b - L'espace d'évaluation

Cet espace regroupe toutes les institutions d'évaluation publiques ou privées ; il peut s'agir de syndicats, d'associations professionnelles, de l'État. Toutes ces institutions exercent un pouvoir d'orientation du marché.

Le besoin d'évaluation s'affirme d'une part du côté de l'État qui souhaite une plus grande transparence des pratiques, d'autre part du côté des clients pour effectuer un choix plus rationnel, enfin du côté de la profession qui y voit le moyen de trier les vrais professionnels des "gentils amateurs", qui ternissent l'image de la profession. En fait, c'est surtout le différé d'évaluation dans les prestations de type conseil qui favorise cette tendance. En effet, le marché est conclu avant que la prestation ne soit réalisée et que le client ait pu en tester la qualité autrement que sur la base de la réputation du prestataire ou d'une expérience préalable.

Dès lors, afin de renvoyer une image de qualité des prestations, de sérieux, les professionnels n'hésitent pas à s'engager dans des processus de qualification et de certification. L'idéal serait la réglementation : l'accomplissement des rôles attendus (clients et prestataires) se ferait avec l'intervention d'une tierce partie qui en assurerait la surveillance à la manière des ordres professionnels. Mais la profession ne souhaite pas être réglementée. Des processus d'évaluation sont mis en place par la profession (label SYNTEC) ou en collaboration avec l'État dans le cadre de procédures de qualification et de certification émises par des organismes tiers (OPQCM, AFAQ)366. A côté de ces processus d'évaluation explicites, d'autres plus implicites existent. Par exemple, la participation d'un cabinet à un réseau est une évaluation (implicite) en matière de qualité : elle indique que le cabinet a subi une évaluation "positive" de la part de ses confrères.

Cela dit, ces règles institutionnelles conçues pour l'évaluation portent plutôt sur les conditions de faisabilité et ne garantissent pas du résultat. On peut obtenir des indications sur la qualité des prestations, sur la qualification des personnes mais pas sur la qualification du service. Par conséquent, les procédures d'évaluation auxquelles se soumettent les prestataires n'éliminent pas toutes les incertitudes, dès lors que l'activité porte sur des connaissances non scientifiques, non validées par des lois, simplement partiellement validées et dès lors que la qualité du service dépend fortement des comportements du client.

D'une manière générale, on peut dire que tout comme l'espace de validation, l'espace d'évaluation va permettre aux clients de disposer d'informations, tout particulièrement sur la qualité, que le marché dissimule, et aux professionnels de favoriser l'organisation des échanges. En référence au travail de L. KARPIK (1995) sur le métier d'avocat, on peut dire que tant que l'on a affaire à des "biens" marqués par l'incertitude sur la qualité (défense des intérêts du client ou conseil) et par l'asymétrie de pouvoir (les clients n'ont pas les connaissances suffisantes pour juger de la qualité du travail de l'avocat ou du consultant), seuls les dispositifs collectifs permettent d'assurer la continuité et l'efficacité de l'échange.

Notes
366.

L'OPQCM distribue des labels de qualité aux entreprises de conseil qui respectent différents critères. En 1992, un comité de certification a été mis en place par l'AFAQ. Le SYNTEC travaille activement à la mise en place de systèmes de certification au niveau européen.