ressort également des solutions à ces problèmes ; elles sont mises en place par les acteurs du conseil, ce qui traduit le caractère "auto-discipliné" de ce marché.

Dans la deuxième partie, nous avons choisi de questionner différentes théories économiques pour aller au-delà de cette description et comprendre le fonctionnement de ce marché. Plus précisément, il s'agissait de confronter les réponses théoriques concernant le fonctionnement des marchés, à la réalité du conseil. Finalement, il ressort qu'aucune des théories n'est capable de prendre en compte la spécificité de la firme de conseil et de ses relations externes ; aucune n'apporte de réponses complètes et satisfaisantes qui permettraient de comprendre le fonctionnement réel du marché du conseil. C'est pourquoi une troisième partie s'impose ; elle va chercher à reconstruire la réalité en essayant d'éclairer les mécanismes facilitant la constitution du marché et la production en commun.

Pour apporter une réponse précise, il nous a semblé important de revenir sur les caractéristiques spécifiques du conseil en management. Autrement dit, nous avons d'abord cherché (section 1) à mettre l'accent sur trois notions particulières qui permettent de distinguer très nettement les activités de conseil d'autres activités (de service ou industrielles). Ces trois notions (ou encore ces trois dimensions) -la singularité, le temps, les proximités-, tout en structurant les connaissances des parties précédentes, amènent à exclure toute logique de rationalité parfaite (donc pas de maximisation), à se placer dans une perspective dynamique (d'où refus des théories qui sont dans l'instantané) et à donner un support aux processus mis en évidence. Ces dimensions nous semblent devoir être considérées comme les trois grandes idées de base qui pourraient caractériser une économie des services (du type conseil).

Après une représentation synthétique et plutôt littéraire des dimensions du conseil, dans une deuxième section nous avons choisi de travailler sur une représentation plus schématique qui met l'accent d'une part, sur les relations entre acteurs (nombreux, variés et interdépendants) et les aspects contextualisant ces relations (proximités), d'autre part, sur l'interpénétration de l'échange, de la production et de l'usage dans la production de conseil, et enfin, sur les mécanismes de validation et d'évaluation. Plus précisément, avec cette représentation nous voulons montrer que la performance économique dans le conseil implique des relations (des contacts) qui amènent à prendre en compte l'importance des proximités entre acteurs (spatiale, socio-économique, cognitive) et des réseaux (personnels, professionnels, locaux spontanés ou institutionnalisés).

Ces deux sections "structurantes" nous permettent alors d'expliquer le fonctionnement du marché du conseil (section 3). Mais cette réponse doit nécessairement prendre en compte les actions et réactions d'acteurs, autrement dit, elle doit s'appuyer sur une approche dynamique systémique, afin de coller à la réalité économique des activités de conseil en management. C'est pourquoi nous avons choisi d'expliquer le fonctionnement du marché, à l'aide du concept d'auto-organisation. Ce dernier permet de considérer le marché du conseil comme un système en auto-organisation, c'est-à-dire comme un système qui modifie sa structure de base en fonction de son expérience et de son environnement. En d'autres termes, la structure du marché, ou son auto-organisation, est fortement dépendante des interactions entre individus et de l'organisation des échanges. Ce concept, parce qu'il nous pousse à questionner la dynamique micro-économique, va alors nous aider à repérer ‘"les «lois» invisibles, produites par le groupe et qui structurent le groupe"’ (O. HENRY, C. SAUVIAT 1991, p. 35), c'est-à-dire les conditions de structuration et de développement propres au marché du conseil en management.

Précisons également que toutes les sections s'appuient directement ou indirectement sur l'étude de la dynamique des services dans l'agglomération lyonnaise (cf. A. GRIMAND et alii 1999) à laquelle nous avons participé. D'une manière générale, cette participation a permis d'apporter un peu plus de crédibilité et d'arguments à ce travail et notamment à cette troisième partie. En effet, qu'il s'agisse des trois réalités fondamentales d'une économie des services (section 1), de la représentation (schématique) de l'activité de conseil (section 2) ou encore des explications au fonctionnement du marché proposées (section 3), tous ces aspects "ressentis" dans une approche de type bibliographique se sont vus confirmés dans une approche "terrain" (entretiens).