1 - La relation de service et son environnement

Comme nous venons de le dire, quand on s'intéresse aux processus de création de valeurs et de richesses dans le conseil, il ne faut pas simplement prendre en compte l'offreur et le demandeur engagés dans un processus de coopération portant sur la conception, la réalisation, le contrôle, l'évaluation d'une réalité "non-déjà-là" (J. DE BANDT, J. GADREY 1994), mais il faut également tenir compte de la société de conseil qui a son mode d'organisation, des partenaires parce qu'il faut parfois trouver des complémentarités quand la prestation déborde du métier du prestataire, des prescripteurs qui font partie des réseaux de connaissance du client ou du consultant, des commerciaux qui vont prospecter, des financeurs qui vont inciter les entreprises clientes à opter pour le conseil... Nous allons donc dans le même sens que L. BENSAHEL (1997, p. 56), quand elle précise que "La relation de service est donc fonction de l'environnement dans lequel elle s'inscrit".

Cet environnement peut être représenté de la façon suivante (J. GADREY 1994 a).

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Schéma : La relation de service et son environnement
[Note: Source : J. GADREY 1994 a, p. 41.]

Dans la partie basse du schéma (Relations A), on retrouve la relation de service avec P, le prestataire, C, le client et S, la réalité transformée ou réparée par P à la demande de C. Les doubles flèches mettent en évidence les interactions directes entre le prestataire et le client (c'est-à-dire la relation de service) mais également les actions de chacun de ces individus sur l'objet du service, qui peut porter sur des biens et systèmes techniques, sur des informations, sur des individus et des organisations.

Dans cette partie basse du schéma, il est important de mettre en évidence, comme le fait J. GADREY (1994 a)350, deux niveaux d'interaction ou de connexion entre les prestataires et les clients ; le premier correspondant à l'organisation des opérations et le second à l'organisation de leur contrôle et de leur rétribution :

  • les interactions opérationnelles : il s'agit des actions conjointes et coordonnées sur l'objet même du service entre le prestataire et le client ; ces interactions correspondent donc à la "coproduction" ou à la "coprestation" c'est-à-dire au processus d'interaction entre le prestataire et le client ;

  • les relations sociales de contrôle et de régulation de l'action, contractuelles ou conventionnelles, où prestataire et client produisent des jugements et des décisions à partir de critères négociés (contrats) ou admis (règles et conventions), en échangeant des informations sur leurs attentes réciproques. ‘"Ces relations se déroulent dans le cadre d'une certaine distribution des rôles ou responsabilités, de jeux d'influence et de pouvoir, de pratiques langagières et rituelles, et d'échanges affectifs"’ (J. GADREY 1994 a, p. 25). Ces relations sociales relient le consultant et le client (elles sont interpersonnelles) mais aussi l'organisation (le cabinet) et ses clients : le client entre en contact direct avec des prestataires mais aussi avec une organisation (dont font partie les agents prestataires), notamment en cas de réclamations ou de litiges ; le consultant est alors un médiateur entre les clients et l'organisation. Il s'agit donc d'un "jeu triangulaire" (J. GADREY 1994 b, p. 144).

Dans la partie haute du schéma (Relations B), on a tout l'environnement de la relation de service avec les institutions de régulation et les intermédiaires, c'est-à-dire tous les participants qui peuvent influencer ou perturber ce "jeu triangulaire" (J. GADREY 1994 b, p. 144).

Dans cet environnement on retrouve donc tous les intermédiaires, organisations ou institutions qui gèrent les "rapports sociaux de service" (J. GADREY 1990), c'est-à-dire qui vont faciliter la constitution et le développement du marché et la coordination d'actions individuelles dans un contexte d'incertitudes fortes et d'évaluations difficiles. Plus précisément, ils vont permettre de garantir : la socialisation des acteurs du service (par les différents intermédiaires qui vont faciliter l'ajustement offre-demande) ; la qualité des prestations immédiates et la mise en oeuvre de moyens conformes à des normes et des exigences définies socialement (au travers d'institutions professionnelles, d'associations d'usagers, d'organismes publics) ; la qualité et l'évaluation des résultats indirects (par des institutions de consommation, les pouvoirs publics) ; divers recours en cas de différends entre les parties... Finalement, ces intermédiaires, organisations ou institutions ont un rôle crucial car ils participent à la structuration du marché du conseil et à la construction du professionnalisme dans les activités de conseil.

Toutes ces entités agissent en fin de compte sur l'émergence ou sur le développement de la relation de service parce qu'elles ont un lien particulier soit avec le client, soit avec l'organisation prestataire (et donc avec les consultants).

Notes
350.

J. GADREY (1994 a) s'inspire ici des travaux de E. GOFFMAN (1968) sur le modèle de la "réparation" qui distinguent le traitement de l'objet et le traitement de la relation. Cela dit, dans le conseil, l'objet peut être un problème ne concernant pas un support tangible ; alors que chez E. GOFFMAN, l'objet est un système matériel ("(...) le praticien se retrouve en présence d'un système matériel à réparer, construire ou rafistoler, ce système étant, en l'occurrence, la propriété personnelle du client" (E. GOFFMAN 1968, p. 380)).